LMA : les nouveaux contrats sont-ils compatibles avec le code de commerce ?
La loi de modernisation de l’agriculture (LMA) adoptée le 27 juillet 2010 prévoit la possibilité, spécialement incluse dans le code rural, de rendre obligatoire la rédaction d’un écrit pour la vente de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation entre producteurs ou autres opérateurs propriétaires de la marchandise et acheteurs. Or l’articulation de ces dispositions soulève certaines questions, notamment au regard du code de commerce.
Rédaction Réussir
Les nouveaux contrats prévus par la LMA doivent comporter diverses clauses telles que la durée du contrat, les volumes, les caractéristiques des produits à livrer, les conditions de livraison, de formation du prix et de révision de celui-ci, les conditions dans lesquelles le contrat prend fin et le préavis de rupture.
Leur conclusion peut être rendue obligatoire soit par un accord interprofessionnel, soit, à défaut, par un décret en conseil d’État.
La LMA prévoit même que ce contrat est alors obligatoire pour les ventes de produits agricoles livrés sur le territoire français, quelle que soit la loi applicable au contrat, sous peine de sanction pénale en cas de non-respect.
Depuis la loi LME du 4 août 2008, l’article L.441-7 du code de commerce prévoit qu’un écrit est obligatoire dès lors qu’une relation achat-vente n’intervient pas stricto sensu sur la base des conditions générales de ventes (CGV) du fournisseur. Cet écrit doit retracer les conditions de vente convenues entre le vendeur et l’acheteur et, d’une manière générale, décrire les services rendus par l’acheteur au vendeur.
Le problème est qu’en matière agricole, nombreux sont les exploitants ou les entreprises qui n’ont pas de CGV. La possibilité qu’une relation achat-vente entre un producteur agricole et un acheteur professionnel intervienne sur la base des conditions de vente du fournisseur apparaît de facto extrêmement hypothétique. La seule solution sera donc de formaliser la relation dans le cadre de l’article L.441-7 du code de commerce.
La durée du contrat
Surviennent alors un certain nombre de questions de compatibilité avec le contrat de vente de produits agricoles de la loi LMA, à commencer par la durée du contrat.
Alors que dans le cadre du code de commerce, la rédaction d’un contrat doit être annuelle, la LMA prévoit que la durée du contrat doit être définie dans le contrat de vente de produits agricoles ; ce contrat est renouvelable par tacite reconduction pour une égale durée à défaut de dénonciation.
Comment la relation sera-t-elle aménagée, la LMA ne prévoyant aucune éviction de principe des dispositions de l’article L.441-7 du code de commerce en cas de conclusion d’un contrat de vente de produits agricoles conforme au code rural ?
De même, le contrat de vente de produits agricoles rend impossible la négociation au profit de l’acheteur de rabais, remise ou ristourne. Ici, le législateur a pensé à une transposition de ces dispositions dans le code de commerce. Il s’agit donc d’une exception de plus à la liberté contractuelle et la libre négociabilité de la LME.
Il est vrai qu’en 2008, l’objectif affiché par le législateur était de faire baisser les prix, alors qu’aujourd’hui, il s’agit d’assurer un revenu aux agriculteurs.
La non-conformité, qui autorise un retour de la marchandise, suppose un écart du produit par rapport à une norme légale ou réglementaire. Dans le code civil, la non-conformité s’entend au regard de ce qui a été prévu contractuellement. Faudra-t-il, dans un tel cas, que l’acheteur fasse son affaire personnelle d’un produit qui n’est pas celui qu’il avait commandé ?
Enfin, la loi prévoit l’application obligatoire de ce contrat de vente de produits agricoles aux produits livrés sur le territoire français quelle que soit la loi applicable au contrat. La possibilité de mettre en œuvre des sanctions pénales à l’égard de ressortissants non nationaux laisse toujours perplexe en matière économique.
La pratique dira si ce nouveau contrat fait figure de gadget ou de véritable instrument de régulation.