« Les coopératives laitières ont le même décalage sur le marché européen que les coopératives porcines »
Dominique Chargé, président de la Fédération nationale des coopératives laitières.
Les Marchés Hebdo : L'abolition des quotas laitiers a-t-elle précipité la filière européenne dans le chaos ?
Dominique Chargé : La sortie des quotas n'est que le dernier acte de la dérégulation. Les différents outils de gestion des marchés sont démantelés depuis 2004. Aujourd'hui, elle subit le double choc de la réduction brutale des importations chinoises et surtout de l'embargo russe. Le prix de la poudre de lait maigre est passé de 3000 euros/t au printemps 2014 à 1650 euros/t aujourd'hui.
LMH : La forte demande chinoise de l'an dernier n'a-t-elle pas encouragé les pays à produire davantage ?
D. C. : Elle a incité la Nouvelle-Zélande et les États-Unis à produire davantage, pas l'Union européenne. Ce déséquilibre vient davantage d'un manque de demande que d'un surplus d'offres. L'embargo russe, ce sont 250000 tonnes de fromages, soit 2,5 milliards de litres de lait, qui n'ont plus trouvé preneur dès août 2014.
LMH : Qu'aurait dû proposer la Commission européenne ?
D. C. : Un retrait exceptionnel de beurre et de poudre à des niveaux de prix qui compensaient le prix de revient. Actuellement, la couverture est de 200 à 201 euros les 1 000 litres alors que le prix moyen de revient est bien au-dessus de 300 euros. Ce problème entraîne mécaniquement la baisse du prix du lait.
LMH : Comment comprenez-vous que le fromage ne fasse pas partie de l'accord français sur le prix du lait ?
D. C. : J'ai participé à la réunion du 24 juillet, et affirme qu'il n'y a pas eu d'accord sur les prix. Nous, coopératives, nous sommes engagées à restituer l'intégralité des hausses consenties par nos clients aux producteurs de lait. Avec en moyenne 5 à 7 €, nous sommes très loin du compte. Il n'y aura pas de revalorisation substantielle, accessible à tous et durable si nous n'avons pas une extension des hausses à tous les produits et réseaux de distribution, et le rehaussement des seuils d'intervention. Il faut que l'engagement des industriels puisse s'appliquer au hard-discount, à la RHD, et aussi à l'industrie qui utilise des ingrédients laitiers. Et sans rehaussement du seuil d'intervention européen, les coopératives laitières ont exactement le même décalage sur le marché européen que les coopératives porcines. Laïta exporte 35 % de ses produits dont 70 % sur le marché communautaire.
LMH : Quelles entreprises sont les plus favorisées par la hausse des tarifs ?
D. C. : Ce sont celles qui vendent du lait, de l'emmental, du beurre et de la crème. Ces produits représentent 20 % du lait produit.