Nanomatériaux : l'Anses appelle à un cadre renforcé
C'est à la fin des années 1990 qu'apparaissent les technologies permettant le développement des nanomatériaux à des fins industrielles. Désormais, les nanomatériaux entrent dans la composition de nombreux produits de la vie courante : cosmétiques, textiles, peintures, applications médicales… Mais aussi dans l'alimentation où par exemple les nanoparticules de dioxyde de silicium sont utilisées comme anti-mottant dans le sel de cuisine. Ce déploiement technologique s'accompagne de travaux relatifs à leur impact sanitaire éventuel, mais comme le souligne l'Anses, « de nombreuses questions subsistent quant à leurs effets sur la santé et l'environnement ».
“L'Anses pointe la toxicité de certains nanomatériaux”
L'agence a notamment coordonné l'action conjointe Nanogenotox dont l'objectif scientifique était de fournir à la Commission européenne et aux États membres une méthode rigoureuse et fiable de détection du potentiel génotoxique des nanomatériaux manufacturés. En 2012, elle a mis en place un groupe d'experts permanent dédié à l'actualisation des connaissances sur les enjeux sanitaires et environnementaux liés à l'exposition aux nanomatériaux, ainsi qu'un comité de dialogue « Nanomatériaux et santé ». Dernièrement, elle s'est autosaisie afin d'actualiser l'état des connaissances sur l'effet des nanomatériaux sur la santé et sur le contexte réglementaire et sociétal.
Cette synthèse des connaissances, publiée au début du mois, montre que malgré la progression des connaissances scientifiques, « les incertitudes restent importantes quant aux effets des nanomatériaux sur la santé et l'environnement », précise-t-elle. Elle met en évidence des caractéristiques de danger très diverses ainsi qu'une grande complexité à appréhender les situations d'exposition pour l'homme et l'environnement, rendant difficile de mener des évaluations spécifiques des risques. Pour l'Agence, il faut « mettre en place sans attendre des outils pour mieux maîtriser les risques par un encadrement réglementaire renforcé au niveau européen ».
” Sur la base de tests in vitro et in vivo sur l'animal, le rapport met en évidence la capacité des nanomatériaux à passer les barrières physiologiques et pointe la toxicité de certains d'entre eux, sachant qu'il n'existe pas à l'heure actuelle de données directement sur l'homme, en raison de l'absence d'études épidémiologiques. Il faut selon elle, encadrer de façon à renforcer au niveau européen la mise sur le marché des nanomatériaux manufacturés, afin de mieux caractériser chaque substance et ses usages, en prenant en compte l'ensemble du cycle de vie des produits.
Ce cadre réglementaire permettrait de renforcer la traçabilité des nanomatériaux destinés à être intégrés dans les produits de consommation, depuis leur production jusqu'à leur distribution, et ainsi de mieux caractériser les expositions des populations, et permettre de mieux cibler les évaluations de risque à réaliser. Ces évaluations de risques peuvent conduire dans le cadre de la réglementation REACh à des mesures de restriction d'usage voire d'interdiction.
Difficile de s'accorder sur la définition exacte d'un nanomatériau. L'Anses dans son évaluation considère qu'il s'agit de particules dont la taille ou la structure comporte au moins une dimension comprise entre 1 et 100 nanomètres environ. Soit la taille intermédiaire entre les atomes, et les matériaux dits « passifs ». Cette taille nanométrique confère à la matière des propriétés physiques, chimiques ou biologiques particulières, qui n'existent pas à la taille plus grande. Des nouvelles interactions qui peuvent rendre les composés plus inflammables ou encore plus explosifs. Autre inquiétude, leur capacité à intéragir avec les tissus biologiques. En cause, leur plus grande surface de contact ou leur capacité à franchir des barrières physiologiques ou interagir avec les biomolécules du corps humain.