Marque France : entre promotion d’un rêve et édification d’un droit
Le 28 juin dernier pas moins de quatre ministres (Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, Sylvia Pinel, ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme, et Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Économie numérique) se sont fait remettre un rapport sur la « Marque France », préalable à une grande consultation nationale en vue d’une mise en œuvre en janvier 2014.
L’objectif des promoteurs de cette démarche est d’écrire, enseigner et promouvoir un « récit économique de la France » autour de « croyances » qu’il conviendrait de développer, dans le sillage du « Deutsche qualität » ou de l’ « American dream ». La lecture du rapport, qui invoque certains slogans comme « La France crée du style » ou « Le je ne sais quoi n’est pas délocalisable », montre que le projet « Marque France » relève davantage d’un plan de communication à long terme que de la mise en place d’un système de protection des produits français pouvant appeler une sanction juridique.
La promotion de l’origine étatique combattue par l’UE
Depuis longtemps, le « Fabriqué en France » ou « Made in France » avait tenté de poser les jalons d’un produit certifié fabriqué en France, mais la promotion de l’origine étatique du produit est dorénavant combattue aussi bien dans le cadre de l’OMC que dans celui du marché unique (voir CJCE 24/11/1982, « Buy Irish »). Seuls certains produits comme les fruits et légumes et la viande (suite au scandale dit de la « vache folle ») font l’objet d’une obligation d’indication de l’origine. Or, même dans ces cas la garantie portée par l’article 24 du Code des douanes communautaires ne porte que sur le pays où a eu « lieu l’ouvraison ou la transformation la plus substantielle et économiquement justifiée ». En d’autres termes, il serait tout à fait possible d’importer du lait de Roumanie et de le transformer en camemberts dans une usine de Normandie en commercialisant ceux-ci avec la mention « Fabriqué en Normandie », laissant au consommateur profane le soin de vérifier produit par produit dans les annexes du Code des douanes en quoi consiste « l’ouvraison substantielle ». C’est ce qui a conduit les interprofessions de la viande bovine, Interbev, puis porcine, Inaporc, à communiquer sur leurs logos VBF et VPF, certifiant une naissance, un élevage et un abattage en France, et pas seulement deux ou trois mois d’engraissement avant l’abattoir.
Le modèle abouti des appellations et IG
C’est à la suite de ce constat qu’a été créé le 19 mai 2011, le label « Origine France Garantie » afin de garantir au consommateur qu’au moins 50 % du coût de fabrication a été engagé en France. Mais là encore, il ne s’agit que d’une indication essentiellement douanière, qui ne garantit en rien la qualité du produit, et qui est déceptive pour le consommateur, qui croit à un produit entièrement français.
Sauf à persuader les Français qu’un produit hexagonal vaut mieux qu’un produit étranger en toutes circonstances en lançant une sorte de Buy American Act à la française, le vieux modèle des appellations et indications d’origine (Loi du 6 mai 1919 en France pour les appellations d’origine), repris dans le cadre communautaire à travers les AOP et IGP, semble aujourd’hui le plus abouti et raisonné, même s’il n’est pas parfait puisque les cahiers des charges de ces appellations révèlent parfois des surprises (provenance des matières premières) et des spécifications techniques que le consommateur n’est pas réellement en mesure de vérifier et qui lui sont parfois inintelligibles.
Le salut du « Fabriqué en France » ne saurait, pour le juriste, relever de l’incantation publicitaire : il ne peut relever que de la promotion de produits spécifiques à la France dont on puisse contrôler et garantir qu’ils sont fabriqués selon des savoir-faire déterminés reliés à une origine précise insusceptible d’induire le consommateur en erreur.