Le Brésil au moins champion du monde de l'agroalimentaire
Les moteurs du secteur agroalimentaire brésilien sont plus que jamais le soja et le maïs. Le pays sud-américain récolte désormais presque autant de soja que les États-Unis (85 millions de tonnes l'an dernier), et son potentiel de croissance en maïs est le plus important au monde.
La conquête agricole de son immense territoire (dix-sept fois la surface de la France) porte ses fruits grâce à la disponibilité de technologies agricoles adaptées aux milieux tropicaux et perfectionnées à grande échelle depuis les années 70. L'explosion de la production d'oléagineux et de céréales sur les immenses surfaces du Cerrado, dans les États du Mato Grosso, de Goiais et du Minas Gerais, se traduit par celle de viandes de porc et poulet au centre-ouest du pays, loin des ports de la côte Atlantique, et progresse aussi dans le bassin d'élevage historique qu'est le sud du Brésil, dans les États du Rio Grande do Sul, Santa Catarina et Paraná.
Les exportations de bœuf ont le vent en poupeLe transport des graines et des viandes demeure toutefois le goulet d'étranglement des filières porc et volaille qui s'étendent jusqu'à la frontière de la région amazonienne, malgré la réalisation de grands travaux de construction de barrages et d'écluses.
La production de bœuf, elle, croît sur l'immensité des prairies d'herbe tropicale du Centre-Ouest. Les porte-paroles de la filière viande bovine clament aux quatre coins du monde, à l'estrade des congrès, les bienfaits du système herbager brésilien. Et force est de constater que leurs exportations de bœuf ont le vent en poupe, étant passées de 1,1 million de tonnes en 2011 à 1,5 million de tonnes en 2013 (voir graphique p. 12). Les débouchés principaux de la filière restent la Russie et le Venezuela, mais les marchés italiens et hollandais seraient toujours plus demandeurs de bœuf brésilien, selon l'Association brésilienne des exportateurs de bœuf (Abiec), avec des importations en hausse estimées par l'Abiec à 26000 et 19000 tonnes respectivement en 2013.
La conquête agricole du territoire brésilien, fait récent, donne lieu à une offre alimentaire qui vient à point nommé dans un contexte d'augmentation de la population mondiale, et les agrobusinessmen brésiliens sont à l'affût. Conscients des jalousies provoquées par leur rente, ils financent de multiples associations chargées d'orienter et de nourrir les débats agricoles à leur guise, aussi bien localement qu'à l'étranger.
Grand producteur de soja, exportateur majeur de maïs mais aussi de bœuf, porc et volaille, le Brésil reste une puissance agroalimentaire incontournable dans le monde. Et ce malgré des débats internes contre certaines rentes de situation. Les agrobusiness-men, de mieux en mieux organisés, et les industriels ont profité de la coupe du monde de football pour tenter de redorer leur image et se promouvoir à l'international.
« L'évolution du marché mondial de maïs est déterminée en grande partie par l'émergence du Brésil comme exportateur majeur et par la demande asiatique », résume Sergio Bortolozzo, le président d'Abramilho (voir entretien p. 12). La hausse des excédents a lieu dans les États du Centre->> Ouest où les nouveaux élevages de porcs et de volailles disposent de matières premières en quantité et à proximité. Les cours élevés du maïs et soja aidant, la production de viande blanche suit.
“Le Brésil fournit 40 % du marché international du poulet
Ainsi, le Brésil consolide son rang de premier exportateur mondial de poulet avec 3,94 millions de tonnes expédiées en 2012 vers une centaine de destinations (54 % de morceaux coupés, 36 % de carcasses, 4,5 % de préparations saumurées et 4,6 % de produits industrialisés, selon l'Association brésilienne de la protéine animale).
