Consommation
Les acteurs du bio se projettent pour trouver une nouvelle dynamique
L’émergence de nouveaux labels de qualité a dilué l’influence du bio dans la tête des consommateurs. Afin de se relancer, la filière cherche à se réinventer en positivant ses messages et en rappelant ses atouts.
L’émergence de nombreux labels de qualité ces dernières années tels que HVE, Zéro résidu de pesticides, la démocratisation du label Rouge, etc. met sous pression l’agriculture bio qui se retrouve face à une concurrence de plus en plus féroce. Cette tendance se traduit en chiffres, la croissance du bio s’essoufflant fortement. Celle-ci affiche +1,7 % en CAM à P9 2021, alors qu’elle se hissait à +10,9 % en CAM à P9 2020 et à +15,5 % un an plus tôt. « Le ralentissement de la croissance du bio peut s’expliquer en partie par la crise sanitaire qui a amené de nombreux consommateurs à faire des achats de panique, avec de plus gros paniers et une fréquence d’achat en baisse. Cette façon d’acheter n’est pas compatible avec une consommation bio », estime Anne-Sophie Bielak, senior knowledge et insight manager de Kantar à l’occasion de l’assemblée générale du Syndicat national des transformateurs et distributeurs bio (Synabio), le 7 octobre 2021.
Cependant, la crise sanitaire n’est pas la seule raison de cet essoufflement. Les enquêtes de Kantar auprès des consommateurs mettent en évidence des motivations moins fortes qu’avant pour acheter des produits bio. Elles révèlent, par ailleurs, que le frein à la consommation bio « Trouver des offres de qualité non bio » est celui qui a pris le plus d’ampleur (+3 points).
L’impact du label bio a été dilué
L’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) constate que « l’impact du label bio a été dilué » avec l’arrivée de tous les autres labels de qualité, souligne Sabine Bonnot, présidente de la commission arboriculture de l’Itab. Les consommateurs se sentent déjà submergés de logos, alors que le label Bas-carbone et le Planet Score vont bientôt faire leur apparition sur le marché. Toute la filière tente de se réorganiser. En attendant, les conversions vers le bio se poursuivent, avec la perspective de l'arrivée de nouveaux volumes sur le marché.
Vers des messages nouveaux
Pour se renouveler, différentes pistes sont étudiées. Si certains acteurs prônent une évolution du cahier des charges vers plus d’exigences, d’autres n’y croient pas en raison de son envergure européenne. « Le bio doit s’appuyer sur l’impulsion citoyenne », propose Sabine Bonnot. « Le consommateur nous réclame plus de jambons sans nitrites et plus de fruits et légumes sans pesticides », relaie Benoit Soury, directeur du marché bio de Carrefour.
Les acteurs du bio sont conscients de l’urgence de faire émerger des messages nouveaux autour du bio au travers d’un « discours positif » qui ne soit « pas anxiogène », avance Sabine Bonnot. Kantar révèle, par ailleurs, qu’un autre frein au bio gagne en importance : de plus en plus de consommateurs croient que le bio ne garantit pas l’absence de pesticides. « Le bio doit reprendre ses distances par rapport au conventionnel et profiter des nouveaux outils qui sont une source de réassurance auprès du consommateur que sont le Nutri-Score, Yuka ou encore les “sans” », ajoute Anne-Sophie Bielak.
De façon plus générale, une partie des consommateurs met en doute les qualités attribuées au bio depuis plusieurs années. « Le label AB est peut-être trop technique par rapport à des notions plus simples que porte le label HVE ou bien le local. Ces démarches ont une histoire à raconter et ne parlent pas de notion technique », soulève Pierrick De Ronne, président de Biocoop.
Un besoin de réassurance
Pour regagner en puissance, les acteurs du bio veulent faire comprendre aux consommateurs « que la réglementation bio est la meilleure de toute ». « Nous devons continuer à construire la confiance et travailler nos angles morts », selon Sabine Bonnot. Il est notamment reproché à l’agriculture biologique de ne pas assez protéger le climat, mais aussi la biodiversité.
Pour les opérateurs du bio, si leur domaine fait figure de mauvais élève sur ces sujets, c’est parce que les outils de mesure ne sont pas adaptés. « L’analyse du cycle de vie, socle du futur affichage environnemental, est un outil formidable, mais a des lacunes, notamment sur la protection de la biodiversité. Il ne prend en compte que les poissons et grenouilles. Et qu’en est-il des vers de terre et des petits mammifères ? » s’interroge Sabine Bonnot.
Le secteur du bio veut sensibiliser les élus et les pouvoirs publics sur ces problématiques et cette urgence d’être capable de démontrer la vertu de ses pratiques. Pour relancer la consommation, certains leviers peuvent être activés, comme davantage de travail sur les promotions de produits bio, participer au Printemps bio ou encore la poursuite des investissements dans la communication pour rappeler les atouts des produits issus de l’agriculture biologique.