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Déséquilibre significatif : un arrêt qui interpelle

L'arrêt rendu le 1er juillet 2015 par la cour d'appel de Paris, condamnant l'enseigne E.Leclerc à rembourser plus de 60 millions d'euros à ses fournisseurs sur le terrain du déséquilibre significatif, soulève de nombreuses questions. Décryptage.

Alors ministre de l'Économie, Christine Lagarde avait assigné le Galec pour avoir obtenu de 46 de ses fournisseurs la signature de 118 contrats-types contenant des clauses soi-disant déséquilibrées prévoyant des ristournes de fin d'année et leurs modalités de paiement. En première instance, la ministre avait été intégralement déboutée de ses demandes. L'affaire a donc été portée devant la cour d'appel de Paris, la seule compétente pour les pratiques restrictives de l'article L.442-6 du Code de Commerce, au nombre desquelles figure le déséquilibre significatif. Laquelle cour d'appel a réformé intégralement la décision des premiers juges. On relève à la lecture de son arrêt que les 118 contrats prérédigés par le Galec étaient des conditions particulières de vente (CPV). Les circulaires Dutreil, notamment celle de 2005, avaient rappelé dans quelles conditions les CPV peuvent intervenir entre un fournisseur et un distributeur pour retracer les conditions d'un accord qui leur est propre. Ces CPV ont pour socle les CGV du fournisseur et sont en principe rédigées par lui.

Ristournes et contreparties

Faire grief au Galec d'avoir fait signer à ses fournisseurs des CPV prérédigées revient à dire qu'il aurait lui-même établi en lieu et place de ses fournisseurs un document cadre qu'il leur aurait fait signer, ce qui est évidemment un élément de contexte extrêmement lourd au moment d'apprécier l'éco-nomie d'une relation commerciale. Le point essentiel allégué concernait la prévision de remises de fin d'année, certaines étant présentées comme inconditionnelles, d'autres conditionnelles sans engagement en volume ni barème, les dernières étant conditionnées à la réalisation d'un seuil de chiffre d'affaires tellement bas qu'il équivalait, pour la ministre, à une absence de conditions. Le Galec répondait que sa ristourne constituait une réduction de prix qui n'a pas à être causée par une contrepartie. La ristourne fait partie des réductions de prix qui ne constituent pas la rémunération d'un service et n'avait donc pas à être justifiée par la fourniture d'un service par le distributeur. Certes, lui répond la cour d'appel, mais cela n'implique pas que les réductions inconditionnelles n'aient pas à être causées par une obligation spécifique à la charge du distributeur déjà exécutée à la date de la vente. Cette affirmation est loin d'être neutre. D'abord, elle affirme qu'une remise ou ristourne inconditionnelle aurait nécessairement pour contrepartie un engagement du distributeur déjà exécuté de sorte que la condition a disparu. La portée de cette affirmation de principe est lourde de conséquences puisque la cour ne craint pas d'affirmer que « la formalisation de la négociation dans un document unique doit permettre à l'administration d'exercer un contrôle à posteriori sur la négociation et sur les engagements pris par les cocontractants », et que « si le juge judiciaire ne peut contrôler les prix qui relèvent de la négociation commerciale, il doit sanctionner les pratiques commerciales restrictives de concurrence et peut annuler les clauses contractuelles qui créaient un déséquilibre significatif… même lorsque ces clauses sont relatives à la détermination du prix… ».

Aménagement des CGV et convention unique

La cour d'appel de Paris pose donc en principe que tout écart de prix par rapport au tarif de base du fournisseur de même que tout aménagement par rapport à des CGV devra ressortir de la convention unique de l'article L.441-7 du Code de Commerce et être justifié par une contrepartie. C'est la première fois que le juge du fond s'ingère dans la fixation d'un prix.

À partir du moment où, depuis 2012 une seule cour d'appel est compétente, il est inutile d'attendre une position divergente. Il est évident que la jurisprudence de la cour d'appel de Paris rendue en matière de pratique restrictive revêt une importance considérable qui amène à se poser la question de savoir si la cour n'aurait pas rendu, là, un véritable arrêt de règlement pourtant interdit par les dispositions de l'article 5 du Code civil.

LE CABINET LPLG

LPLG Avocats regroupe une dizaine d'avocats et juristes privilégiant la proximité avec leurs clients et la connaissance de leur métier. Outre son activité plaidante, il fournit des conseils juridiques favorisant la prévention par rapport au contentieux et intervient surtout en droit économique (concurrence, distribution, consommation, propriété intellectuelle, contrats…).

Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique avec une prédilection pour l'agroalimentaire, et s'est aussi spécialisé en droit des marques qu'il enseigne en master II Droit de l'agroalimentaire de l'université de Nantes.

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