Filière viande chevaline française : un premier test encourageant
La vente de produits de viande chevaline dans l’hypermarché Auchan de Cambrai a su séduire des consommateurs demandeurs, encourageant la jeune filière à élargir le projet pilote à deux ou trois magasins l’an prochain.
Alors que la production et la consommation de viande de cheval sont en chute libre depuis maintenant plusieurs années, Interbev Équins tente de remonter une filière locale basée sur des races de chevaux de trait. « Nous voulons relocaliser les abattages et ventes d’animaux, au lieu de les exporter », notamment vers l’Italie, indique Marianne Orlianges, responsable des filières veaux et viande chevaline d’Interbev. Le cheval étant passé du statut d’animal de travail à l’animal de compagnie, de sport et de loisir, de nombreux éleveurs de chevaux n’envisagent plus d’abattre leurs chevaux, même en fin de vie. « On équarrit aujourd’hui 4 à 5 fois plus de chevaux qu’on en abat. Ce projet de filière locale ne doit néanmoins pas se baser sur des chevaux de réforme, mais sur des chevaux de trait, avec valorisation de 100 % de la carcasse », souligne Marianne Orlianges.
Interbev Équins souhaite réussir à structurer une organisation de producteurs avec un réseau de bouchers, artisanaux ou de GMS, intéressés pour rentrer dans un cercle vertueux. Dans le Massif central, beaucoup de chevaux de trait sont élevés. « C’est bon d’un point de vue agronomique de mettre les chevaux après les vaches pour la mixité du pâturage », commente Guy Arestier, président d’Interbev Équins.
Des consommateurs intéressés
Pour cette saison 2022, l’interprofession a fait un test de ventes dans un hypermarché Auchan de Cambrai (Nord), où était vendue de la viande chevaline française en libre-service. « Ce test a plutôt bien fonctionné, avec de très bons retours des consommateurs. Nous aimerions maintenant le reconduire dans deux ou trois magasins l’année prochaine. Si à terme le projet fonctionne, d’autres enseignes y prêteront peut-être attention, ambitionne Marianne Orlianges. Les consommateurs sont aujourd’hui plus intéressés par l’origine de la viande que par sa couleur. »
« L’offre manque de visibilité en magasin », Marianne Orlianges, responsable des filières veaux et viande chevaline d’Interbev.
Réduire les importations
Parmi les enjeux de la création d’une filière équine locale se trouve la réduction des importations de viande. Elles restent majoritaires et les consommateurs ont bien du mal à trouver de la viande chevaline française. En 2021, les échanges extérieurs sont repartis à la hausse, avec des importations qui ont atteint 7 770 tonnes (+10 % par rapport à 2020, après une baisse de 21,7 % en 2020 par rapport à 2019). La France a exporté, quant à elle, 3 041 tonnes de viande de cheval, en croissance de 8,5 % par rapport à 2020 (après une diminution de 19,2 % en 2020, comparé à 2019).
Lors des animations dans le magasin Auchan de Cambrai, les ventes ont connu des hausses de 40 % en volume. Si dans le nord de la France, la consommation de viande chevaline est plus importante, Interbev cible aussi des Régions comme l’Île-de-France et la Provence-Alpes-Côte d’Azur. « Il y a un gros potentiel, beaucoup de Français sont intéressés, mais l’offre manque de visibilité en magasin », note Guy Arestier. Afin de s’adapter aux tendances de consommation actuelles, l’hypermarché a proposé de nombreuses pièces à griller ainsi que de la viande hachée, avec notamment des steaks pour burger.
Une carcasse technique à découper
Ces demandes nécessitent de nouvelles découpes, compliquant l’opération de relance de filière, car aucun industriel ne découpe de carcasse de cheval à cause des volumes trop petits et du savoir-faire qui se perd. « Les apprentis bouchers doivent savoir découper de la viande chevaline. Nous militons pour que cette spécificité soit abordée au moins une fois dans leur cursus », rappelle Marianne Orlianges. De tous les animaux de boucherie, la carcasse de cheval est la plus technique à découper et à valoriser. « Un boucher qui sait découper du cheval sait tout faire », estime Jean-François Gireault, directeur de Bouchers Services.
Si les pièces nobles de viande chevaline se situent autour de 30 euros le kilo, comme le bœuf, le cheval reste néanmoins la viande la plus chère, avec un prix moyen de 18,49 euros le kilo, soit une hausse de 2,2 % par rapport à 2020. Il s’agit de la deuxième plus forte hausse des différentes viandes de boucherie en 2021, mais qui reste moindre par rapport à l’agneau (+4,4 %). « La viande chevaline est une production à forte valeur ajoutée », résume Guy Arestier. En 2021, 5 252 chevaux ont été abattus (-23,2 % par rapport à 2020), soit 1 459 tonnes équivalent carcasse (-24,4 % par rapport à 2020). Les abattages d’équidés poursuivent ainsi leur chute libre : en 2011, 17 068 animaux ont été abattus, pour un volume de 4 996 tonnes équivalent carcasse.
La consommation chute
En 2021, la consommation de viande chevaline a légèrement progressé par rapport à 2020, avec 6 117 tec, soit une hausse de 1,8 % sur un an. En 2020, la consommation affichait une baisse de 21 % par rapport à 2019. En valeur, les achats des ménages étaient à la peine en 2021, avec une baisse de 5,2 % par rapport à 2020, après les -11,5 % d’un an plus tôt. Avec un taux de pénétration de 7,1 % en 2021, contre 8,1 % en 2020 et surtout 11 % en 2017, la viande de cheval continue de perdre des acheteurs.
Effet double du scandale de 2013
L’affaire très médiatisée de présence de viande de cheval dans des lasagnes, censées être au bœuf, a eu un double effet sur la consommation de viande de cheval. « Dans un premier temps, la consommation de viande de cheval a connu un sursaut inédit et inattendu. C’était un scandale, mais ça a rappelé aux consommateurs l’existence de la viande chevaline, et beaucoup se sont dirigés temporairement vers cette offre », détaille Marianne Orlianges, responsable des filières veaux et viande chevaline d’Interbev. Mais l’embellie n’a pas duré longtemps. La décroissance progressive de la consommation a non seulement repris ses droits, mais s’est même accentuée sur le moyen terme, la mauvaise publicité faisant son effet.