Les IAA, cibles privilégiées du soutien à l'investissement vert
Dans la mouvance précédant Cop 21, le gouvernement tente d'inciter les industriels à s'engager dans la transition écologique. L'agroalimentaire y est encouragé par de multiples dispositifs d'aides, pas toujours connus des entreprises. Si certains acteurs ont déjà franchi le pas, pour valoriser leurs déchets ou opter pour une source d'énergie durable d'autres hésitent encore face aux prix bas du gae et du pétrole.
L'augmentation de l'activité de nos industries doit se faire en intégrant les leviers de la transition écologique comme une source de performance économique. C'est pourquoi il faut développer et promouvoir toutes les initiatives qui s'inscrivent dans un objectif d'amélioration de l'efficience énergétique de l'entreprise et de réduction de son impact environnemental », déclarait le 2 juin Stéphane Le Foll, à l'issue d'une réunion avec les industriels de l'agroalimentaire pour promouvoir les investissements verts. C'est dans cet objectif que la loi Macron prévoit un dispositif de suramortissement en faveur de l'investissement productif. D'après l'article 142 du texte de loi, les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu peuvent déduire de leur résultat imposable 40 % de la valeur des biens d'équipement acquis ou fabriqués, éligibles à l'amortissement dégressif prévu à l'article 39A du Code général des impôts. Il faut toutefois que ces dépenses soient réalisées entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016. Concernant les investissements verts, les biens peuvent être des installations destinées à l'épuration des eaux et à l'assainissement de l'atmosphère ou productrices de vapeur, de chaleur ou d'énergie, sauf quand la production d'électricité bénéficie de tarifs réglementés d'achat.
Aide préalable aux investissementsIndépendamment du suramortissement, il existe une multitude de dispositifs mobilisables par les en-treprises agroalimentaires pour leurs investissements verts. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) propose d'ailleurs une aide aux études préalables aux investissements. Cette subvention, dont le montant varie de 5 000 euros à 100 000 euros selon le type d'étude, s'adresse aussi bien aux PME qu'aux grandes entreprises pour des prestations réalisées par des bureaux d'étude et des conseils externes. Pour les petites entreprises, l'Ademe peut subventionner jusqu'à 70 % de l'étude.
Les certificats d'économie d'énergieAutre dispositif, les certificats d'économie d'énergie (CEE). Ils résultent d'une obligation pour les fournisseurs d'énergie de pro-mouvoir les investissements d'économie d'énergie auprès de leurs clients. « Les CEE sont attribués à une entreprise lorsqu'elle réalise un investissement qui per-” met d'économiser de l'énergie ou d'améliorer l'efficacité énergétique, par exemple en installant une chaudière plus efficace ou un système de variation électronique de vitesse sur un moteur », explique Dominique Fresiers, directeur du marché IAA chez Engie (ex-GDF-Suez).
“ Transition écologique : un levier à intégrer
Il existe ainsi une liste d'opérations standardisées, qui possèdent chacune une fiche détaillant>> les conditions pour la délivrance du certificat ainsi qu'une évaluation de l'économie générée. Cette évaluation est ensuite valorisée financièrement par un fournisseur d'énergie, qui peut être celui de l'entreprise ou un fournisseur concurrent, en échange de l'achat du CEE. « Il est important que les entreprises mettent les fournisseurs d'énergie très tôt dans la boucle, en amont du projet, car ”ils doivent signer une convention avant le début des travaux », conseille Dominique Fresiers. En plus de s'engager à racheter le CEE, le fournisseur assure un appui administratif pour le montage du dossier, « qui doit être déposé auprès du pôle national des CEE au plus tard douze mois après la fin des travaux ». 11 % des certificats d'économie d'énergie concernent l'industrie dans son ensemble et l'agriculture, le reste provenant des bâtiments résidentiels ou tertiaires ou encore des transports. « Nous travaillons avec l'Ania pour faire connaître ce dispositif, car les PME ne savent pas toujours qu'il existe », ajoute Dominique Fresiers. Pour un investissement donné, les CEE ne sont toutefois pas cumulables avec d'autres aides de l'Ademe, comme les aides à l'investissement ou le fonds chaleur.
