Anne Mottet, femme de Thomas Pesquet, défend le plancher des vaches
Chargée de la politique d’élevage à la FAO, l’ingénieure agronome et docteur en agro-écosystème Anne Mottet démontre brillamment comment des systèmes d’élevage durable peuvent contribuer positivement à lutter contre la faim dans le monde.
Chargée de la politique d’élevage à la FAO, l’ingénieure agronome et docteur en agro-écosystème Anne Mottet démontre brillamment comment des systèmes d’élevage durable peuvent contribuer positivement à lutter contre la faim dans le monde.
Oui, l’élevage peut encore se développer à travers des systèmes plus durables et représente un enjeu majeur pour lutter contre la faim dans le monde. Et c’est Anne Mottet, chargée de la politique d’élevage à la FAO, qui le dit. Pendant que son mari gravite autour de la terre, la tête dans les étoiles, la femme de Thomas Pesquet défend le plancher des vaches depuis Rome. Hier, elle intervenait lors d’un wébinaire organisé par l’association française de zootechnie sur le thème « élevage et objectifs de développement durable, enjeux et opportunités ».
« Qu’est-ce qui contribue davantage aux émissions de gaz à effet de serre ? A- Manger 2 steaks par semaine pendant toute une année ou B - un aller-retour Paris-New-York en avion ? » « Combien de kg de céréales faut-il pour produire 1 kg de viande en moyenne ? 3 kg, 6 kg ou 13 kg ? ». Ainsi l’ingénieure agronome et docteure en agro-écosystème a débuté son exposé par un petit quiz. Réponses : B pour la première question et 3 kg pour la deuxième. De quoi d’entrée de jeu apporter aux professionnels de l’élevage quelques billes pour battre en brèche les idées reçues.
Le monde va avoir besoin de plus de tous les aliments
« Quels que soient les scénarios d’ici à 2050, le monde va avoir besoin de plus de tous les aliments. Si l’on reste dans le schéma actuel il y aura 600 millions de personnes souffrant de la faim en 2030 c’est inacceptable », démontre-t-elle, s’inquiétant de la remontée de la faim dans le monde depuis 2019. Or face à cette situation la viande a un rôle à jouer. La part de légumineuses et produits carnés reste faible dans les pays à bas revenus et des études (dont celle d’Adesogan et al en 2019) montrent que les retards de croissance dans ces pays sont inversement corrélés avec la consommation annuelle de viande.
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Selon Anne Mottet si on rapporte la quantité de protéines de matière sèche comestible par l’homme ingérée par les animaux par rapport à la quantité de protéines fournies par la viande de ruminants, la viande de ruminant présente une contribution nette positive, avec un taux d’efficience de 0,6 contre 2 pour les monogastriques. « Un taux d’efficience qui est encore meilleur pour les élevages sur pâturage », explique-t-elle. Si l’on réduit le gaspillage alimentaire et que l’on tire le meilleur parti des ressources végétales non comestibles par l’homme, l’élevage peut ainsi avoir une contribution majeure à la sécurité alimentaire, selon l’experte de la FAO.
Deux tiers des surfaces qui sont des prairies ne peuvent pas être utilisées pour faire des céréales
En soutenant davantage la participation des petits producteurs à la croissance, l’élevage peut par ailleurs contribuer à la réduction de la pauvreté dans le monde et à la création d’emploi. Mais gare à la question de la santé animale, très reliée à la santé humaine, « il ne faut pas se reposer sur nos lauriers », prévient Anne Mottet, qui rapporte que « si aucune mesure n’est prise, d’ici à 2050, l’antibiorésistance pourrait causer 10 millions de vies par an et 10 milliards de dollars de production économique perdue ».
Quid de la question de l’utilisation des terres pour la production fourragère et les aliments du bétail qui se ferait au détriment des productions végétales destinées à la consommation humaine, selon les détracteurs de la viande ? « Deux tiers des surfaces qui sont des prairies ne peuvent pas être utilisées pour faire des céréales, c’est important ! », rappelle-t-elle, soulignant au passage qu’une prairie raisonnablement pâturée permet de maintenir de la biodiversité.
Beaucoup de moyens d’actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre
Reste l’épineux problème de l’émission de gaz à effet de serre. « Les émissions directes de l’élevage représentent environ la moitié des émissions des filières d’élevage », rappelle-t-elle, soulignant qu’il existe beaucoup de moyens d’actions sur la production de fourrage, l’alimentation animale en générale et la gestion des effluents pour réduire cet impact. Ainsi selon les régions du monde, les émissions de gaz à effet de serre liés à l’élevage pourraient être réduites de 10 à 41%, selon ses modèles. Par ailleurs la question des émissions de gaz à effet de serre par l’élevage mérite d’être réévaluée par rapport à sa densité nutritive, estime-t-elle. Sans parler des possibilités d’accumuler du carbone dans les sols grâce au pâturage régénératif.
Il faut faire évoluer les indicateurs au niveau du Giec
S’il y a encore des progrès à faire (la surconsommation existe, l’impact environnemental peut être réduit, le bien-être animal peut être mieux pris en compte) l'élevage ne mérite pas autant de controverses, selon la spécialiste de la FAO qui pointe par ailleurs le danger que les investissements se tournent aujourd’hui davantage vers des alternatives. L’enjeu pour les filières d’élevage réside dans la capacité à mieux communiquer en fournissant des informations fiables et non biaisées. « Il faut faire évoluer les indicateurs au niveau du Giec », estime-t-elle par ailleurs.
« Un sous-comité élevage vient d’être créé au sein de la FAO, son premier chantier débouchera début 2022 sur la publication d’un rapport sur la contribution de l’élevage à des régimes sains et durables », annonce Anne Mottet.