Confédération paysanne
Depuis sa ferme en Ariège, Laurence Marandola défend un modèle agricole diversifié et dénonce le traitement de la crise agricole
Après Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, en février dernier, Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne a accepté de nous recevoir plus de deux heures sur sa ferme en Ariège à 900 mètres d’altitude. Elle présente son exploitation basée sur trois ateliers diversifiés (élevage de lamas, pommes et plantes aromatiques et médicinales), explique comment elle exerce son métier et son mandat national syndical et revient sur la crise agricole et son traitement par les médias et le gouvernement.
Après Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, en février dernier, Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne a accepté de nous recevoir plus de deux heures sur sa ferme en Ariège à 900 mètres d’altitude. Elle présente son exploitation basée sur trois ateliers diversifiés (élevage de lamas, pommes et plantes aromatiques et médicinales), explique comment elle exerce son métier et son mandat national syndical et revient sur la crise agricole et son traitement par les médias et le gouvernement.
Comment concilier le mandat syndical et le métier d’agricultrice en Ariège ? En quoi sa ferme est-elle représentative de l’agriculture française d’aujourd’hui et de demain ? Quel regard porte-t-elle sur la crise agricole et son traitement médiatique, les mesures proposées par le gouvernement et la simplification de la Pac ? Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, répond sans détours aux questions de Reussir.fr.
Vous êtes la première femme, seule porte-parole de la Confédération paysanne, depuis presqu’un an. Comment conciliez-vous cette fonction avec votre métier d’agricultrice ?
Laurence Marandola : Ma vie n’a pas changé il y a un an. J’étais déjà au secrétariat de la Confédération paysanne. Et cette montée en charge a été bien préparée les deux années précédentes. Je ne voulais pas prendre un mandat et risquer de mettre la ferme en difficulté. Nous avions une salariée deux jours par semaine, elle a accepté de venir travailler à temps plein jusqu’en juin 2025. Sans cela je n’aurais pas pris le mandat. C’était la première condition. La deuxième condition était que de ne pas surcharger mon mari et que cela ne soit pas tenable sur la durée. Nous sommes installés depuis 2007 et sommes en rythme de croisière. Nous avons réduit un peu l’activité pour que ce soit supportable en réaménageant des ateliers.
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Quel est votre agenda hebdomadaire type ?
Ce n’est pas du tout carré, comme dans d’autres syndicats (Laurence Marandola sourit). Le mardi et le mercredi je suis souvent en dehors de la ferme, certaines semaines c’est plus. Parfois je suis là physiquement mais je passe mon temps en visio. Mon stress n’est pas que la ferme n’aille pas bien c’est plus de ne plus retrouver mon équilibre. C’est dur de perdre un peu dans la relation au troupeau à laquelle je suis très attachée. Mais même avec cette année folle furieuse, je vais quand même bien.
Je tiens parce que j’ai accepté de courir ce risque, ça me bouscule, ça fait sens, et ça a une fin
Je tiens parce que j’ai accepté de courir ce risque, ça me bouscule, ça fait sens, et ça a une fin. C’est mon dernier mandat national. La règle à la Confédération paysanne est de faire quatre mandats maximum de deux ans au niveau national.
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Vous exploitez depuis 2006 30 hectares en montagne, en bio, avec élevage de lamas, plantes à parfum aromatiques et médicinales et production de pommes, comment vous répartissez-vous les tâches ? Qu’est-ce qui vous plaît le plus ? Le moins ?
Nous sommes sur une quarantaine d’hectares en montagne, à cheval sur deux plaques tectoniques. On loue 34 hectares à l’association foncière pastorale créée il y a 20 ans et nous sommes propriétaires de 7 hectares. Le village de Saleix a eu jusqu’à près de 1000 habitants jusqu’à la fin des années 1800 avec des terres cultivées en terrasse sur le versant sud, de la forêt sur le versant nord et de l’élevage en estive. La vie était difficile, les gens étaient pauvres et vivaient en partie grâce à la mine de fer en face et à l’usine Péchiney d’Auzat. La mine et l’usine ont fermé, il ne restait plus que 7 habitants fin 1970.
