La filière se mobilise en faveur de la hausse du prix du lait
Après les nombreuses manifestations de producteurs laitiers ce début d'été, Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, a réuni l'ensemble des acteurs de la filière laitière, le 24 juillet dernier. À l'issue de cette table ronde, des engagements ont été pris par tous. Les distributeurs de leur côté ont assuré accorder, dès le mois d'août, des hausses de tarifs sur un certain nombre de produits premiers prix et à marques de distributeurs, dans le cadre des négociations bilatérales avec leurs fournisseurs. Concernant les produits de marques, ils ont déclaré qu'ils respecteraient strictement les conditions tarifaires des contrats LME (Loi de modernisation de l'économie) signés au 1er mars dernier, sans demander de renégociations. Quant aux transformateurs laitiers, ils se sont engagés à répercuter l'intégralité des hausses accordées par les distributeurs aux éleveurs. « Cet engagement permet une revalorisation du prix du lait à hauteur de 340 euros les 1 000 litres », écrivait la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) dans un communiqué, le 4 août.
Une première étapePourtant, « il n'y a pas eu d'accord sur les prix », déclare Dominique Chargé, président de la Fédération nationale des coopératives laitières (voir interview page 12), présent lors de la table ronde. Une information confirmée par Giampaolo Schiratti, président de Syndilait, l'organisation professionnelle des fabricants de laits de consommation liquides. « Il y a un engagement des acteurs sur une mécanique d'augmentation des prix, dans un périmètre défini », précise-t-il. « Pour le beurre, la crème, le lait UHT et l'emmental vendus sous marques de distributeurs ou premiers prix, les distributeurs se sont engagés à prendre pour référence les prix pratiqués en 2014. Les industriels s'engagent, eux, à répercuter l'augmentation sur le prix payé aux producteurs. Et ce, jusqu'au mois de décembre ». Pour Syndilait, tous les distributeurs ont joué le jeu. Mais si cet engagement a permis d'apaiser quelques tensions dans la filière, il n'en reste pas moins « qu'une première étape », pour la Fédération des producteurs de lait. Tout d'abord, seules certaines catégories de produits laitiers sont concernées. Les engagements ne portent ensuite que sur les produits vendus et transformés en France. Enfin, le fait que les hard-discounters et la restauration hors domicile ne soient pas intégrés à cette revalorisation est largement décrié. Stéphane Le Foll s'est toutefois engagé à ce que ces acteurs y prennent part prochainement.
Favoriser le lait français« Nous sommes satisfaits que notre appel à consommer du lait français ait été repris », assure Giampaolo Schiratti. « Depuis plusieurs mois, nous attirons l'attention sur le fait que l'augmentation des importations de lait de consommation déstabilise la filière française. »
En juin, Syndilait rapportait une hausse de 63 % des importations de lait de consommation sur le marché français, entre mars et avril 2015, par rapport à la même période en 2014. Lors de la table ronde du 24 juillet, pas d'accord à proprement parlé sur l'origine du lait, mais « les distributeurs se sont engagés à regarder ce qu'il était possible de faire pour favoriser leurs approvisionnements en lait français », indique Giampaolo Schiratti. Ainsi, Auchan France déclarait dans un communiqué le 12 août que « 100 % du lait de consommation à marques Auchan et Pouce est d'origine France. Pour les beurres et crèmes, Auchan a demandé à ses ”fournisseurs de marques de distributeurs de s'approvisionner en lait français chaque fois que ce n'était pas le cas ».
La crise traversée par la filière laitière touche aussi nos voisins européens. En Espagne, les producteurs laitiers réclament des engagements de la filière identiques à ceux exprimés en France, lors de la table ronde du 24 juillet. Ils accusent les industriels et distributeurs français de détruire l'élevage espagnol. En réponse, la ministre de l'Agriculture espagnole a annoncé, le 22 août, qu'elle accorderait une aide de 300 euros par vache aux exploitations agricoles qui vendent leur lait à perte. Au Royaume-Uni, les éleveurs ont beaucoup manifesté cet été contre la distribution. Aldi, Lidl et Asda se sont engagés début août à augmenter leur prix d'achat du lait, pour atteindre 28 pence le litre, soit 38 centimes d'euro. Morrisons lancera cet automne la marque « Morrisons milk for farmers », dont 10 pence reviendront directement aux producteurs de lait de la coopérative Arla. En Belgique, la Concertation de la chaîne agroalimentaire a obtenu, le 27 août, un accord sur un système d'aides de 46 millions d'euros sur six mois, pour le secteur laitier. Les ministres belges de l'Agriculture vont également demander, lors du Conseil européen du 7 septembre, la création d'une compensation pour les éleveurs qui diminueraient leur production.
Voir le site www.europeanmilkboard.org
“ Tous les distributeurs ont joué le jeu
« Nous n'avons pas encore observé de diminution importante, mais nous constatons un arrêt de l'augmentation des importations », signale le président de Syndilait. Concernant le logo « lait collecté et conditionné en France », lancé en février, la moitié des produits susceptibles de le porter l'arbore déjà sur leurs emballages. « Tout ce qui s'est passé cet été a favorisé l'initiative », commente-t-il.
Au-delà des engagements français, les acteurs s'accordent à dire qu'une réponse européenne est impérative, la crise étant notamment due à l'embargo russe et au recul de la demande chinoise. Tous attendent beaucoup du conseil extraordinaire des ministres européens de l'Agriculture, le 7 septembre. Stéphane Le Foll s'est entendu avec ses homologues espagnols, italiens et portugais pour demander un relèvement du prix d'intervention ainsi que le retour du stockage des fromages. Les ministres souhaitent par ailleurs mener des campagnes de promotion des produits laitiers en Europe et à l'étranger. Phil Hogan, commissaire européen chargé de l'Agriculture, a annoncé qu'il préparait « une réponse globale qu'il présentera au Conseil et au Parlement européen respectivement les 7 et 8 septembre ». Après ce conseil, Stéphane Le Foll réunira de nouveau la filière « pour faire le point sur la mise en œuvre et l'impact des engagements pris », sur la base d'un rapport de situation, rendu par le médiateur des relations commerciales agricoles.