“ Mettre les fournisseurs d'énergie très tôt dans la boucle
Les Marchés Hebdo : Quels sont les dispositifs actuellement mis à disposition par l'Ademe pour les IAA souhaitant améliorer leur bilan énergétique ?
Sébastien Huet : L'outil principal est le fonds chaleur, plutôt orienté vers l'énergie renouvelable à par-tir de biomasse ou de bois. On peut accompagner l'installation de chaufferies à bois par exemple. Cela s'inscrit dans le cadre du Plan bois énergie Bretagne (animé par l'association Aile). On aide à l'étude de faisabilité (de 50 à 70 %) et aux investissements. Pour les petits projets, entre 100 et 1 000 t équivalent pétrole (TEP), l'aide de l'ordre de 30 à 40 % est déterminée en fonction de l'analyse économique. Au-delà des 1 000 TEP, le fonds chaleur intervient par appel d'offres au niveau national. On a aidé plusieurs chaudières à bois dans l'in-dustrie laitière, chez Sill à Plouvien ou Entremont à Montauban par exemple. Le fonds chaleur intervient en subventionnant des chauffe-eau solaires ou des systèmes de géothermie. Depuis cette année, l'Ademe soutient aussi la récupération de chaleur fatale, c'est-à-dire la valorisation de la chaleur perdue dans les process industriels. Enfin, la méthanisation peut être accompagnée par le fonds chaleur ou le fonds déchets. Par exemple, la salaisonnerie Tallec va prochainement utiliser la chaleur de biogénération provenant d'un méthaniseur voisin (Cap Vert, ndlr). La Cecab a aussi le projet de méthaniser des légumes. En Bretagne, le plan Biogaz (également animé par Aile) pilote ce dossier.
LMH : Quelle enveloppe est à la disposition des IAA en Bretagne ?
S. H. : Quatre à cinq millions d'euros par an sont utilisables par les agriculteurs et les IAA pour financer des projets de méthanisation et à peu près le même montant via le fonds chaleur. Le budget n'est pas limitant.
LMH : Y a-t-il un élan des industriels bretons vers les investissements verts ? Êtes-vous beaucoup sollicités ?
S. H. : Les prix du gaz et du pétrole jouent beaucoup. Quand ils sont bas comme en ce moment, il y a peu de projets de méthanisation. Et les prix à l'achat de l'électricité sont en renégociation. Nous avons eu un pic d'activité en 2011. Depuis, cela décline. Nous sommes revenus au niveau de 2009. Nous sommes plutôt dans une phase atone. L'intérêt se porte plutôt sur la valorisation de la chaleur fatale. Nous avons quelques dossiers à l'étude. Ceux qui investissent actuellement sont ceux qui voient au-delà du prix de l'énergie. Par exemple, Triballat vient de valider l'installation d'une chaudière à bois (à Châteaubourg, ndlr), dans le cadre d'un projet de développement durable.
Pour les projets portant sur le froid industriel, les procédés thermiques, le développement de nouveaux emballages ou la valorisation des coproduits, dont le budget est supérieur à 1 million d'euros, l'Ademe a par ailleurs lancé un appel à manifestation d'intérêt « industrie et agriculture écoefficientes ». L'agence offre des subventions et des aides partiellement remboursables aux différents partenaires, en fonction du montant de leurs dépenses. Les entreprises ont jusqu'au 30 novembre 2016 pour déposer leur dossier. En plus de l'Ademe, Bpifrance, la banque publique d'investissement, propose deux prêts à taux bonifiés. Le premier, le prêt vert 2, porte sur les procédés industriels consommant moins de matières premières et générant moins de déchets. Le second, le prêt écoénergie, s'adresse uniquement aux PME, et leur permet de financer des équipements améliorant l'efficacité énergétique. Alice Flores