Bonne pomme
Je salue avec gourmandise la diffusion sur nos marchés de la pomme Tentation, dont la production commence seulement à sortir de la confidentialité avec quelque 360 ha cultivés et 6 500 t récoltées cette année. Tentation est française, inscrite dans le catalogue Delbard depuis 94. Pour une pomme, Tentation est un beau nom, et si le diable tendit à Eve un fruit de cette qualité, on comprend qu’elle n’hésita point à perdre le paradis pour gagner les vergers du plaisir – vous êtes priés de saisir la finesse allusive des mots. Mon plaidoyer en faveur de Tentation est d’autant plus sincère que j’étais jusque-là un supporter de Pink Lady. Belle pomme aussi, australienne, née des œuvres de John Cripps. Tentation et Pink Lady ont une aïeule commune, la Golden Delicious. Mais la grand-mère Golden a désormais du mal à rivaliser avec ses petites filles à la chair si juteuse et parfumée. Et puis Tentation, pour une fois le nom est français. Pas comme Golden ou Pink Lady, ou encore Braeburn, Idared, Jonagold, Starkrimson, Red Chief et autre Granny Smith qui font ressembler l’affichage à une page arrachée du Robert & Collins. Du moins le croyais-je, car sur le très chic marché de la Bastille, un commerçant vient de me proposer de goûter ses « Tèntécheunes ». Du coup, je lui ai demandé de la dame rose, et il s’est mis à bredouiller que celle-là, non, il ne la connaissait pas. Ça lui apprendra à faire l’english…