« L'œuf fermier doit être ramassé à la main »
Une audience devait se tenir jeudi dernier au Tribunal correctionnel de Béthune. Les magistrats l'ont reportée au 29 mars 2007 pour cause de grève SNCF.
Les Marchés : le Tribunal correctionnel est-il le meilleur lieu pour cette affaire commerciale ?
Me Dany Cohen : La voie pénale impose de démontrer l'infraction, ce que nous pouvons faire. Cocorette a été la première marque à adopter l'appellation « œufs fermiers » créée à la fin des années 90 par le ministère. Les producteurs avaient renoncé volontairement au convoyage automatique des œufs sur tapis roulant et opté pour le ramassage à la main sur litière de paille. Non seulement cette méthode correspond mieux à l'idée que se fait le consommateur d'une production fermière, mais elle préserve la cuticule protéinée qui protège l'œuf des agressions microbiennes. La CNLC a adopté ce point de vue, mais quand les Fermiers de Loué se sont lancés dans l'œuf Label Rouge, en 1998, ils ont conservé le convoyage automatique. Ils ont utilisé l'appellation « œufs fermiers » alors que le ministère de l'Agriculture ne leur donnait droit qu'à « œufs de poules fermières ». C'est là que sont la publicité mensongère et la tromperie.
LM : Quel poids aura au procès l'enquête commanditée à Ipsos en octobre 2006 ?
Me D.C. : La Cour de cassation prend en compte ce que croit le consommateur moyen. Cette enquête a été préparée sous contrôle d'huissier. Des photos objectives d'élevages Corcorette et de Loué ont été présentées dans un ordre aléatoire aux personnes qui devaient se prononcer sur le caractère fermier ou non de la production. Le résultat est très frappant puisque 91 % des gens ont considéré que l'élevage Cocorette était "fermier" et 89 % que l'élevage de Loué ne l'était pas. C'est aussi sur avis des consommateurs que la CNLC avait exigé en septembre 2000 que les producteurs d'œufs fermiers éliminent les tapis le 1er janvier 2001. Malheureusement, les Fermiers de Loué ont eu assez de pouvoir pour que le ministre signe l'arrêté de juin 2004 qui annule cette exigence, profitant d'une vacance de la CNLC. Cocorette aurait dû attaquer l'arrêté. Le Conseil d'Etat ne peut laisser passer ça.
LM : Quel est le préjudice commercial ?
Me D.C. : Le ramassage à la main est plus coûteux. Carrefour vient d'éliminer Cocorette au motif que l'œuf Mas d'Auge était 17 à 20 % moins cher. Une action en référé a été engagée à son encontre.