Petits Chinois
Les petits Chinois ont donné mauvaise conscience à plusieurs générations d’enfants, du temps que les parents imposaient de finir la soupe ou le dernier bout de pain en agitant le spectre des famines lointaines. Aujourd’hui, c’est le contraire. Un petit chinois, à partir de 10 ans, qui refuserait d’aller à l’usine faire ses 60 heures/semaine, on le menace de connaître le sort de ces pauvres Européens, chômeurs pour cause de délocalisation. C’est la même chose pour les valeurs républicaines et démocratiques, dont on fait grande consommation chez nous et si peu là-bas. Ici les électeurs chipotent le plat électoral, même en leur représentant les charmes d’un suffrage libre et universel, et d’un système qui préserve des droits aussi imprescriptibles que celui d’immobiliser les trains. En Chine, quand les trains ont du retard, ce n’est pas à cause du syndicat, et quand on vote massivement et à 99 %, ce n’est pas en raison de la diversité des partis politiques ni de la richesse du débat public. Où il est démontré que nous avons bien fait de sauver les petits Chinois de la famine : désormais ils travaillent, votent et défilent sur les Champs-Élysées à notre place. Laissons-les faire encore un peu : nos trains partiront à l’heure, et tous les jours.