« Il faut des connaissances de juristes »
> Gilles Boin, avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles.
LMH : La loi spécifique sur les lanceurs d'alerte et la loi Hamon vont-elles modifier la responsabilité du qualiticien ?
Gilles Boin : Sa responsabilité ne change pas, mais l'environnement réglementaire dans lequel il évolue devient de plus en plus strict. Avec la loi Hamon, l'échelle des sanctions en cas de manquement à la réglementation passe de 1 à 10 et de nouvelles infractions sont créées. À cela s'ajoute la loi sur les lanceurs d'alerte qui renforce le climat de suspicion généralisé qui pèse actuellement sur les industries agroalimentaires. Cette loi, dont le décret d'application vient d'être publié le 11 mars dernier, donne la possibilité à un employé ou au CHSCT d'informer l'entreprise d'une alerte et de connaître les suites données à celle-ci. Sans réponse de l'entreprise, ils pourront en informer les services de l'État. Il s'agit d'un mécanisme volontaire d'information au sein de l'entreprise et non d'une obligation de dénonciation. Mais on imagine tout de suite les difficultés que cela peut créer en interne...
LMH : Le métier de qualiticien se complexifie-t-il avec l'environnement réglementaire ?
G. B. : C'est certain. La réglementation alimentaire prend de plus en plus d'importance et les manquements sont assortis de responsabilités pénales et administratives importantes pour l'entreprise. Le responsable qualité doit avoir une connaissance élevée et à jour de la réglementation, ce qui n'est pas facile vu qu'il n'existe pas de code de la réglementation alimentaire. Il faut être sûr de ne pas passer à côté d'une information importante et avoir le réflexe de consulter la réglementation européenne. De plus, il existe souvent des incompatibilités apparentes entre plusieurs textes. Pour les interpréter, il faut des connaissances de juristes. Le rôle du responsable qualité s'apparente de plus en plus à celui d'un responsable de la conformité, comme cela peut exister dans d'autres secteurs industriels.
LMH : La délégation de pouvoir changera-t-elle pour autant ?
G. B. : Sur la répartition des responsabilités, il n'y a rien de nouveau. Le mécanisme de délégation de pouvoir est un point clé et existe depuis longtemps. Aujourd'hui, s'il y a une délégation de pouvoir, la responsabilité personnelle du qualiticien est plus importante. Dans les affaires que j'ai eues à traiter au pénal, il n'y avait pas toujours de délégation de pouvoir, mais cela peut arriver. Si la délégation est valable, c'est le procureur qui va décider de poursuivre l'entreprise et/ou le responsable qualité.