La croissance du bioéthanol ralentit

L’économiste Philippe Chalmin ne voit pas d’un très bon œil le développement du bioéthanol Il est question dans l’ensemble de l’article du CyclOpe de bioéthanol utilisé comme agrocarburant, ce qui représente 85 % de la production mondiale d’éthanol.. « Cultiver des plantes pour faire de l’énergie ne me semble pas très raisonnable », a-t-il déclaré mardi 12 mai, à l’occasion de la parution de la 23 e édition de son rapport CyclOpe. Selon lui, « Si l’éthanol de canne se justifie, bien que l’on puisse discuter de l’épuisement de la terre dans certaines régions du Brésil et à Cuba, la production de bioéthanol de maïs aux États-Unis est une absurdité. En France, on peut voir une certaine logique à faire de l’éthanol de betteraves, mais il n’y a pas d’intérêt à faire de l’éthanol de céréales ». Une opinion partagée par nombre de détracteurs des agrocarburants de première génération. Aux critiques vient s’ajouter un contexte économique qui laisse présager une année 2009 « bien difficile pour le développement du bioéthanol », selon Élisabeth Lacoste, secrétaire générale de la Confédération internationale des betteraviers européens (CIBE), auteur du chapitre du CyclOpe consacré au bioéthanol. Citant les prévisions d’analystes, elle annonce une croissance ralentie du développement de la production mondiale d’éthanol en 2009 (attendue à 77 milliards de litres), avec une progression mondiale de 16 %, contre +32 % en 2008.
Premières faillites américaines
« Après le formidable boom de ces dernières années, l’industrie américaine doit faire face à ses premières faillites sérieuses », rapporte CyclOpe 2009. En cause, l’effet de ciseau entre la hausse des cours à terme du maïs – qui ont plus que doublé ces trois dernières années – et la baisse du prix de l’éthanol de -5 % sur la même période. Après la faillite de Verasun Energy Corp (le deuxième producteur américain d’éthanol) déclarée fin octobre, le groupe Pacific Ethanol (premier producteur de la côte ouest des États-Unis) a annoncé fin 2008 son intention de suspendre temporairement la production d’une de ses distilleries. Selon le président de l’Association américaine des biocarburants, sur 150 sociétés, au moins 10 sociétés et 24 distilleries (soit environ 16 % des capacités) auraient fermé entre novembre 2008 et janvier 2009. « Cette baisse d’activité devrait avoir des répercussions sur les prix et l’espoir des producteurs est une meilleure rentabilité en fin d’année 2009 », est-il écrit dans le rapport CyclOpe. Jusqu’à présent, Barack Obama s’est engagé à poursuivre la politique de son prédécesseur et à maintenir le soutien à l’industrie de l’éthanol dans le cadre du programme du RFS (Renewable Fuels Standard). Le président des États-Unis souhaite surtout développer le bioéthanol de deuxième génération (sur la base de matières premières cellulosiques) par le biais d’un crédit d’impôts de 27 centimes par litre. Dans son programme électoral, Barack Obama avait inscrit son intention d’investir 150 milliards de dollars en 10 ans pour développer les agrocarburants. En attendant, le Brésil compte bien profiter de l’arrêt de certaines distilleries pour exporter son bioéthanol (à base de canne à sucre) aux États-Unis.
Canne brésilienne : le sucre progresse
Les analystes prévoient une production brésilienne de bioéthanol de 27 milliards de litres en 2009 contre 24,2 milliards en 2008. Les stocks d’éthanol sont élevés et la filière connaît depuis le début de l’année une baisse de rentabilité avec un prix de la canne plus élevé, un réal qui s’est apprécié face au dollar, et une demande domestique moins soutenue. En conséquence, « les exportations brésiliennes d’éthanol devraient atteindre un nouveau record », pronostique le rapport CyclOpe. Autre phénomène à suivre : le regain d’intérêt pour le débouché sucre. En 2008, l’éthanol est resté plus profitable que le sucre, mais la tendance pourrait s’inverser alors que le déficit mondial sur le marché du sucre se confirme et que les cours mondiaux s’orientent à la hausse. Le rapport CyclOpe prévoit ainsi pour la première fois en quatre ans une baisse de 7 à 9 millions de tonnes (dont 2 millions de tonnes imputables à l’Union européenne) de la production mondiale de sucre par rapport à 2007-2008. Le cours du sucre pourrait s’apprécier de 23 % en 2009 par rapport à la moyenne de 2008, selon les prévisions de Philippe Chalmin qui voit dans le sucre « une des stars » potentielles du marché des matières premières en 2009.
Pour l’Union européenne, le rapport prévoit cette année une progression de 68 % de la production de bioéthanol (dans 84 distilleries), pour atteindre 4,7 milliards de litres. La capacité totale de production devrait plus que doubler en 2009 et atteindre 11,5 milliards de litres (dans 108 distilleries), « si l’ensemble des projets voient le jour ». « Mais le bas niveau des prix de l’éthanol, la crise du crédit et l’environnement économique difficile en Europe pourraient venir atténuer cette progression », poursuit le rapport CyclOpe.