Jacques et Augustin
Voulant mettre mes pas dans ceux de mes aïeux, qui tinrent jadis boutique sur les quais du Havre à l’enseigne du « Dé d’Argent », je considérai cette ville dont Louis XII et François 1er se disputèrent la gloire de la fondation. D’après les photos que j’en ai, elle était plus souriante avant que nos amis américains ne l’ensevelissent sous les bombes en 44 - pour la bonne cause certes, mais ils n’y sont pas allés de main morte.... Je vouai aux gémonies le rebâtisseur du Havre, l’architecte Augustin Perret, qui fût surnommé « le magicien du béton». Je me félicitai qu’il n’ait, ni de près ni de loin, le moindre lien avec Jacques Perret, idole de mon adolescence et à jamais l’un des plus grands écrivains français. Jacques Perret aimait la Normandie, celle de la mer et des ports, d’où il embarquait sur son sloop à tape-cul pour des croisières prévues lointaines mais qui ne dépassaient guère la pointe de la Hague. Relisons sans cesse Rôle de Plaisance et la Compagnie des Eaux, deux livres de bord et de chevet des amoureux de la mer normande, des bistrots d’Honfleur et de Cherbourg, des écluses qu’on attend, de la mer qui s’irise au petit matin, du flux de Seine et des vents anglais. Gloire à Jacques qui l’a exaltée, honte à Augustin qui l’a abaissée : la Normandie saura reconnaître ses vrais amis, et tâchera d’oublier les autres.