Comme dans la fable
A l’heure où j’écris ces lignes, je ne sais pas encore qui a gagné le deuxième tour des élections. Mais au fond peu importe qui gagne et qui perd, puisque de toute façon ça changera la prochaine fois. En tout cas, cet institut de sondage bien connu en France et dont nous tairons le nom par charité chrétienne (encore qu’il ait été écrit en toutes lettres dans certains journaux, sans le moindre démenti), a résolu les problèmes qui se posent aux marchands de sondages politiques, et qui tiennent au caractère léger, papillonnant et imprévisible de l’électeur français. Sollicité par les deux principales coalitions politiques dans une région du sud de la France, l’institut a tout simplement utilisé deux fois les mêmes chiffres, mais en les adaptant à chaque client. Ainsi le sondage confortait chacun dans sa conviction de faire une bonne campagne, et sans doute aussi d’avoir à signer sans remord le (gros) chèque au sondeur. Évidemment, dimanche soir, l’un des deux clients devait exulter et porter la société de sondage aux nues, quand l’autre s’apprêtait à lui demander des comptes. Au premier, il sera aisé de proposer une collaboration renforcée, un indicateur permanent, un suivi au jour le jour, enfin toutes ces petites choses qui calment les angoisses des dirigeants et gonflent le chiffre d’affaire des sociétés spécialisées dans ce petit commerce. Quant au second, on lui montrera que la médiocrité des prévisions tenait à l’insuffisance des moyens mis en œuvre, et que la prochaine fois, avec deux fois plus d’argent, les résultats seront affichés d’avance. Tout cela n’est pas très moral ? Sans doute, mais c’est la leçon qu’enseignait déjà Maître Renard : « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute…»