Bio, un argument marketing à utiliser à bon escient
L'engouement des consommateurs pour le biologique a conduit, naturellement, certaines entreprises à coupler deux tendances du marché, en lançant des compléments alimentaires « biologiques ». La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a été amenée à se pencher sur ce nouveau concept le 5 novembre, afin de déterminer si « un produit essentiellement composé d'ingrédients issus de l'agriculture biologique, mais contenant également des additifs minéraux et vitaminés non biologiques peut être étiqueté et commercialisé en tant que produit “ biologique ” » et « en particulier, si le produit est commercialisé en tant que complément alimentaire et/ou comme ayant des avantages en termes de santé et de nutrition qui ne peuvent être obtenus sans eux ».
Le cas visé : une société allemande commercialise un complément alimentaire « biologique », mais contenant également du fer et des vitamines, alléguant que « le fer contribue à la formation normale des globules rouges et d'hémoglobine ». Les autorités de contrôle lui ont reproché d'utiliser le terme « bio », dans ces circonstances.
La société a argué de ce que l'ajout de ces substances devait être considéré comme « exigé par la loi », au sens de l'article 27, § 1, sous f), du règlement no 889/2008, étant donné qu'elle ne serait pas autorisée à commercialiser son produit en tant que complément alimentaire, avec des allégations nutritionnelles ou de santé ou en tant que denrée alimentaire destinée à une alimentation particulière, si ce produit ne contenait pas une certaine teneur en minéraux ou en vitamines.
Choisir les désignationsMais la CJUE a considéré « qu'il appartient aux opérateurs économiques de déterminer la composition de leurs produits et de décider sous quelle désignation ils souhaitent les commercialiser. S'ils souhaitent commercialiser ces produits comme complément alimentaire au sens de la directive 2002/46, avec des allégations nutritionnelles ou de santé au sens des règlements 1924/2006 et 432/2012, […] ils doivent remplir les obligations prévues en la matière par la réglementation applicable de l'UE, ce qui peut aboutir à l'interdiction de commercialisation en tant que produit de l'agriculture biologique. Le droit de l'UE ne garantit pas qu'un opérateur économique puisse commercialiser ses produits avec toutes les désignations qu'il considère comme avantageuses pour promouvoir ceux-ci ».
Cet arrêt est particulièrement intéressant en tant qu'il soulève le problème de l'optimisation du marketing des entreprises et surtout de ses limites. Ici, la CJUE a cherché à éviter au maximum aux opérateurs économiques de profiter, à des fins marketing, de possibles conflits de normes. À ce titre, il est aussi l'occasion de rappeler que la réglementation sur l'agriculture biologique est en cours de réforme (voir LMH no 226).
Field Fisher Waterhouse (www.ffw.com) est un cabinet d'avocats européens qui offre des services dans de nombreux domaines du droit, et en particulier en droit de la concurrence, propriété intellectuelle et droit réglementaire européen.
Katia Merten-Lentz est associée dans le département concurrence et droit réglementaire européen : elle est en charge de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, toutes filières confondues. Elle intervient tant en conseil qu'en contentieux auprès des industries de l'agroalimentaire.
La proposition de règlement, qui vise à abroger l'actuel texte sur la production biologique et l'étiquetage des produits bios, est de grand intérêt face au risque de dérive marketing comme celui sus-évoqué. Le projet envisage notamment que les ingrédients agricoles entrant dans la composition des produits transformés biologiques soient exclusivement biologiques. Ce projet a fait l'objet, le 16 octobre dernier d'un avis favorable, mais prudent, du Comité économique et social européen (CESE). Tout en reconnaissant qu'en « relevant les normes de qualité pour la production biologique et en instaurant des règles plus sévères pour la production, on peut accroître la confiance des consommateurs et également justifier la différence de prix par rapport à celui des produits conventionnels », le CESE rappelle qu'il « ne faut pas oublier que les petites exploitations qui voudront respecter ces normes risquent de rencontrer des difficultés économiques ».
Il faut maintenant attendre le rapport de la commission du Parlement européen en charge de la question.