Loi ESS : un contrôle renforcé pour les sociétés coopératives
La loi du 31 juillet 2014 relative à l'Économie sociale et soli-daire consacre un titre entier au modèle coopératif, dont le dé-veloppement constitue l'un de ses objectifs. Pour ce faire, elle s'ins-pire pour partie du modèle propre aux coopératives agricoles, et notamment du principe de la révision, inconnu de la loi de 1947, mais qu'elle adopte et amplifie.
La révision coopérative est destinée, selon la loi, à vérifier la conformité de l'organisation et du fonctionnement des sociétés coopératives aux principes et aux règles de la coopération et à l'intérêt des adhérents, ainsi qu'aux règles propres à chaque catégorie et à proposer des mesures correctives. Pratiquée par des réviseurs agréés indépendants, elle vise autant la comptabilité, le droit et la fiscalité que les valeurs coopératives. Elle n'intervenait de manière obligatoire que pour les coopératives agricoles, et à certaines occasions seulement : lors de leur demande d'agrément, de manière périodique, en cas d'opérations avec des tiers, en cas de revalorisation du capital ou en cas de fusion.
Obligatoire tous les cinq ansLa loi modifiée élargit considérablement le champ de la révision en l'étendant à toutes les formes de sociétés coopératives, mais aussi en la rendant plus systématique et en organisant la sanction. À cette fin, elle ajoute à la loi de 1947 trois nouveaux articles, numéro 25-1 à 25-4.
Il en résulte tout d'abord (article 25-1) qu'au-delà de certains seuils qui seront fixés par décret (et qui porteront sur le total du bilan, le chiffre d'affaires, le nombre de salariés ou le nombre d'associés), une révision sera obligatoire tous les cinq ans au moins, les statuts pouvant prévoir une périodicité plus courte. Elle le sera également, sans considération de seuil, au terme de trois exercices – que l'on suppose successifs, bien que la loi ne le précise pas – déficitaires ou si les pertes d'un exercice atteignent ou dépassent la moitié du montant le plus élevé atteint par le capital social. Elle le sera enfin à la demande d'un dixième des associés, d'un tiers des administrateurs, de l'Autorité administrative habilitée à délivrer l'agrément ou d'un des ministres de tutelle.
Critères incontestablesLa révision est effectuée par un réviseur agréé (d'anciens associés d'une société coopérative pouvant faire l'objet d'un agrément dans des conditions qui seront déterminées par décret), dont la désignation pourra être provoquée, sous astreinte, par le président du tribunal compétent statuant en référé, à la demande de tout intéressé ou du ministère public (article L.25-2). Le rapport du réviseur sera transmis aux organes de gestion et d'administration et mis à la disposition de tous les associés (ainsi que, le cas échéant, à l'Autorité de contrôle prudentiel) puis présenté et discuté au cours d'une assemblée générale. Le ré-viseur ayant pouvoir de mettre en demeure la coopérative de se conformer aux règles et principes qui la régissent ou aux intérêts des adhérents (cette dernière disposition pouvant être source de graves discussions). Si les mesures qui lui semblent nécessaires ne sont pas prises, le réviseur pourra recourir – lorsqu'il existe un réseau, une union ou une fédération – à une instance supérieure, puis saisir le président du tribunal pour voir prononcer une astreinte ou l'autorité d'agrément ou encore le mi-nistre de tutelle (article 25-3), qui peuvent impartir des mesures correctives sous peine de retrait de l'agrément (article 25-4).
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Les coopératives bénéficient, on le sait, d'un certain nombre d'avantages qui justifient le contrôle de leur fonctionnement afin que leurs adhérents, les tiers et les Autorités soient assurés de leur conformité aux règles qui les régissent. Le contrôle et les mesures coercitives, ici instaurés, sont lourds, mais sans doute nécessaires. Encore faut-il qu'ils soient fondés sur des critères incontestables, ce que ne garantit pas le recours à des notions parfois sujettes à interprétation ou discussion, tels les « principes de la coopération » ou l'intérêt (pas forcément unique) des adhérents.