Cette convention de pâturage a permis qu’une personne comme moi originaire de Haute-Savoie, ayant fait des études d’agronomie puis passé 15 ans en Bolivie puisse s’installer en Ariège
Et puis la loi montagne qui a créé le dispositif des associations foncières pastorale a permis à des agriculteurs de s’installer. Le foncier est en effet très morcelé, sur 34 ha il y a 287 propriétaires. Cette convention de pâturage a permis qu’une personne comme moi originaire de Haute-Savoie, ayant fait des études d’agronomie en Normandie et à Paris puis ayant passé 15 ans dans le développement agricole en Bolivie puisse s’installer en Ariège.
Comment avez-vous atterri ici ?
En famille nous avons décidé de rentrer en France sans forcément savoir que nous allions nous installer en agriculture. Je n’avais pas envie de revenir en Haute-Savoie. On savait que pour s’installer, il nous faudrait accéder à du foncier, or en Haute-Savoie c’est inaccessible. Les Pyrénées étaient plus accessibles en termes de prix et nous y connaissions du monde. J’ai eu des propositions pour travailler dans le Béarn et en Ariège. Les hasards de la vie ont fait que nous nous sommes installés ici et avons repris un troupeau de lamas. Il y a aujourd’hui trois ateliers : lama, pomme et plantes aromatiques et médicinales.
Nous avons fait le choix radical de ne pas commercialiser de produits frais pour limiter les contraintes de commercialisation
La diversification est essentielle pour l’exploitation pour des raisons de complémentarité agronomique, économique et de réduction des risques en cas d’aléas sur l’un des ateliers, la diversité des tâches sur une journée et sur les saisons est aussi stimulante. L’élevage de lamas est aujourd’hui destiné à la production de jeunes animaux et de la laine, j’apprécie particulièrement le soin des animaux, le dressage et la tonte. En pomme, nous avons 150 vieux arbres (ayant entre 60 et 100 ans). On en a planté 150 autres, dans un verger de plein vent, non irrigué. Nous avons fait le choix radical de ne pas commercialiser de produits frais pour limiter les contraintes de commercialisation. Les pommes sont transformées en jus de pomme.
Je n’ai pas de choix de prédilection entre l’élevage et le végétal. L’atelier des plantes aromatiques (commercialisées en tisane, pestos et hydrolats) combine cueillette de plantes sauvages et culture. Je fais aussi la comptabilité, non par plaisir, mais c’est le passage obligé pour la gestion économique qui est un point très important pour toute ferme. J’avoue ne pas être attirée par la mécanique lourde.
Quels sont vos projets sur l’exploitation agricole ? Face au changement climatique, avez-vous prévu de faire évoluer votre activité arboricole ? Pensez-vous déjà à sa transmission ?
L’arboriculture c’est devenu très compliqué ! Nous ne planterons probablement pas davantage de pommiers… quoique l’on vient de récupérer une parcelle magnifique en bas de vallée, on hésite mais c’est vraiment très compliqué avec le dérèglement climatique (gels de printemps, canicules, sécheresses…). Pourtant j’avais plutôt planté des variétés anciennes, greffées sur franc car elles sont plus rustiques avec mise en production lente d’ici 10 à 15 ans. Ce n’est pas l’axe de développement principal de l’exploitation.
Nous avons le projet de construire un nouveau bâtiment de transformation pour faciliter les conditions de travail et dans un objectif de transmission
Nous avons plutôt le projet de construire un nouveau bâtiment de transformation (notre atelier est trop petit). C’est un projet pour la ferme en 2025, il me restera alors 10 ans avant la retraite, pour faciliter les conditions de travail et dans un objectif de transmission. Ici nous sommes trois à temps plein et il y a du travail, il y a des possibilités de valorisation et des débouchés pour tous nos produits. Côté outil de production, nos terrains n’ont rien à voir avec ce qu’ils étaient avant. C’était des friches. Nous sommes partis de rien. C’est l’histoire de l’Ariège qui, après s’être vidée de ses habitants et paysans, a connu une vague d’installations dans les années 60-70. Ce ne serait plus possible aujourd’hui ; comme ailleurs la pression sur le foncier agricole est très forte et il est très difficile de s’installer, particulièrement depuis 2015.
Vos enfants sont-ils prêts à reprendre l’exploitation ?
