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Le groupe coopératif Laïta investit 80 M€ dans les ingrédients secs


> Jusqu'à présent Laïta fabriquait un peu plus de 100 000 tonnes d'ingrédients laitiers secs en alimentation humaine vendus sous la forme d'ingrédients fondamentaux et produits services. La future tour de séchage mixte (poudre de lait prémium et infantile) à Créhen sera dotée d'une capacité de 30 000 t/an, selon Christian Couilleau, DG de Laïta.
L'investissement majeur annoncé le 20 mai dernier par Laïta dans les ingrédients laitiers secs donne le cap du groupe breton pour les années post-quotas. Laïta veut doper la fabrication de ses produits à haute valeur ajoutée à l'international pour conforter le prix du lait de ses adhérents. Témoignage.

Lors de la constitution de Laïta en 2009, les coopératives Even, Triskalia et Terrena « voulaient rester maîtres de leur destin laitier », rappelle Dominique Chargé, président du groupe. Avec l'investissement majeur de 80 millions d'euros annoncé il y a quelques jours à Rennes, le groupe coopératif, connu pour ses marques Paysan Breton, Mamie Nova ou encore Régilait, renforce son ambition. À savoir, donner aux 3750 exploitations adhérentes (1,3 milliard de litres collectés) un cap pour que leur lait, plus abondant quand l'Europe aura supprimé les quotas laitiers le 1er avril 2015, soit le mieux valorisé. Ce cap, ce sont les ingrédients laitiers secs, le nouveau graal du lait que les pays émergents importent massivement de Nouvelle-Zélande ou d'Europe, quand ils sont dans l'incapacité d'en produire suffisamment eux-mêmes. Les ingrédients laitiers secs sont à l'origine des plus importants investissements de l'industrie agroalimentaire européenne. Ainsi en Bretagne, le Chinois Synutra construit depuis janvier une usine à 100 millions d'euros (M€) à Carhaix.

Une nouvelle tour de 30 000 t/an

En l'espace de deux ans (20152016), Laïta va construire sur son site industriel de Créhen (Côtes-d'Armor) une nouvelle tour de séchage mixte (poudres de lait prémium et infantile) d'une capacité de 30 000 tonnes par an (t/an), une unité de déminéralisation de lactosérum et un atelier de boîtage pour lait infantile. D'autres sites industriels de Laïta seront concernés. Landerneau va être doté d'une unité de déminéralisation du lactosérum en 2015. Elle démarrera sur un niveau d'activité de 7 500 t/an, mais ce sont bien les 14 000 tonnes (t) de lactosérum issu de la fromagerie de Ploudaniel (emmental) qui pourraient à terme être déminéralisées. Aujourd'hui, elles sont orientées vers l'alimentation animale. Le site d'Ancenis va être renforcé en capacité de production de poudres de lait fermenté (ingrédients pour yaourts, pâtes à tartiner...). Et les capacités de cracking (séparation des molécules du lait) du groupe vont être augmentées, sur différents sites. Au total, Laïta va créer cent emplois, majoritairement à Créhen (le groupe emploie au total 2 400 personnes). Ce potentiel de transformation mobilisera 15 % de production supplémentaire, soit environ 200 millions de litres de lait.

Une activité poudre infantile uniquement en BtoB

Jusqu'à présent, Laïta fabriquait un peu plus de 100 000 tonnes d'ingrédients laitiers secs en alimentation humaine, vendues principalement sous la forme d'ingrédients fondamentaux et produits de service. Ce que l'on qualifiait autrefois de poudres indus-trielles représente 35 % du chiffre d'affaires de Laïta (1,2 milliard d'euros), aux côtés des produits de grande consommation (55 %) et de la nutrition santé (10 %). Mais on continue de parler de l'entreprise coopérative avant tout comme un groupe beurrier – sa marque Paysan Breton est le numéro 2 du marché français – et fromager. Désormais il faudra s'y faire, Laïta sera aussi un gros fabricant d'ingrédients secs, ingrédients de haute qualité sanitaire ” destinés principalement au marché mondial. « La tour de séchage a été conçue pour fonctionner pendant trente ans, explique Christian Couilleau. Autant dans sa conception (une équipe-projet de douze personnes, appel à la réalité virtuelle) que sous les aspects sanitaires (normes de qualité pharmaceutique), elle a été pensée pour être un outil de la moitié du XXIe siècle. »

La tour de séchage a été conçue pour fonctionner pendant 30 ans

L'offre « produits » n'aura rien de low cost, ajoute le directeur général, « ce n'est pas notre projet ». Laïta avait déjà l'expertise de la production de lait infantile qu'il fabrique sous forme liquide pour bébés prématurés, dans sa gamme dédiée à la nutrition santé. Il va désormais en fabriquer sous forme de poudre et en petits boîtages, mais en prestation de services. Il a choisi de travailler uniquement en BtoB, contrairement à son offre Régilait, distribuée en BtoC avec Sodiaal. Laïta précise être en prospection commerciale avec plusieurs sociétés asiatiques pour écouler ses produits nouveaux quand ils arriveront sur le marché, dans deux ans.

L'Afrique et le Moyen-Orient également dans le viseur

Il vise également l'Afrique et le Moyen-Orient. Le groupe a plusieurs atouts à faire valoir : la notoriété des produits laitiers « made in France », la traçabilité parfaite de son lactosérum issu d'une seule usine du groupe (Ploudaniel), et sa capacité à isoler, demain, toutes les fractions du lait, grâce au développement du cracking.

Laïta ne communique aucun élément relatif aux objectifs de chif-fre d'affaires à terme. Il indique juste que la répartition de ses ventes – 60 % France, 20 % UE, 20 % monde – progressera sur le segment pays tiers.

ATTRACTIVITÉ DES PRODUITS LAITIERS RENFORCÉE

L'annonce faite par Laïta n'est en rien une réponse au projet Synutra. « À Carhaix, c'est le Chinois qui investit directement alors que dans notre cas, c'est un acteur du territoire », pointe Christian Couilleau. Pour le directeur général de Laïta, la multiplication des investissements dans les ingrédients laitiers secs est, au contraire, une excellente nouvelle, car elle renforce l'attractivité des produits laitiers européens. Lorsque les navires viendront par l'Atlantique chercher de la poudre de lait en Europe, ils auront devant eux les grands bassins laitiers du Vieux Continent : dans l'ordre l'Allemagne (30 milliards de litres en 2013 sur les 140 milliards collectés dans l'UE-28), la France en deux avec 24 milliards de litres, le Royaume-Uni en trois avec 13,7 milliards, les Pays-Bas (12,2)…

Laïta prévoit de commercialiser hors d'Europe 80 % de sa production future en sec. Pour financer son projet, Laïta a puisé dans ses fonds propres et fait appel aux banques à hauteur de 30 millions d'euros. Ses trois actionnaires ont décidé d'augmenter de 20 millions d'euros le capital de Laïta d'ici à la fin 2015. L'équilibre entre Even (50,57 % des parts), Terrena (31,01 %) et Triskalia (18,42 %) restera inchangé. Dès ses objectifs industriels atteints, Laïta n'écarte pas l'idée d'investir de nouveau dans le sec à terme, glisse en aparté Dominique Chargé. En parallèle, le groupe continuera d'injecter dans ses activités industrielles en beurre, fromage et autres tours de séchage entre 40 et 50 millions d'euros par an.

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