OGM : les Français ne sont pas prêts
Il est difficile de se mettre d’accord en France. La question des dispositions légales encadrant la culture de plantes génétiquement modifiées (PGM pour les industriels des semences) est un des nombreux exemples de la sphère agricole. En Allemagne pourtant, les partis verts et des sociaux-démocrates ont trouvé un compromis de base à l’établissement d’un projet de loi fixant la coexistence de cultures OGM, conventionnelles et biologiques, en France, les débats se poursuivent et ne laissent pas espérer avant quelques mois le décret promis à Bruxelles. Si les travaux techniques avancent vite, aux dires des spécialistes professionnels des cultures céréalières et oléagineuses, aucune proposition concrète n’a filtré quant aux dispositions judiciaires et d’indemnisation en cas de présence de grains génétiquement modifiés dans des récoltes conventionnelles ou biologiques.
Pour la Fnab, c’est zéro OGM ou rien
La coexistence de filières OGM et conventionnelles ou biologiques pose surtout un problème de cohabitation de ces cultures. Il s’agit de définir, culture par culture, les distances réglementaire entre parcelles et les barrières biologiques possibles de façon à empêcher la pollinisation d’un champ à un autre. De récentes études menées dans la filière maïs ont démontré que le risque d’inter-fécondation est faible pour cette céréale. La séparation nécessaire entre parcelles de maïs de différente nature est donc étroite, concluent les professionnels. Seule réserve : le risque existe si une parcelle de maïs conventionnel de la taille d’un mouchoir de poche jouxte une parcelle de maïs transgénique de la taille d’un drap. Le risque de pollinisation en colza est bien plus grand. Au Canada, il devient difficile de récolter des parcelles exemptes d'OGM, témoigne un journaliste d'AgraPresse allé enquêter sur place. Un constat qui explique peut-être le «non mais» prononcé la semaine dernière à l'égard de cette culture par un organisme consultatif britannique. Le but des règles de coexistence est d’obtenir le seuil maximal de 0,9 % de présence fortuite dans une récolte, au-delà duquel la marchandise doit s’étiqueter OGM.
Ce taux a été arrêté par Bruxelles en juillet dernier. Les coopératives françaises de production sont techniquement prêtes à définir les cahiers des charges. Elles signalent seulement que cela aura un coût…
Autre problème, la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) réclame un taux de présence fortuite d’OGM quasiment nul. Ce n’est pas tout, elle réclame un système « simple et rapide» d’indemnisation en cas de contamination. Les autres filières qualité s’inquiètent, elles aussi. Certaines régions où elles sont nombreuses, comme le Limousin et la Bourgogne, revendiquent le statut non-OGM. Elles doivent pour cela déposer un dossier à Bruxelles, comme l’a fait l’ensemble constitué par le Frioul-Vénétie, la Haute Autriche et la Slovénie.
Un seuil bas menace l’industrie semencière
La question de la coexistence prend un tour crucial pour la France, premier pays producteur européen de semences en Europe. Un seuil réglementaire reste à définir pour les semences au niveau européen. Trop bas (certains pays défendent 0,1 %), il met en péril cette industrie, prévient Grégoire Berthe, président de Seproma (organisation des semenciers de maïs) et p-dg de Limagrain Genetics. « Fixer un seuil excessivement bas serait le signe d’une volonté délibérée d’exclure les OGM, et de refuser par principe la coexistence des diverses formes d’agriculture», s’insurgent les industriels des semences et de la protection des plantes dans un document commun intitulé défendant la coexistence. Ils rappellent que les seuils concernent des OGM « prouvés inoffensifs sur la santé et l’environnement», qu’ils répondent « uniquement à un souci d’information de l’utilisateur, agriculteur, industriel ou consommateur».
Très énervé de la lenteur des délibérations, Michel Fosseprez, président de l’union coopérative InVivo (impliquée dans la création variétale et multiplication de semences) a constaté devant la presse la veille de son assemblée générale : « Les gouvernements passent… il y a une constante, c’est le manque de courage sur ce dossier. Du coup, on n’est pas cohérent. Quand les consommateurs mangent du jambon d’Espagne, ça ne les dégoûte pas alors que les porcs ont mangé du maïs transgénique. Si on ne veut pas des filières OGM, on n’importe pas de produits issus d’OGM ! Je remarque aussi que les nouveaux pays membres de l’Union ont pris de l’avance. Ici, on est en train de f… une filière et des producteurs en l’air».