Aller au contenu principal

Imbroglio juridique autour des nanoparticules

Une enquête publiée par Agir pour l'environnement a établi la présence de nanoparticules dans quatre produits de grande consommation choisis au hasard. Une telle présence n'est pas interdite par la réglementation, mais l'ONG dénonce son absence d'étiquetage qui, lui, est, en théorie, obligatoire depuis décembre 2014...

C'est un véritable pavé dans la mare que l'association Agir pour l'environnement pense avoir lancé en publiant, le 15 juin 2016, une enquête démontrant la présence, non mentionnée, de nanoparticules dans plusieurs produits alimentaires. Infiniment petites, ces nanoparticules pénètrent dans le corps humain pour se diffuser dans l'organisme et franchir les barrières physiologiques, pour finalement s'installer dans certains organes, dans le sang, ou encore, à l'intérieur même des cellules. Autrefois connues pour être utilisées dans de nombreux produits (cosmétiques, biocides, médicaments…), les nanoparticules sont, depuis un certain temps, également utilisées dans les ingrédients alimentaires.

Mais le nouvel éclairage braqué soudainement sur ces particules risque évidemment d'inquiéter as-sociations et consommateurs, alors même qu'aucun effet négatif sur la santé et l'environnement n'a encore été établi. Tout au plus, dans un avis de 2014, l'Anses pointait du doigt les difficultés scientifiques à écarter tout risque de toxicité et appelait à mettre en place un encadrement réglementaire renforcé.

Réglementation sur l'étiquetage

Il convient de rappeler qu'au niveau national, les autorités françaises ont instauré, dès 2013, le registre « R-Nano », qui recense toutes les substances à l'état nano-particulaire. L'efficacité d'un tel dispositif reste toutefois soumise à la bonne coopération des fabricants qui ne jouent pas toujours le jeu de la transparence, et ce, parfois, au détriment des industriels.

Au niveau européen, la réglementation relative à l'information du consommateur sur les denrées alimentaires, impose depuis fin 2014, l'étiquetage de la mention « [nano] », aux côtés de tout ingrédient contenant des nanomatériaux. L'enquête publiée le 15 juin 2016 semblerait établir que cette obligation n'a pas été respectée pour quatre produits de grande consommation (gâteaux, chewing-gums, conserve et mélange d'épices), et l'ONG s'est empressée de sous-entendre que ce constat pourrait être élargi à de nombreux autres aliments. Mais de leur côté, les industriels estiment qu'ils respectent la réglementation actuelle, qui s'appuie sur une définition relativement large des« nanomatériaux », et qui, de surcroît, a déjà fait l'objet de nombreux désaccords au sein même des instances européennes. Le règlement Inco définit un « nanomatériau », comme « tout matériau produit intentionnellement présentant une ou plusieurs dimensions de l'ordre de 100 nm ou moins, ou composé de parties fonctionnelles distinctes, soit internes, soit à la surface, dont beaucoup ont une ou plusieurs dimensions de l'ordre de 100 nm ou moins, y compris des structures, des agglomérats ou des agrégats qui peuvent avoir une taille supérieure à 100 nm, mais qui conservent des propriétés typiques de la nanoéchelle ». Les nanoparticules retrouvées dans les produits visés par cette enquête, étaient présentes dans des additifs alimentaires, autorisés depuis des années et eux-mêmes mentionnés dans la liste des ingrédients, conformément à la réglementation en vigueur.

Autorisation de mise sur le marché

L'adoption du nouveau règlement Novel Food, devrait venir clarifier la situation. À partir du 1er janvier 2018, tout ingrédient contenant des nanomatériaux devra faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, accompagnée d'une évaluation scientifique préalable.

Par ailleurs, il reviendra à la Commission d'adapter, en fonction des progrès technologiques, la définition sur laquelle se basera cette autorisation et une modification de celle-ci est attendue en fin d'année. Cependant, l'association Agir pour l'environnement a déclaré vouloir saisir la DGCCRF sur la possibilité de mener une vaste enquête sur la présence des nanoparticules dans l'alimentation, et leur défaut d'étiquetage par les industriels.

LE CABINET KELLER & HECKMAN

Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate-associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu'en contentieux, auprès des industries de l'agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l'Union européenne.

Les plus lus

broutards charolais dans un pré
Prix des bovins : l’année 2024 finit sur un record historique

En cette fin d’année, les prix de plusieurs catégories de gros bovins battent des records historiques.

transport terrestre animaux
Transport des porcs : une nouvelle loi qui pourrait coûter 107 millions d’euros à la filière

Une possible évolution de la législation du transport ne garantira pas forcément le bien-être des porcs. C’est ce que relève l…

Charcuterie
« Si on veut du porc français, il faut créer des élevages en France »

Les charcutiers sont frappés de plein fouet par la baisse de production porcine en France. Elle entraîne une hausse des…

Nouveau record des prix du beurre : « Ça ne reflète pas le marché »

La cotation Atla du beurre cube a franchi un nouveau sommet historique sur la semaine 48, alors que la tendance de marché est…

représenant de l'UE et du mercosur
L’UE et le Mercosur signent l’accord, à quoi s’attendre pour l’agriculture ?

Après 25 ans de pourparlers, l’Union européenne et le Mercosur ont conclu un accord commercial, mais des voix s’élèvent déjà…

extrait de l'infographie sur les ventes d'alternatives végétales
Alternatives végétales à la viande et au lait : comment les ventes évoluent en 2024

Les ventes d’alternatives végétales à la viande, au lait, au fromage, à la crème et aux crèmes desserts ont plutôt résisté à l…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Les Marchés
Bénéficiez de la base de cotations en ligne
Consultez vos publications numériques Les Marchés hebdo, le quotidien Les Marchés, Laiteries Mag’ et Viande Mag’
Recevez toutes les informations du Bio avec la newsletter Les Marchés Bio