La vente avec prime, enfin mise en conformité
Parmi les techniques promotionnelles utilisées, la vente avec prime a toujours eu une place particulière, et a donc très tôt suscité la méfiance du législateur. Le lecteur aura en tête l'ancienne pratique « du treize à la douzaine ». Avec le développement de la concurrence, la prime n'a plus forcément consisté en un produit identique, et a pu se présenter sous d'autres formes pour aboutir à englober toutes les opérations dans lesquelles le vendeur propose d'ajouter, gratuitement, un élément à l'opération initiale. Le meilleur exemple qu'on puisse en donner est celui du « cadeau Bonux ». La technique a par la suite gagné l'agroalimentaire où elle est, aujourd'hui, relativement développée. Très vite, la loi pose un principe d'interdiction des ventes avec prime gratuite consistant en produits, biens ou services sauf s'ils sont identiques à ceux qui font l'objet de la vente ou de la prestation.
« Menus objets de faible valeur »Se développent alors des primes auto-payantes. Puisque la loi interdit l'offre d'une prime gratuite, il suffit donc d'offrir le produit ou service promotionnel pour un prix minime supplémentaire (exemple pour un euro de plus !) pour ne pas encourir les foudres de la loi.
Puis, la loi contient une réserve au profit des menus objets ou services de faible valeur et des échantillons. Le pouvoir réglementaire viendra préciser ce qu'il faut entendre par « menus objets de faible valeur » par référence au prix de vente net toutes taxes comprises des produits, biens ou services faisant l'objet de la vente principale, en plafonnant la valeur de la prime à 7 % du prix net de cet objet si celui-ci est inférieur ou égal à 80 euros, et 5 euros plus 1 % du prix net de cet objet si celui-ci est supérieur à 80 euros, étant précisé qu'en aucun cas, la valeur de la prime ne pouvait dépasser 60 euros.
Et sur ces entrefaites, intervient la directive européenne du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs qui définit une liste de pratiques réputées déloyales en toutes circonstances, parmi lesquelles ne figure pas la vente avec prime.
Il faut ainsi déterminer au cas par cas, si une vente à prime mise en œuvre est déloyale, c'est-à-dire si elle altère le comportement du consommateur en traduisant un manquement du vendeur aux exigences de la diligence professionnelle (Code de la Consommation – article L.120-1).
Le précédent belge pousse la France à réagirLa Cour de justice va avoir l'occasion de se pencher sur la compatibilité à la directive de la loi belge sur les ventes avec prime, relativement similaire à la loi française, à travers une décision du 23 avril 2009. Elle en conclut que si une pratique commerciale ne figure pas dans la liste des 31 pratiques réputées déloyales, elle ne peut pas être interdite « per se » par une réglementation nationale. C'est au juge national qu'il appartient d'examiner au cas par cas si une pratique commerciale est déloyale au sens de la directive ou non. L'administration française ne verra pas d'un bon œil cette évolution, et va commencer par se borner à ajouter au principe d'interdiction des ventes avec prime de l'article L.121-35 du Code de la Consommation, la mention qu'une telle pratique est interdite… dès lors qu'elle revêt un caractère déloyal au sens de l'article L.120-1 du même code.
LPLG Avocats regroupe une dizaine d'avocats et juristes privilégiant la proximité avec leurs clients et la connaissance de leur métier. Outre son activité plaidante, il fournit des conseils juridiques favorisant la prévention par rapport au contentieux et intervient surtout en droit économique (concurrence, distribution, consommation, propriété intellectuelle, contrats…).
Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique avec une prédilection pour l'agroalimentaire, et s'est aussi spécialisé en droit des marques qu'il enseigne en master II Droit de l'agroalimentaire de l'université de Nantes.
Mais cette rédaction n'ouvrait pas complètement la porte de la libération de ces promotions car parallèlement, le seuil réglementaire de 7 % ou 1 % demeurait dans la réglementation française, assorti de sanctions pénales. Un décret pris dans le cadre de la loi Hamon, le 17 septembre 2014, est venu supprimer cette ambiguïté.
Toutefois la patte de l'administration reste présente dans le texte de l'article L.121-35 du Code de la Consommation dans sa version issue de la loi Hamon, puisque le principe d'interdiction des ventes avec prime est maintenu dès lors que le montage contrevient aux dispositions de l'article L.120-1 du Code de la Consommation relatif aux pratiques commerciales déloyales.