Information du consommateur : quelles obligations pour le halal ?
En février 2012, une polémique enflait sur l’informa-tion du consommateur concernant les modalités d’abattage de la viande halal en France. Les médias et le monde politique s’étaient émus de ce qu’aucune obligation d’étiquetage ne soit prévue par la législation en matière d’abattage rituel. Analyse à froid.
Rédaction Réussir
Les articles R-112-1 et suivants du code de la consommation imposent aux professionnels de la viande nombre de mentions obligatoires en matière d’étiquetage (numéro de lot, lieu d’abattage, lieu de découpe, origine de la viande, etc.). Mais aucune obligation d’étiquetage n’est prévue s’agissant des modalités précises d’abattage des animaux. Il est donc permis de commercialiser de la viande issue d’un abattage rituel halal sans étourdissement en omettant de signaler ce mode d’abattage (même s’il n’existe évidemment pas d’obligation de taire celui-ci : les professionnels gardent la faculté d’inscrire de façon volontaire des mentions supplémentaires sur l’étiquetage de leurs produits).
Les médias et le monde politique se sont récemment émus de cette situation. Certains ont évoqué l’existence d’un blocage juridique lié à la nécessité d’obtenir une autorisation « de Bruxelles ». L’Europe a bon dos.
Il est certes vrai que la règlementation française résulte de la transposition ou de l’application de textes européens. De fait, c’est bien l’Union européenne qui, en vertu des traités, est compétente pour légiférer en la matière. Il n’est pas inexact, dans ces conditions, d’affirmer que la France ne peut rendre obligatoire une réglementation propre en matière d’étiquetage de la viande.
Mais « Bruxelles », il y a moins d’un an, a adopté un règlement n°1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, qui modifiait de nombreuses dispositions existantes. C’était l’occasion de faire évoluer la règlementation. Le Parlement européen, qui intervenait dans la procédure d’élaboration du règlement, l’avait compris. Le 16 juin 2010, il arrêtait sa position sur la proposition présentée par la Commission. Le texte du Parlement comprenait une annexe énumérant des mentions obligatoires complémentaires. Cette annexe, pour la catégorie « Viande ou produits de viande provenant d’animaux non étourdis avant l’abattage, c’est-à-dire abattus rituellement » imposait la mention : « Viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement ».
Des blocages économiques et juridiques
Le 11 février 2011, le Conseil de l’Union européenne, réunissant les gouvernements des États membres, dont la France, faisait connaitre sa position. Il rejetait l’amendement proposé par le Parlement. De fait, le règlement finalement adopté le 25 octobre 2011 n’impose aucune obligation d’étiquetage quant aux modalités d’abattage des animaux.
Des raisons économiques, qui ont, elles aussi, leur légitimité, expliquent sans doute le choix fait par les gouvernements. Mais le blocage, dès lors, est plus économique que juridique...
Reste désormais l’option (improbable) d’une modification du règlement n°1169/2011, ou celle de la mise en œuvre de ses dispositions qui donnent à tout État membre la possibilité de solliciter une autorisation de la Commission lorsqu’il souhaite adopter des mesures exigeant des mentions obligatoires complémentaires. Mais ces mesures ne peuvent être autorisées que si elles sont justifiées par la protection de la santé publique, des consommateurs ou en vue de la répression des tromperies. Il n’est nullement acquis que la mention des modalités d’abattage des animaux relève de ces catégories.
Un blocage juridique lié à la nécessité d’obtenir une autorisation de Bruxelles semble donc bel et bien exister désormais. Mais il est l’œuvre des gouvernements eux-mêmes.