Pas forcément. On ne les a pas élevés pour ça et, pour le moment, ils font d’autre choix professionnels. Ils sont très attachés à la ferme et au cadre de vie mais il n’a pas de notion de patrimoine familial. On essaie de notre côté de faire en sorte que l’outil intéresse du monde pour être transmis. Je n’ai pas envie que la ferme reparte en friche.
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Votre exploitation est à l’antipode de celle d’Arnaud Rousseau, à la tête de la FNSEA, parfois attaqué sur la grandeur de son exploitation, selon vous laquelle de vos deux fermes est la plus représentative de l’agriculture française d’aujourd’hui ?
Je n’en sais rien, il y a une telle diversité de fermes en France et en Ariège depuis une petite ferme en maraîchage jusqu’à celle d’Arnaud Rousseau. Par contre, sur notre ferme d’une petite quarantaine d’hectares, 3 ETP travaillent et sont rémunérés, il y a des productions diversifiées, un équilibre financier et un rôle fort d’entretien dans le territoire face aux risques d’incendie ou encore d’avalanche.
Notre ferme reflète ce qui est important pour moi et la Confédération paysanne : des emplois agricoles sur une ferme avec une rémunération et des productions qui font sens sur le territoire et ses ressources
Notre ferme reflète ce qui est important pour moi et la Confédération paysanne : des emplois agricoles sur une ferme avec une rémunération et des productions qui font sens sur le territoire et ses ressources. L’agrandissement on le connait ici particulièrement avec les surfaces d’estives avec les questions des aides PAC. L’exploitation perçoit 8000 euros d’aides PAC, surtout de l’ICHN, sur 15 DPB, qui valaient 44 euros l’an dernier, aujourd’hui on frôle les 100, là on est aux antipodes et c’est scandaleux.
Sinon notre ferme est très représentative de la moyenne des fermes non transhumantes de l’Ariège. Elus à la Chambre d’agriculture, je connais assez précisément la situation de la « Ferme Ariège ». Ma ferme, que ce soit sur la taille ou le choix de la diversification, n’est pas un intrus dans le paysage ariégeois.
Ma ferme n’est pas un intrus dans le paysage ariégeois
L’élevage de lamas s’inscrit dans notre parcours technique. Le lama s’adapte et valorise particulièrement bien en montagne ces terrains pentus et très séchant. C’est d’autant plus vrai avec le changement climatique. La baisse des ressources fourragères et la diminution de points d’eau pour l’abreuvement sur nos territoires peuvent rendre difficile l’élevage bovin et les petits ruminants (brebis, chèvres et lamas) sont un peu plus adaptés à ces conditions qui évoluent.
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Femme, mère de trois enfants, de formation agronome, mais non issue du milieu agricole, née en Haute-Savoie, installée en Ariège, pensez-vous être plus proche du portrait-robot de l’agriculteur de demain ?
Probablement, je suis beaucoup plus proche d’un grand nombre d’agriculteurs de demain. Parmi les agriculteurs de demain certains auront de grandes fermes en individuel et/ou sociétés mais l’agriculture d’aujourd’hui et de demain est faite de diversité. Aujourd’hui quand on regarde le portrait de ceux qui accèdent au parcours installation, une moitié vise une installation en bio et beaucoup, quelle que soit l’orientation technique, privilégient un projet sur des fermes à taille humaine, avec des conditions de travail correctes en individuel ou collectif, très souvent de la diversification et une attention forte au lien avec le vivant et de prise en compte des enjeux environnementaux et climatiques.
Probablement, je suis beaucoup plus proche d’un grand nombre d’agriculteurs de demain
Cela correspond à ce que l’on porte à la Confédération paysanne en termes de résilience. Mais cela implique d’avoir plusieurs métiers en une journée, de multiplier les compétences, et aussi plus de complexité en termes de commercialisation avec des circuits courts ou longs. C’est ce qui nous a permis de passer les aléas climatiques (dont le gel printanier de 2021, la grêle le 15 août 2010 et un épisode de FCO en 2008 durant lequel 25% du troupeau a été touché). Si on n’avait alors pas eu plusieurs ateliers, on aurait été en très grandes difficultés.
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Votre exploitation génère-t-elle une bonne rentabilité ?