Des chiffres impressionants comparés aux 3,21 millions de tonnes exportées cette année-là par les États-Unis et au 1,08 million de tonnes expédiées par l'UE-27. Le pays sud-américain fournit près de 40 % du marché international du poulet en écoulant à l'étranger 30 % de sa production, qui a tout pour continuer d'augmenter. Douze ans plus tôt, le Brésil exportait à peine 1 Mt de poulet ! La croissance de la filière avicole s'explique aussi par la hausse de la consommation locale de poulet, de 30 à 45 kilogrammes par an et par habitant de 1990 à ce jour.
Filière porcine : retour de l'Ukraine aux achatsLe Brésil est par ailleurs le deuxième exportateur mondial de dinde, avec 170 000 tonnes (dont 59 % de carcasses) embarquées en 2012, derrière les États-Unis et devant l'UE-27. Actuellement, la filière porcine se porte bien avec des prix payés aux éleveurs, en mai dernier, supérieurs de 27 % en moyenne à ceux d'il y a un an. Le retour de l'Ukraine aux achats et le retrait relatif des États-Unis du côté de l'offre expliqueraient, en partie, le niveau des cotations. Le ministre de l'Agriculture brésilien, Neri Geller, a rencontré le directeur de l'agence sanitaire russe, Sergueï Dankvert, au siège de l'OIE, à Paris, fin mai dernier, à qui il a demandé que plus d'abattoirs soient habilités pour l'export par les autorités sanitaires russes. La Russie capte le tiers des exportations brésiliennes de bœuf. Hong Kong est son deuxième débouché à l'étranger, la porte du marché chinois que les Brésiliens tentent d'ouvrir avec diplomatie.
Les Marchés Hebdo : Vous êtes intervenu lors du congrès de l'association argentine du maïs, le 2 juillet, à Buenos Aires, consacré à la communication du secteur agricole auprès de la société. Quelle action a réalisé la filière brésilienne en ce domaine ?
Sérgio Luiz Bortolozzo : Avec d'autres associations nationales qui représentent les principales filières du secteur, nous avons lancé, il y a deux ans, un ambitieux programme de communication à l'échelle du pays, baptisé « Sou agro (je suis agro, ndlr) », pour informer les urbains en particulier des bienfaits de nos systèmes de production et transformation des aliments, et de leur apport en termes de création d'emplois et de richesse. Les urbains méconnaissent souvent ou jugent avec a priori les acteurs et les systèmes du secteur agroalimentaire.
LMH : Comment fonctionne “Sou Agro”?
S. B. : Nous avons engagé des célébrités du spectacle et du sport, comme l'ancien joueur de football Pelé et les acteurs de la telenovela « Avenida Brasil ». Ils sont formateurs d'opinion auprès des classes populaires. Ils ont été les protagonistes de spots diffusés à la télévision, à la radio et sur le Web, ainsi que des campagnes d'affichage dans les grandes villes.
LMH : Quel est le budget d'un tel programme?
S. B. : Je l'ignore, mais il est conséquent. Le retour sur investissement en vaut la peine.
LMH : Votre association s'est unie avec celles équivalentes en Argentine et aux États-Unis pour former l'organisation Maizall en 2012. Dans quel but ?
S. B. : Nos 3 pays représentent 50 % de la production mondiale de maïs et 70 % du commerce international. Nous sommes concurrents sur ce marché, mais associés au moment de défendre nos intérêts communs. Nous en avons pris conscience lors de l'avant-dernier congrès de l'association des producteurs de maïs des USA. Nos intérêts sont l'approbation des nouveaux OGM par les Autorités des pays importateurs de maïs, la levée des barrières tarifaires qui entravent notre commerce ou encore la reconnaissance des bienfaits environnementaux du non labour.
LMH : Quel rôle joue le Brésil sur le marché de cette commodité ?
S. B. : Tous les ans, nous apportons sur le marché des excédents supérieurs aux précédents. De fait, la production des maïs semés en dérobée après un soja, dit « safrinha (petite récolte, ndlr) » couvre maintenant une surface supérieure (7,9 Mha) à celle du maïs cultivé en première culture. Grâce à la biotechnologie, les variétés de maïs plantées dans les sols pauvres du Cerrado, sous un climat tropical, nous permettent d'obtenir des rendements très corrects.