Cession et information des salariés : opportunité ou complexité ?
Considérant que la non-transmission d'entreprises saines, faute de repreneurs, était une source croissante de pertes d'emplois, et sous-estimant sans doute le dialogue entre les entrepreneurs concernés et leurs salariés, le gouvernement a entendu formaliser par la loi (articles L.14123 à L.141-32 et L.23-10-1 à L.2310-12 du Code de commerce) un droit d'information des salariés préalable à toute cession. Le mécanisme s'articule comme suit.
1°) – Sont concernées les cessions de fonds de commerce (hors fonds artisanaux ou agricoles) ou de parts ou droits sociaux donnant accès à la majorité du capital d'entreprises commerciales de moins de 250 salariés, quelle que soit la forme de la cession (vente, donation, échanges, apports en société, etc.), mais hors donations ou libéralités dans le cadre familial. Les cessions d'un bloc majoritaire à l'intérieur d'un même groupe sont également concernées.
2°) – Le droit d'information ne s'applique qu'au profit des salariés des entreprises de moins de 250 salariés et ayant une nature commerciale, les modalités de l'information différant selon que l'entreprise est ou non dotée d'un comité d'entreprise.
– Pour les PME de plus de 50 salariés disposant d'un CE, le propriétaire du fonds ou le cédant des parts doit notifier sa volonté à l'exploitant, lequel doit en informer simultanément les salariés et le CE, et consulter celui-ci.
– Pour les entreprises de moins de 50 salariés ou n'étant dotées ni d'un CE ni de délégués du personnel, une information individuelle doit être effectuée au plus tard deux mois avant la cession. L'information précise aux salariés qu'ils peuvent présenter une offre. 3°) – Tous les salariés doivent être informés, y compris s'ils sont en congé (maladie ou maternité), apprentis compris (mais non les intérimaires ou stagiaires). Ils le sont par tout moyen (réunion ou affichage avec signature d'un registre, courriel attestant de la date de sa réception, courrier remis en mains propres contre émargement ou recommandé avec avis de réception signé ou acte d'huissier), à charge pour l'employeur de prouver que chacun l'a réellement été.
4°) – L'information ne porte que sur la volonté de céder et la possibilité pour les salariés de présenter une offre. Elle ne précise pas les modalités de la cession ni ne s'accompagne de documents comptables ou autres sur la situation de l'entreprise.
Délai de deux mois5°) – Aucune cession ne peut être effectuée avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la dernière information réalisée, à moins, dans une entreprise de moins de 50 salariés, que chacun d'eux ait formellement et expressément renoncé à formuler une offre. 6°) – Si l'information n'est pas effectuée, ou si le délai de deux mois n'est pas respecté, la cession pourra être annulée à la demande de tout salarié, l'action étant prescrite par deux mois à compter de la publication de la cession – les cessions de parts sociales de SARL n'ayant plus à être publiées, il conviendra de procéder à une nouvelle information individuelle des salariés portant, cette fois, sur la cession.
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7°) – Si un ou plusieurs salariés présentent une offre, sous une forme juridique quelconque (avec possibilité d'être assistés), le cédant n'est nullement tenu de la considérer : il n'est pas même tenu d'entrer en négociation et peut céder comme il l'entend.
Obligation de discrétion8°) – La cession doit intervenir dans les deux ans de l'information, faute de quoi celle-ci doit être renouvelée.
9°) – Les salariés sont soumis à une obligation de discrétion identique à celle des membres du CE, à peine de sanction disciplinaire.
Un dispositif complexe, donc, générateur non seulement de formalités, mais aussi de délais supplémentaires et de risques de nullité qui pourront se révéler très conséquents, notamment dans le cas d'un salarié en congé que l'on ne parviendrait pas à informer personnellement (voyage, déménagement, etc.). Reste à savoir si ce mécanisme répond à un réel besoin.