Qualité
Ferments de terroir pour fromages normands
Le projet Infinylev met en place des tests de souches de micro-organismes dans le but de renforcer la typicité des fromages normands et d’en développer le goût.
Depuis 2013, la filière des quatre fromages AOP de Normandie et l’université de Caen Normandie travaillent en collaboration pour développer la qualité des laits et des fromages normands. Le but : remplacer les ferments industriels adaptés à tous les fromages par des ferments propres aux fromages normands pour renforcer leur typicité. Lancé au printemps 2017, le projet Infinylev présente l’objectif de tester des souches de bactéries laitières ou fromagères et de comparer les résultats par rapport aux ferments industriels.
Trois souches ont été validées
« Au travers de projets de recherche menés depuis plus de trente ans à l’Université de Caen, nous avons isolé plus de 7 000 souches de micro-organismes laitiers conservés dans un congélateur à -80 °C. Nous avons fait de nombreux tests sur le camembert de Normandie et le livarot. Nous avons caractérisé une bonne quarantaine de souches de micro-organismes. Aujourd’hui, trois souches ont été validées comme bon substitut aux ferments du commerce », précise Nathalie Desmasures, enseignante à l’université de Caen et directrice du Groupement d’intérêt scientifique AOP laitière de Normandie (GIS Galan).
Les tests de bactéries d’affinage de surface sur des livarots ont montré certains résultats intéressants. « Certains fromagers ont été très satisfaits de la couleur plus orangée donnée aux fromages et au goût plus prononcé que pour les ferments commercialisés », note Nathalie Desmasures. Par ailleurs, plusieurs levures ont été testées sur du camembert de Normandie pour désacidifier le caillé. En consommant les acides lactiques, celles-ci font remonter le pH et développent des arômes qui leur sont propres. Les résultats se sont révélés être équivalents par rapport à des ferments industriels. « À souche équivalente, pourquoi ne pas en choisir une du terroir normand ? », souligne Nathalie Desmasures.
Le projet Infinylev se termine en novembre 2019 et a coûté entre 130 000 et 140 000 euros, financé à 80 % par la Région Normandie et le Fonds européen agricole pour le développement rural de l’UE (Feader). Le projet ID-typ prendra la suite d’Infinylev. Son coût sera similaire et financé de la même façon.
Vers la création d’un catalogue de souches
« Le but à terme serait de créer un catalogue de souches adaptées. Chaque fromager, artisanal ou industriel, choisirait celle qui serait la plus adaptée à ses produits », explique Nathalie Desmasures. Certains membres du projet Infinylev sont en train d’évaluer la possibilité de mise en place de production de souches à plus grande échelle pour répondre à la demande des producteurs tout en restant à un prix abordable. « Il est encore trop tôt pour dire si ce sera faisable ou non, et si oui, à quel horizon. Nous en saurons plus d’ici à novembre. Il y a eu une démarche similaire pour le reblochon, sur un nombre de souches plus réduit. Ils ont mis vingt ans à tout élaborer. En 2013, nous étions conscients de partir pour une durée similaire ! » résume Nathalie Desmasures.
Des tests de pathogénicité pour assurer la sécurité
Toutes les souches de l’université de Caen qui sont testées pour les fromages sont soumises à des recherches sur leur pathogénicité pour l’être humain. Les chercheurs étudient leur génome pour voir si les micro-organismes contiennent des gènes virulents pour l’homme. Des tests sont réalisés sur les souches pour voir si elles sécrètent des amines biogènes, un groupe de composés organiques qui peuvent être dangereux pour la consommation humaine. Enfin, les chercheurs disposent d’un modèle animal en injectant les micro-organismes dans des larves de papillon, dont le système digestif est très proche de celui des souris.