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Allégation santé : rôle central de la Commission européenne

Dans un arrêt du 16 mars 2016, le tribunal a confirmé que la Commission européenne pouvait refuser d'autoriser certaines allégations de santé en raison de leur incohérence avec des politiques nationales et/ou internationales de santé. Cette décision de refus de la Commission intervenait après un – rare – avis scientifique positif de l'Efsa. Explications.

Les allégations santé portant sur les denrées alimentaires sont assujetties, au niveau de l'Union européenne, au règlement (CE) no 1924/2006, qui les définit comme « toute allégation qui affirme, suggère ou implique l'existence d'une relation entre, d'une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire et l'un de ses composants et, d'autre part, la santé » (article 2).

Depuis une vingtaine d'années, l'utilisation des allégations santé était devenue un véritable outil marketing pour les opérateurs du secteur, qui n'hésitaient plus à mettre sur le marché des denrées supposées entretenir, voire améliorer notre santé. Face au développement de telles pratiques et dans un souci de protéger le consommateur contre les mentions inexactes, ambigües ou trompeuses, le législateur européen a souhaité opérer un contrôle strict sur ces allégations. Aussi, le règlement (CE) no 1924/2006 établit que les allégations santé sont en principe interdites, sauf si elles ont été expressément validées par les autorités européennes et qu'elles figurent sur la liste de l'UE des allégations de santé autorisées. Préalablement à leur autorisation par un règlement de la Commission européenne, chaque allégation santé doit faire l'objet d'une éva-luation, sur la base de critères scientifiques solides (article 6). Aussi, le rôle de l'Efsa, chargée de cette évaluation, est essentiel – jugé souvent excessif et « trop » prépondérant par certains opérateurs – qui ont été jusqu'à argumenter devant le tribunal que l'Autorité européenne exerçait « en réalité une fonction décisive ». En pratique, le critère scientifique est largement prépondérant et à quelques exceptions près, la décision finale de la Commission suit la position de l'Efsa.

Les allégations ambigües du glucose

C'est justement l'une de ces exceptions qui fonde l'action en justice ayant donné lieu à l'arrêt du 16 mars 2016. Les requérants contestaient la validité du règlement (UE) 2015/8, par lequel la Commission avait refusé d'autoriser cinq allégations santé relatives au glucose, malgré l'avis scientifique positif de l'Efsa. La Commission justifiait sa décision par le fait que « le recours à une telle allégation de santé enverrait un message contradictoire et ambigu aux consommateurs, car il encouragerait la consommation de sucres, que les autorités nationales et internationales recommandent de réduire » (considérant l'article 14 du règlement 2015/8). Aussi, en jugeant que « même si l'Efsa a rendu une évaluation scientifique positive, une allégation de santé ne peut être incompatible avec les principes nutritionnels et de santé généralement admis […] », le tribunal confirme que la Commission doit tenir compte de trois éléments lorsqu'elle statue sur une demande d'allégation de santé : l'avis scientifique de l'Efsa, les dispositions applicables de la législation européenne, ainsi que d'autres facteurs légitimes et pertinents. En d'autres termes, l'évaluation scientifique des risques ne peut à elle seule fournir toutes les informations sur lesquelles une décision de gestion des risques doit se fonder.

Pouvoir d'interprétation de la Commission

Ainsi, le tribunal, reprenant une jurisprudence constante, confirme le large pouvoir d'interprétation de la Commission dans un domaine qui implique de sa part des choix de natures politique, économique et sociale… Dans un contexte de « Refit », c'est-à-dire de réflexion quant à une possible révision du règlement 1924/2006, cette décision vient à point nommé pour redonner une belle légitimité à la Commission européenne. Espérons qu'elle l'utilise à bon escient en assouplissant quelque peu le régime des allégations santé, et en donnant enfin une sécurité juridique aux opérateurs concernant les allégations botaniques et les profils nutritionnels.

LE CABINET KELLER & HECKMAN

Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate-associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu'en contentieux, auprès des industries de l'agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l'Union européenne.

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