L’Europe impose sa marque sur les produits d’origine
Il y a 17 ans, le premier règlement instituant les AOP (appellation d’origine contrôlée) et IGP (indication géographique protégée) paraissait au Journal officiel de l’Union européenne. C’était le 14 juillet 1992. Ce règlement instituait déjà des logos pour différencier les produits, mais leur étiquetage n’était pas obligatoire. En 1996, une campagne de communication visait à accompagner les premiers produits homologués revenant de Bruxelles estampillés d’une IGP ou d’une AOP. Cette communication eut lieu dans tous les États membres, sans vraiment atteindre son objectif d’informer les professionnels et les consommateurs de la signification de ces petits ronds jaunes et bleus, faute d’ambition et de moyens.
Par la suite, les seuls messages adressés aux consommateurs le furent via les différents programmes mis en place par les professionnels, cofinancés à 50 % par la Commission. C’est le Palso (IGP des produits du canard à foie gras du Sud-Ouest) qui ouvrait la voie avec un programme sur trois ans. Vint ensuite le Cnaol (Conseil national des appellations d’origine laitières), avec un programme triennal, renouvelé l’année dernière pour trois ans ; puis l’Afig (Association française des indications géographiques) dont le programme vient de se terminer. Ces programmes, principalement destinés au grand public, visaient ou visent à expliquer la signification de démarches encore largement ignorées, à côté de la notoriété de l’AOC ou du Label Rouge. Force est de constater que la connaissance de ces logos est restée pour le moins confidentielle.
Sans communication, pas de notoriété
C’est précisément ce que la Commission européenne entend changer, en rendant obligatoire l’affichage des logos ou des mentions AOP et IGP sur les produits concernés ; un peu comme le Label Rouge a construit sa notoriété par la présence de son logo sur près de 250 millions d’étiquettes chaque année dans la distribution. Mais les États membres (surtout du Nord, représentant peu de produits AOP/IGP) en ont décidé autrement et laissé une alternative aux opérateurs : obligation soit d’afficher la mention « Appellation d’origine protégée » ou « Indication d’origine protégée » en toutes lettres, soit apposer le logo correspondant. Cette demi-mesure paraît nettement insuffisante quand on connaît l’impact d’un logo fort. Le logo de l’AOP a depuis lors changé de couleur, notamment à l’initiative des producteurs français de fromages AOC, les premiers concernés par l’apparition du nouveau logo. Le visuel d’origine de l’AOP, bleu et jaune, identique à ceux de l’IGP et de la STG, est devenu rouge et jaune. Cette distinction est censée permettre aux consommateurs de mieux différencier l’AOP de l’IGP. Les nouvelles couleurs devront apparaître obligatoirement à partir du 1er mai 2010, le temps pour les opérateurs de revoir leurs emballages. Mais la présence du logo de l’AOP, rouge et jaune ou bleu et jaune, ou de la mention en toutes lettres est obligatoire dès le 1 er mai 2009.
Lors de la consultation sur le livre vert, un nombre important de contributeurs a mis en évidence le manque de communication sur les AOP et IGP, même si la question a été évacuée des documents officiels. Pourtant, la réalité est bien là. Sans communication, le système des AOP et IGP mettra encore des années à être perçu par les consommateurs. Or, la Commission européenne en rejette toujours le principe et semble, comme les gouvernements des États membres, estimer que c’est l’affaire des professionnels. Il reste que les « marques d’origine » nationales, comme l’AOC ou le Label Rouge, ont mis des années avant de bénéficier d’une certaine notoriété. Cette évolution risque bien d’être mise sur le compte d’une évolution uniquement technocratique. C’est bien le pire des scénarios imaginables.