Filière
Le cacao responsable sera-t-il la norme demain ?
Assurer un revenu décent aux producteurs de cacao et construire une filière plus durable sont des sujets dont s’emparent aujourd’hui politiques, industriels, acheteurs et consommateurs. De multiples actions et déclarations allaient dans ce sens à l’occasion de la journée mondiale du cacao, le 1er octobre dernier.
Assurer un revenu décent aux producteurs de cacao et construire une filière plus durable sont des sujets dont s’emparent aujourd’hui politiques, industriels, acheteurs et consommateurs. De multiples actions et déclarations allaient dans ce sens à l’occasion de la journée mondiale du cacao, le 1er octobre dernier.
C’est chose faite. Depuis le 1er octobre, à l’occasion de la journée mondiale du cacao, la Côte d’Ivoire et le Ghana, premiers producteurs mondiaux de cacao, ont mis en place un « différentiel de revenu décent », une prime additionnelle de 400 dollars par tonne de cacao pour la campagne 2020-2021. Un accord « historique » signé entre les deux pays et le Syndicat du chocolat qui devrait permettre aux cacaoculteurs de vivre plus décemment alors que la répartition de la valeur au sein de la chaîne de production reste très asymétrique (voir graphique).
« Aujourd’hui, le débat du juste prix payé au producteur s’institutionnalise alors qu’il relevait hier uniquement des ONG et de la RSE », s’enthousiasme Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar France.
Le cacao responsable change d’échelle
Poussées par la demande sociétale, les entreprises se tournent vers des approvisionnements en cacao durable. Après un premier test en Belgique, Lidl, dont l’ensemble de l’offre en chocolat est certifié équitable depuis 2016, a lancé en septembre une gamme de chocolats Way To Go allant « plus loin » dans ses 1 550 supermarchés français. Outre la prime de développement usuelle, le distributeur verse une prime supplémentaire de 300 dollars la tonne à la coopérative Kuapa Kokoo (Ghana), qui regroupe 440 petits producteurs de cacao, et assure la traçabilité de son produit sur toute la chaîne de production. Basée sur la méthodologie du « living wage », cela permet, entre autres, de financer des formations. Présentes ponctuellement en magasins, les tablettes sont vendues à 1,49 euro les 180 grammes. « Il n’y a pas de paradoxe entre proposer un produit responsable et le vendre à un prix accessible », affirme Jean-Baptiste Léger, directeur RSE et affaires publiques de Lidl France.
Il n’y a pas de paradoxe entre proposer un produit responsable et le vendre à un prix attractif
Certaines entreprises font du cacao certifié leur étendard à l’instar d’Alter Eco ou Kaoka, dont tous les produits sont bios et équitables. Au-delà d’engagements prix et traçabilité, ces sociétés défendent des modèles de production, des partenariats étroits et de long terme avec des producteurs et la valorisation des terroirs. Elles favorisent ainsi le modèle agroforestier, plus résilient, et travaillent à la préservation d’espèces endémiques de cacaoyer.
Par ailleurs, la PME Kaoka fonctionne en filière intégrée pour maîtriser l’ensemble de la chaîne de production et s’inscrire dans une démarche de coconstruction. « Au-delà d’une prime et d’un partenariat commercial et technique, nous nous engageons financièrement pour soutenir le développement des filières et faire de producteur un métier d’avenir », affirme Guy Deberdt, directeur général de Kaoka. Le Pérou, dernière filière intégrée en date, a réalisé une montée en puissance fulgurante. Après des premiers contacts en 2013, 25 tonnes ont été exportées par Kaoka en 2015 puis 819 en 2019 et 1 150 cette année.
Encore 50 % de la production certifiée ne trouve pas preneur
Le commerce équitable séduit aussi de plus en plus de producteurs, dont le nombre de conversions progresse. Avec 536 000 tonnes de cacao certifié équitable, soit 10 % de la production mondiale, les cacaoculteurs se tiennent prêts à répondre à la demande. Certains pays, tels que le Pérou, ont fait des exportations de cacao certifié un axe de développement stratégique. Mais si le marché est dynamique, encore 50 % du volume labellisé ne trouve pas preneur et seulement 3 % du tonnage de cacao utilisé en France affiche une certification. Un pourcentage « encore trop faible » pour Max Havelaar qui attend que les entreprises basculent leur offre vers davantage de produits certifiés en 2021.
Attention aux dérives !
Ce changement d’échelle ne va pas sans risque et le développement croissant du commerce équitable est inévitablement accompagné d’une multiplication des stratégies de dilution. Après le greenwahsing, le fairwashing se développe, en témoigne la multiplication des labels et des programmes privés.
La certification par une tierce partie est essentielle
Pour faire la différence, « la certification par une tierce partie est essentielle », appuie Blaise Desbordes. Une façon de garantir la crédibilité de sa démarche et de répondre à la demande de transparence du consommateur. Pour faire connaître la démarche, Max Havelaar lancera fin octobre une campagne de sensibilisation au commerce équitable jusqu’à Noël.
Par ailleurs, l’ONG a proposé aux pouvoirs publics de dupliquer en France l’initiative belge « Beyont Chocolate », une feuille de route sectorielle visant une filière cacao plus durable et engagée dans la lutte contre la déforestation et le travail des enfants. Dans la même dynamique, des pourparlers ont été engagés entre l’Union européenne, la Côte d’Ivoire et le Ghana pour rendre « plus durable » la chaîne de production. Des recommandations devraient être présentées d’ici à juillet 2021.
Les chocolatiers confiseurs : nouveaux porte-parole engagés
Lors de la journée mondiale du cacao, la Confédération des chocolatiers et confiseurs de France s’est associée au lancement officiel du Club des chocolatiers engagés, une association bénévole défendant un approvisionnement en fèves responsable. Le cahier des charges prévoit des obligations pour l’amont (protocole post-récolte, épargne salariale, valorisation du travail des femmes, transparence dans la redistribution du prix au planteur) comme pour l’aval (prix minimum garanti, préfinancement des récoltes, traçabilité). Lancée au Cameroun, la démarche devrait progressivement s’étendre à d’autres pays. Avec 30 adhérents et un réseau de 85 boutiques, 60 tonnes de cacao certifié ont été produites en 2020. Le Club vise les 200 tonnes l’an prochain.