Lait : les clés de la crise mondiale

La production mondiale de lait de vache a représenté, en 2008, 576 millions de tonnes, soit 84 % de la production laitière totale. Une progression annuelle de 2,1 % assez conforme à la hausse des volumes observée depuis une quarantaine d’années, calquée à peu de chose près sur l’augmentation de la population mondiale (autour de 100 kg de produits laitiers par an et par habitant).
Le brusque retournement du marché mondial des produits laitiers au cours du second semestre de 2008 découle de plusieurs facteurs : une offre plus importante sur l’exercice, du fait de bassins laitiers dopés par les prix hauts sur le marché en début d’année, immédiatement suivie par une contraction de la demande, à la suite du scandale du lait frelaté en Chine et, surtout, de la crise financière et économique. Ces deux événements ont fortement ébranlé le dynamisme de la consommation de produits laitiers tant dans les pays développés que dans les nouveaux pays industrialisés et les pays producteurs de pétrole (Moyen-Orient, Russie, Venezuela…).
Conséquence : le tiers de la production supplémentaire entre 2007 et 2008 (14 millions de tonnes) a été orienté vers les produits industriels (beurres, poudres), alors que durant les dix années précédentes, tout lait suplémentaire (entre 10 et 12 millions de tonnes par an) était valorisé pour moitié en produits de grande consommation, pour l’autre moitié en fromages, produits frais, puis en beurres et poudres. Or, l’effondrement de la valeur des produits industriels a fait plonger le prix du lait partout dans le monde. Toutes les valeurs ont décroché : les fromages, beurres, poudres maigres et poudres grasses, caséines et lactosérum.
En 2008, l’herbe a été verte surtout au premier semestre. Mais il s’agissait de la fin d’un cycle démarré en 2004, au cours duquel « les fabrications de produits industriels avaient fortement diminué car la croissance de la production laitière mondiale ne suivait pas la demande solvable qui était dopée par le dynamisme économique des pays émergents ». À partir de 2004, États-Unis et Union Européenne ont progressivement vidé leurs stocks de produits industriels et, début 2007, leur valeur a commencé à s’envoler, suscitant « tension et spéculation », avant de s’effondrer.
Les Américains ont tardé à réagir
Aux États-Unis, la collecte laitière n’a pas été totalement freinée par le retournement de la conjoncture. Les 65 000 élevages recensés en 2006 (9 300 kilos de lait par tête !) ont produit en 2008 un peu plus de 85 milliards de litres de lait (+ 2,4 %). Et ce, malgré la chute du prix du lait, passé de 470 dollars (338 euros) la tonne au second semestre 2007, à 350 dollars (252 euros) un an plus tard. L’Institut de l’élevage prévoit toujours une progression de la production laitière aux États-Unis, notamment grâce au dynamisme de ses fermes géantes. 2 % des élevages (plus de 1 000 vaches) contribuent pour 40 % à la production nationale, et leur nombre a doublé en cinq ans.
En Australie, la chute brutale de la production en 2007 (- 9 %, à un peu moins de 10 milliards de litres dont 45 % destinés à l’export), due à la sécheresse, s’est inversée au second semestre 2008. Cependant, le contexte international pourrait affecter ce mouvement de reprise. Après une sécheresse dure qui a affecté ses principales régions laitières, la Nouvelle-Zélande (17 milliards de litres et près de 90 % à l’export) retrouve tout son allant. Selon l’Institut de l’élevage, la production pourrait bondir de 7 % sur le premier semestre 2009 — sauf incident climatique —, et « alourdira un marché mondial bien dégradé début 2009 ».
Fromages : ça ralentit en Europe
Pour sa part, l’Union européenne, premier bassin laitier mondial avec 152 milliards de litres de lait en 2008 (26 % de la production mondiale), a vu sa production progresser très légèrement de 0,6 à 0,7 %, malgré une hausse des quotas nationaux de 2 à 2,5 %, selon les pays. Les laits liquides ont été peu impactés par la hausse du prix du lait, au contraire des fabrications de desserts lactés et yaourts, dont la production a chuté de 2 % sur les onze premiers mois de l’année. Les fabrications de fromage ont progressé en 2008 deux fois moins vite qu’en 2007, leur exportation a reculé de 8 % pour retomber à 550 000 tonnes, « faute de débouchés suffisamment rémunérateurs ».
En revanche, la production de poudres grasses dans l’Union européenne a progressé de 12 à 13 % en 2008, en raison de la faible disponibilité de lait l’année précédente, et leurs ventes sur pays tiers ont bondi de 28 % sur l’année, malgré une cotation en chute libre. À noter un point important : le reflux des ventes de poudres maigres et de beurre a alourdi les stocks européens à partir de la fin 2008. « De tels volumes continueront de peser sur les cours en 2009 », relève l’Institut de l’élevage. On sait, depuis, que le relèvement en mars du prix d’intervention sur le beurre et les poudres n’a pas suffi à redresser le marché.