La loi de modernisation de l’économie déjà modifiée ?
L’industrie agroalimentaire souhaite que le prochain examen de la loi de modernisation de l’agriculture (LMA) par l’Assemblée nationale soit l’occasion d’une modification de la loi LME.
Rédaction Réussir
Au centre du débat se trouve la libre négociabilité des conditions commerciales sur la base des conditions de vente du fournisseur, affirmée par la loi de modernisation de l’économie (LME) et qui, selon l’industrie agroalimentaire, serait trop favorable à la grande distribution.
Les dispositions de l’article L.441-6 du code de commerce issues de la loi LME affirment que les conditions générales de vente du fournisseur constituent « le socle de la négociation commerciale ». Il est néanmoins possible de négocier des avantages particuliers qui, pour que la négociation soit équilibrée, doivent être assortis de contreparties. Or le secteur agroalimentaire a le sentiment que la balance penche toujours du même côté et qu’en définitive, les contreparties promises ne compensent pas les avantages octroyés.
La suppression de l’interdiction des pratiques discriminatoires
Il est vrai que la LME fait disparaître le caractère intrinsèquement fautif de la discrimination pour permettre d’aller encore plus loin dans l’aménagement des situations individuelles. Il faut se souvenir en effet que la LME n’a pas affirmé la libre négociabilité en tant que telle, mais qu’elle avait pour objectif une baisse significative des prix. Pour cela, elle a favorisé le traitement en marge avant de rémunérations qui autrefois étaient traitées en marge arrière. Or, ce traitement en marge avant, c’est-à-dire dans la relation achat-vente, a nécessairement une incidence sur la négociation commerciale et sur le régime aménagé par la convention qui en résulte. D’où la nécessité de permettre une négociation sur la base des conditions de vente.
Le socle des conditions générales de ventes
Pour l’Ania (Association nationale des industries alimentaires), il s’agirait désormais d’affirmer que les conditions de vente soient le « socle incontournable » de toute négociation commerciale pour éviter « la loi du plus fort dans un contexte structurel de déséquilibre économique entre fournisseurs et distributeurs ». Ainsi, de socle de la négociation commerciale, les conditions générales de vente en deviendraient le socle incontournable.
Qu’est-ce à dire ? Qu’il ne serait pas possible de s’en départir ? Nous en reviendrions ainsi à la situation d’avant la première circulaire Dutreil, mais un tel système n’a de sens que si la discrimination redevient intrinsèquement fautive.
Puisque la loi affirme que la possibilité de discriminer n’est pas fautive, elle laisse nécessairement entrevoir qu’un même avantage ne soit pas octroyé à chacun au motif qu’il a été consenti une fois, d’où la possibilité de se départir des conditions générales de vente du fournisseur présentées à l’acheteur.
Modifier la loi dans un tel contexte reviendrait à notre avis à tourner le dos à l’objectif de baisse des prix et de mise en avant du consommateur affirmé par la loi LME, pour veiller beaucoup plus à de grands équilibres affichés par la loi comme devant être le résultat de la négociation commerciale.
Reste à savoir si la solution au problème implique une modification de la loi ou s’il s’agit seulement de veiller à sa bonne application. Le secteur agroalimentaire affirme en effet que les distributeurs n’appliqueraient pas la loi LME. Si tel est le cas, il revient surtout aux pouvoirs publics de la faire appliquer.
Du reste, ils ont déjà commencé en stigmatisant des déséquilibres significatifs dans les conventions annuelles signées par de grands acteurs de la distribution, et ont trouvé écho auprès des juges.
Nous aurions donc le choix entre une application rigoureuse et contrôlée de la LME, ou une modification de la loi et un changement de philosophie. Nous saurons bientôt quelle voie choisit l’Assemblée, et si elle prend le parti de heurter le gouvernement sur ce point.