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Les crevettes au creux de la vague


> Selon Goal Survey, en 2013, la production a enregistré une baisse de 16 % en Asie.
Après des années de croissance frénétique dans le monde entier, la production de crevettes d'élevage marque le pas dans de nombreux pays touchés par l'EMS. L'identification de la bactérie responsable pourrait relancer les volumes. Enquête.

McDonald's a lancé le 17 avril dernier un hamburger aux crevettes à 3,90 dollars au Japon. Le monde entier aime les crevettes, les petites ou les grosses, qu'elles soient de capture ou d'élevage comme la crevette à pattes blanches (penaeus vannamei) ou penaeus monodon (geant black tiger). Avec près de 110000 tonnes pour 660 millions d'euros en 2012 selon FranceAgriMer, elles représentent 11 % des importations françaises de produits de la mer en volume et 14 % en valeur…

L'aquaculture a pris le pas sur la capture sauvage pour alimenter le commerce international qui absorbe 60 % des volumes. Selon la Fao, la production mondiale a passé le cap du million de tonnes en 1995 pour connaître ensuite une croissance exponentielle : 3 millions de tonnes (Mt) en 2003, 5 Mt en 2008 et quasiment 6,5 Mt en 2011 dont 3,9 Mt de crevettes d'élevage. Mais depuis cette année charnière, l'élevage s'est rétracté : de 5,7 % en 2012 puis encore de 9,6 % en 2013. Au total, 2013 était en retrait de 23 % par rapport aux estimations d'avant la crise. La production pourrait redevenir normale en 2014 et 2015 mais, l'an prochain, les volumes livrés par l'élevage seront quand même de 4 % inférieurs au plus haut de 2011.

La zone Asie a porté une belle part de la croissance : elle a connu une hausse de 18 % par an entre 2002 et 2006 puis de 5 % par an entre 2006 et 2012. Les données pour 2013 et 2014 sont beaucoup plus inquiétantes. Selon Goal Survey, la production 2013 a enregistré dans la zone une baisse encore plus forte que la baisse internationale, à - 16 %. La Thaïlande (-48 % par rapport au plus haut de 2011), le Vietnam (-43 %) et la Chine (-26 %) ont été particulièrement touchés.

Jusqu'à 100 % de perte dans les bassins

Les prix, eux, s'envolent face aux affres que connaît la crevette. Elle souffre régulièrement de l'impact de différentes pathologie, comme l'épisode de « taches blanches » (white spots) qui avait décimé la production en Équateur en 2000 et sévit encore régulièrement. Mais cette fois-ci, le problème est nettement plus grave, il demeure et s'étend.

L'EMS s'est diffusé dans de nombreux pays d'Asie et dans certains pays d'Amérique latine

En cause, la bactérie Vibrio parahaemolyticus, assez répandue, mais dont une souche est devenue ” hautement pathogène pour les crevettes. Elle provoque l'EMS (early mortality syndrome), appelé également syndrome aigu de nécrose hépatopancréatique (AHPNS), apparu pour la première fois en Chine en 2009. L'agent pathogène colonise le tractus gastro-intestinal de la crevette et produit une toxine fatale pour l'animal. Il a été identifié par l'équipe du professeur Donald Lightner (université de l'Arizona) dont un doctorant vietnamien Loc Tran qui vient, son doctorat obtenu, de rentrer dans son pays et tente de faire appliquer les bonnes pratiques de production en intervenant même une fois par mois pour une émission à la TV nationale d'une heure en direct avec les éleveurs !

La pathologie ne se transmet pas à l'homme, mais détruit la totalité d'un bassin infecté. L'EMS s'est diffusé, probablement via les post larves, dans de nombreux pays d'Asie et dans certains pays d'Amérique latine, notamment le Mexique, qui a vu sa production chuter de 60 % en 2013.

La Thaïlande prépare son retour

Certains producteurs de moindre taille, (encore ?) indemnes se frottent les mains et annoncent une forte croissance : Indonésie (600 000 t), Inde (350 000 t) et dans une moindre mesure Bangladesh (malgré la sécheresse qui y sévit cette année), Malaisie et Myanmar notamment. La Chine reste leader de l'élevage aux environs de 1,2 million de tonnes, mais ne devrait pas très vite retrouver son niveau d'avant la crise. Elle pèse cependant moins sur le commerce international que la Thaïlande et le Vietnam quasiment intégralement tournés vers l'exportation.

Ces derniers se font actuellement doubler par l'Indonésie qui était en quatrième position en 2011. De nombreux investissements y sont annoncés afin de profiter de l'aubaine que constitue finalement l'EMS. Attention cependant au retour du bâton : très méthodique et forte de son expérience en aviculture (la grippe aviaire a généré une forte industrialisation de la filière), la Thaïlande souhaite revenir sur le devant de la scène. Dès l'EMS maîtrisée, les volumes repartiront à la hausse sur le marché mondial et induiront probablement une baisse des prix selon un récent rapport de la Rabobank. L'éradication de l'EMS est cependant difficile et passe par plusieurs impératifs : disposer de post larves indemnes (au grand bonheur de leurs producteurs), maîtriser la qualité de l'eau, bien préparer les bassins, soutenir le système immunitaire via l'alimentation voire coproduire tilapia et crevettes dans les mêmes bassins.

La Chine reste leader de l'élevage avec 1,2 million de tonnes

La filière est en général encore peu intégrée. Elle dépend pour beaucoup des efforts du maillon de l'alimentation animale pour trouver des solutions concrètes à la maladie. Plusieurs solutions sont ” testées : le travail sur les bassins (adjonction d'algues, testée par exemple par InVivo NSA au Vietnam), des additifs alimentaires (Olmix, Jefo, Nutriad)… Dans un premier temps, certains éleveurs tentent de gérer la crise en augmentant leur utilisation d'antibiotiques, une pratique inefficace et que dénoncent les pays importateurs comme le Japon et l'Union européenne pour des lots de crevettes en provenance du Vietnam (alerte du 29 avril dernier).

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