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Chronique
États généraux de l’alimentation : quelle contractualisation ?

Dans son discours du 11 octobre, le président de la République a promu une vision rénovée de la contractualisation. Analyse.

Bruno Néouze, cabinet Racine

S’il n’appartient pas au juriste d’apporter son point de vue sur la vision de l’agriculture et de l’alimentation de demain développée par le président de la République sur la base des travaux des états généraux de l'alimentation (EGA), une mise en perspective des moyens proposés par rapport à l’existant n’apparaît pas inutile.

La loi de Modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010, renforcée et complétée par la loi d’Avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, a inséré aux articles L.631-24 et suivants du Code rural et de la pêche maritime un mécanisme tendant à permettre de rendre obligatoire, par accord interprofessionnel ou par décret, la proposition par l’acheteur d’un produit agricole au producteur ou à son organisation d’un contrat écrit individuel, dont les dispositions doivent être conformes à celles établies par l’accord ou le décret concerné. Ce dispositif, rendu obligatoire par accord pour les ovins et par décret pour le lait de vache et les fruits et légumes frais, n’a pas rencontré le succès escompté, notamment en raison de sa limitation à l’unique segment amont de la filière, de l’absence d’indices de référence pour établir des prix sur une base pluriannuelle et des incertitudes (ou de l’excès de certitudes…) quant à la compatibilité d’une négociation collective avec le droit de la concurrence.

Les difficultés du passé prises en compte

Ces difficultés ont assurément été prises en compte dans les réflexions et conclusions des EGA reprises dans la déclaration présidentielle. Sont évoqués des contrats dits de filière, c’est-à-dire applicables à l’ensemble de la chaîne de commercialisation du produit, conformément aux dispositions de l’organisation commune des marchés (OCM). Les organisations interprofessionnelles et l’observatoire des prix et des marges sont appelés à voir renforcer leurs missions et leurs outils pour l’élaboration d’indicateurs de marché ou de coûts de production. Quant à l’aspect concurrence, l’Autorité de la concurrence et les pouvoirs publics sont invités à donner au droit applicable - fût-il constant - une complète visibilité, à travers un guide et par l’instauration d’une procédure d’avis comparable au rescrit fiscal.

Des OP commerciales à l’initiative

Mais le changement le plus profond repose sur la construction même du contrat, et ce, sur trois points fondamentaux et convergents. Tout d’abord, alors que l’obligation de proposer un contrat écrit conforme repose actuellement sur l’acheteur, avec les lourdes amendes administratives que l’on sait à la clef, ce n’est plus celui-ci qui serait à l’initiative du contrat, mais le producteur.

Ensuite, le regroupement systématique et massif des producteurs en organisations commerciales pouvant fixer collectivement les prix et les volumes et travailler sur les coûts de production est attendu ; à droit constant, il semble que ces organisations commerciales devront être propriétaires de la marchandise ou à tout le moins mandataires exclusifs à la vente. La volonté de lancer un mouvement auquel l’agriculture française s’est toujours montrée réticente, même lorsqu’il a été promu par l’OCM, est marquée par la promesse d’aides proportionnelles à la taille des organisations de producteurs constituées.

Enfin, par une révolution quasi copernicienne si longtemps demandée par les producteurs (elle figurait déjà dans la loi de 1964 sur l’économie contractuelle en agriculture), la base de fixation du prix serait dorénavant le coût de revient du producteur et se répercuterait de l’amont vers l’aval, et non l’inverse, l’adaptation nécessaire au marché dans un environnement concurrentiel n’étant pas directement évoquée, mais devant être obtenue par des gains de compétitivité excluant le maintien d’une agriculture non rentable.

Au regard du droit positif et des habitudes acquises, le changement préconisé est donc loin d’être cosmétique. Il doit s’inscrire dans une vision à moyen terme que les interprofessions sont chargées de dégager dans les trois mois : le mot de gageure utilisé par le président n’est pas vain.

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de La Réunion), il réunit près de soixante-dix avocats et juristes à Paris. Il dispose également d’un bureau à Bruxelles et à Beyrouth. Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l’agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75008 Paris - www.racine.eu

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