Appellation d'origine et marque : un curieux cocktail
Les demandes principales en annulation de marque communautaire doivent être présentées devant l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), l'organisme chargé de les enregistrer. C'est dans ce contexte qu'est intervenue, le 18 novembre dernier, la décision du Tribunal de première instance de l'Union européenne (UE) ayant opposé l'Institut des vins de Douro et de Porto à l'OHMI à propos d'une marque communautaire « Port Charlotte » enregistrée en 2007 pour désigner des boissons alcoolisées. En 2011, l'Institut des vins de Douro et de Porto en poursuit l'annulation en se fondant sur l'appellation d'origine « Porto » et « Port » qui selon lui était protégée dans l'ensemble des États membres par plusieurs dispositions du droit portugais et du règlement CE no 491/2009 du Conseil portant organisation commune de marché dans le secteur vitivinicole. Dans un premier temps, la distillerie anglaise limite la liste des produits auxquels elle applique sa marque au whisky.
Évocation du droit national
En 2013, la division d'annulation de l'OHMI rejette le recours en annulation. Telle sera aussi la position de la Chambre de recours de l'OHMI saisie en second lieu. Celle-ci va considérer que la protection des appellations d'origine pour les
vins est régie exclusivement par le règlement no 491/2009 dont la connaissance échappe à sa compé-tence. Le débat a rebondi devant le Tribunal de première instance de l'UE. La question était posée de savoir si ce règlement était le seul à régir les conditions de la protection des appellations d'origine vitivinicole en Europe, ou si les dispositions d'un droit national pouvaient être invoquées à ses côtés. Sur le terrain du règlement no 510/2006, aujourd'hui abrogé et remplacé, il avait été jugé que ce système de protection communautaire revêtait une nature exhaustive.
Examen de l'antériorité
Sur ce point, le Tribunal répond sans ambiguïté, aux points 41 et 42 de sa décision, que le règlement no 491/2009 régit de manière uniforme et exclusive tant l'autorisation que les limites, voire l'interdiction de l'utilisation commerciale des AOP et des IGP par le droit de l'UE. Sa position ne diffère pas de celle déjà affirmée par la jurisprudence communautaire, s'agissant de la réglementation plus générale des IGP et AOP. Mais pour autant, le Tribunal ne méconnaît pas l'objet de sa saisine, c'est-à-dire la compatibilité entre les AOC et une marque communautaire postérieure. Ainsi, au visa des motifs de refus d'enregistrement, qui découlent du règlement relatif à la marque communautaire, l'examen de la validité d'une marque peut conduire à examiner un droit national comme fonde-ment du droit antérieur invoqué pour faire obstacle à l'enregistrement de la marque communautaire postérieure ou à son maintien en validité. Précisément, l'appellation d'origine « Porto » avait été reconnue par plusieurs dispositions du droit portugais, et c'est dans ces circonstances que cette protection a été mentionnée sur la base E-Bacchus lorsque celle-ci a été créée en 2009. En affirmant que le règlement no 421/2009 régit de manière uniforme et exhaustive l'autorisation et les limites des AOP et IGP des vins, le Tribunal ne modifie pas sa jurisprudence déjà affirmée.
C'est uniquement dans la mesure où une appellation d'origine de vin régulièrement enregistrée constitue un droit antérieur à une marque qu'il peut y avoir lieu, pour apprécier la portée de cette antériorité, de faire un peu d'histoire, et de consulter le droit national à l'origine de la protection. Il ne faut pas perdre de vue que les règlements nos 491/2009 et 207/2009 n'ont pas le même objet et le Tribunal affirme que la question de savoir dans quelle mesure un signe protégé dans un État membre confère le droit d'interdire l'utilisation d'une marque plus récente doit être examinée au regard du droit national applicable. Dans ces conditions, l'examen de l'antériorité invoquée impliquait de consulter ce droit. Affaire à suivre.
Fort d'une expérience de plus de vingt-cinq années dont vingt ans au sein du cabinet LPLG Avocats, dont il fut associé, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l'entreprise et à l'écoute de ses besoins, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d'une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique qu'il enseigne en mas-ter II Droit du marché de l'université de Nantes, avec une prédilection pour l'agroalimentaire tant en droit national qu'européen ou international. Contact : dlegoff.avocat@gmail.com