Oui la ferme a atteint un équilibre et est rentable, nous ne sommes pas extrêmement gourmands en termes de rémunération. Nous n’avons plus d’emprunt. Nous avons remboursé l’emprunt de l’installation en dix ans. On réfléchit en calculant très finement la rentabilité par rapport au temps de travail. On raisonne la charge de travail de manière économique. Nous avons aussi choisi de commercialiser en circuit court (pas tout en vente directe) des produits non périssables pour pouvoir organiser la vente dans le temps. On vend par exemple la laine durant de très grosses foires l’hiver pour lisser le temps de travail.
Sur le plan syndical, on vous a moins entendu que d’autres syndicats ces derniers mois durant la mobilisation agricole, comment avez-vous vécu cette période ?
J’aimerais bien qu’il y ait un CSA de l’agriculture ce serait intéressant pour analyser cette période qui a été un temps unique d’expression et exposition de la question agricole, de ce que représente l’agriculture française.
J’ai souffert de voir le traitement de l’actualité agricole sur certains plateaux
On a sûrement été moins présents que les autres syndicats même si cela m’a semblé très intense. Nous avons accepté de répondre à tout le monde sauf certains médias trop marqués extrême droite. Mais pour le grand public cela n’a pas été hyper clair, je pense que les gens n’ont pas compris qui demandait quoi. J’ai souffert de voir le traitement de l’actualité agricole sur certains plateaux. Je regrette que des médias aient surfé sur l’écume des choses. Cela m’a par exemple rendu malade de voir Gabriel Attal avec Jérôme Bayle sur le barrage routier en train de faire comme si tout était réglé alors qu’il y avait des agriculteurs en grandes difficultés et qu’ils allaient rentrer chez eux sans réelle issue.
Considérez-vous que l’épisode de la mobilisation agricole a été un rendez-vous manqué ?
Oui c’est un rendez-vous manqué sous l’angle du traitement médiatique. C’est également un rendez-vous manqué par le gouvernement. Les déclarations de ses membres la main sur le cœur reprises telles quelles, c’est scandaleux ! Les journalistes n’ont pas fait leur travail d’approfondissement et analyse et ça a convenu à certains responsables syndicaux et politiques.
Quel regard portez-vous sur les mesures apportées par le gouvernement ?
Je trouve tout d’abord la méthode méprisante. Le tableau de bord de suivi des 67 mesures prises c’est scandaleux, on ne traite pas la question agricole comme un tableau que l’on remplit avec des croix « fait », « à faire ».... C’est un regard méprisant sur l’ensemble des agriculteurs. Sur le fond, je considère qu’il n’y a pas eu de négociations. Nous avons proposé quelques revendications structurelles resserrées, les mêmes du début jusqu’à la fin, il n’y a pas eu de négociations sur le sujet.
On ne traite pas la question agricole comme un tableau que l’on remplit avec des croix
On sent un empressement à mettre un point final à cette séquence avec une photo sur le perron de l’Elysée, mais les conditions ne sont pas réunies. Sur le fond c’est quand même un catalogue de mesures : des mesurettes pour certaines et extrêmement lourdes de conséquence pour d’autres. C’est effarant, sous prétexte de simplification administrative (nécessaire), on a jeté le bébé avec l’eau du bain.
Vous parlez des simplifications sur la question phytosanitaire ?
Oui par exemple. Ou encore de l’identification bovine, pour moi il s’agit de surtransposition par rapport à la réglementation européenne. On en fait trop. Ce n’est pas un outil destiné à aider les éleveurs.
L’identification bovine n’est pas un outil destiné à aider les éleveurs
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Que pensez-vous des mesures de simplification de la Pac ?
Concernant la conditionnalité, je pense que plusieurs BCAE étaient mal construites. Sur la couverture hivernale nous avions fait une proposition dans le cadre du PSN que la DGPE avait validé : à savoir trois mois de couverture hivernale sur une période large comprise entre le 1er septembre et fin février afin de permettre que la mesure s’adapte à chaque territoire. Une partie du ministère trouvait la mesure trop complexe et le syndicat majoritaire n’en voulait pas. Elle a été rejetée.
Ce n’est pas normal, il en va de la crédibilité de la Pac
Certes les BCAE étaient mal construites mais nous sommes très choqués que des soutiens pouvant être massifs vont désormais être apportés sans aucun type de condition. Ce n’est pas normal, il en va de la crédibilité de la Pac. On regrette aussi que les procédés d’urgence empêchent tout type de démocratie et de concertation. Si la conditionnalité est annulée, il faudrait qu’au niveau du PSN français, le débat soit relancé sur les écorégimes et que des mesures fortes de soutien soient apportées par exemple aux prairies.
