Autorité de la concurrence : un sursis à exécution des décisions est possible
Le 6 mars 2012, l’Autorité de la concurrence a infligé des sanctions pécuniaires relativement lourdes à des producteurs d’endives et leurs organisations professionnelles, en raison de « pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives ». Mais cette décision, comme toutes celles de l’Autorité, peut faire l’objet de recours.
Rédaction Réussir
Le 6 mars dernier, la SCA Marché de Phalempin s’est vue infliger une sanction de 1 186 930 euros, la SCA Primacoop 891 900 euros, ou encore la SCA Union des coopératives agricoles Valois Fruits 341 100 euros.
La cour d’appel de Paris est à présent saisie de cette affaire. Parallèlement, certaines entreprises ou organisations ont saisi, en référé, le premier président d’une demande de suspension de l’exécution provisoire attachée à la décision du 6 mars 2012.
Par trois ordonnances du 26 juin 2012, le premier président de la cour d’appel de Paris a partiellement fait droit à ces demandes.
C’est donc l’occasion pour nous de préciser comment et dans quel environnement juridique sont arrêtées les sanctions prononcées par l’Autorité de la concurrence.
Le prononcé des sanctions par l’Autorité peut souvent paraître arbitraire, mais il est encadré.
Le plus souvent, l’Autorité de la concurrence inflige une véritable sanction pécuniaire qui peut être très lourde. La loi prévoit en effet que l’Autorité apprécie la situation individuelle (isolée ou à l’intérieur d’un grand groupe) de chaque entreprise ou organisme, et surtout le dommage à l’économie.
Des faits graves peuvent n’avoir qu’un impact faible pour l’entreprise concernée, ou le contraire, en fonction de la place sur le marché de telle entreprise ou tel organisme. C’est ici qu’interviennent les seuils fixés par la loi, mais qui sont tellement généreux que les sanctions peuvent être exponentielles.
Ainsi, si le contrevenant n’est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 000 000 euros. Si c’est une entreprise, l’amende maximale peut atteindre 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.
Des conséquences « manifestement excessives »
Retenir le chiffre d’affaires mondial comme base de raisonnement pour sanctionner des pratiques qui, par définition, n’ont eu qu’un impact franco-français fait courir aux entreprises un risque maximal, d’autant que le recours formé devant la cour d’appel n’est pas suspensif.
Mais la loi (article L.464-8) permet au premier président de la cour d’appel d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision si celle-ci est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Le juge se penchera alors sur les conséquences qu’aurait l’exécution pour les organismes ou entreprises concernés. Risque-t-il d’en résulter une cessation des paiements, des licenciements, une désorganisation financière telle que l’insolvabilité de l’entreprise ?
La jurisprudence des cours d’appel, et notamment celle de Paris, seule compétente en matière de concurrence, est très attentive à déterminer les conséquences manifestement excessives qui résulteraient d’une exécution provisoire.
Dans l’une des ordonnances du 26 juin 2012, le Marché de Phalempin n’a été relevé de l’exécution immédiate de sa sanction que pour neuf dixièmes de celle-ci au motif que l’endive ne représentait que 66 % de son chiffre d’affaires et que l’amende ne correspondait qu’à 4,54 % de chiffre d’affaires.
C’est dire la minutie employée, ce qui amène à s’interroger sur la finalité de la sanction infligée en matière de concurrence.
Comme en matière pénale, la sanction poursuit notamment un objectif de prophylaxie sociale, c’est-à-dire qu’elle vise à faire en sorte que le fautif s’amende. À condition de ne pas mourir avant l’appel !