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Parmi les 62 propositions nous sommes contre les mesures dites en faveur de l’emploi. Nous avons une lecture structurelle de la crise : le nombre d’agriculteurs baisse de manière dramatique, il y a aussi des difficultés majeures de recrutement des salariés sur les exploitations. On déclare l’agriculture comme un secteur sous tension, faciliter l’embauche des étrangers et renforcer les exonérations de charges. Mais il y a un truc qui ne colle pas parce qu’ainsi on affaiblit la protection du travail.
On ne veut pas d’exonération de charges, on veut de vrais facteurs d’attractivité pour les jeunes
L’Etat dit qu’il va compenser les exonérations de charges mais notre protection sociale reste scandaleusement faible. La perspective d’une blessure en tant qu’agriculteur c’est le stress permanent. Le niveau des indemnités maladies est inadmissible ! On ne veut pas d’exonération de charges, on veut de vrais facteurs d’attractivité pour les jeunes. Simplifier ne veut pas dire raboter.
Est-ce que la proposition de loi écologiste adoptée par l’Assemblée nationale en faveur d’un revenu minimum de deux fois le Smic pour les agriculteurs vous satisfait ? Demandez-vous des prix planchers ?
Tout ce qui fait vivre le sujet du revenu agricole à l’Assemblée nationale comme ailleurs est une très bonne nouvelle. C’est un bon signal, même si ce n’est pas le projet que l’on proposait. Ce que l’on demande c’est un prix minimum, pas un prix plafond, basé sur les charges et les coûts de production.
Nous on propose un prix minimum, une base et le surplus va se chercher dans la négociation et la valorisation
En fait les deux Smic tombent assez près des coûts de production de l’élevage. Nous on propose un prix minimum, une base et le surplus va se chercher dans la négociation et la valorisation, avec interdiction d’acheter en dessous de ce prix.
C’est assez rare pour être souligné, vous avez signé un communiqué commun avec la Coordination rurale et le Modef pour réclamer des prix agricoles rémunérateurs, une sorte d’union sacrée contre la FNSEA ?
Cette lettre ne tombe pas du ciel. Nous avions lancé une tribune en février en appelant tous les syndicats (y compris la FNSEA) à se regrouper autour de la question du revenu agricole et de la lutte contre les accords de libre-échange. On savait que le gouvernement préparait une autre sorte d’annonce. On a eu des réponses officieuses de deux syndicats et des signaux de certaines branches de la FNSEA. On a relancé le sujet.
Cette union est une exception sur des sujets extrêmement précis
Cette union est une exception sur des sujets extrêmement précis sur lesquels nous pensons que les clivages doivent être dépassés. On avait aussi proposé à la FNSEA un texte transversal sur la viande in vitro, qu’elle n’a pas signé.
Votre syndicat est plus que réservé sur la question des retenues d’eau. Face au changement climatique et après une année aussi pluvieuse que 2024 (en dehors des Pyrénées orientales) n’estimez-vous pas que le stockage de l’eau en hiver puisse dans certaines régions être une solution pour l’agriculture ?
Le stockage de l’eau, nous ne sommes pas contre dans l’absolu. En revanche nous sommes contre l’accaparement de l’eau entre les mains de quelques-uns. Nous sommes dans une tendance à la raréfaction de l’eau, il faut peser sur la question du partage de l’eau. Nous ne sommes pas contre l’irrigation et le stockage dans des retenues collinaires mais contre les mégabassines et la technique qui consister à aller puiser dans les nappes phréatiques. Le projet des 15 bassines dans la Vienne, en Charente et dans les Deux-Sèvres a été retoqué parce qu’il n’y avait pas de principe de substitution aux volumes prélevés dans le milieu.
Nous allons rester impliqués contre les mégabassines car c’est une lutte paysanne
Sur ce sujet, la Confédération paysanne est mobilisée depuis 15 ans, c’est une lutte paysanne pour le partage de l’eau à laquelle d’autres acteurs se sont greffés comme le collectif Bassines non merci, ou les Soulèvements de la Terre avec des modes d’action différents. Nous allons rester impliqués contre les mégabassines car c’est une lutte paysanne.
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