Aller au contenu principal

" Réagissons face aux attaques contre l'élevage "

Jean-Louis Peyraud, chercheur à l'Inra, s'attaque aux discours simplistes qui exhortent à réduire notre consommation de viande pour agir en faveur du climat.

Jean-Louis Peyraud, chercheur à l'Inra. " Si la diminution de la production conduit à des retournements de prairies, le bilan carbone sera dégradé. "
© V. Bargain - Archive
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont-elles aussi élevées pour l'élevage que pour les transports ?
Jean-Louis Peyraud - " L'idée se répand que baisser sa consommation de viande a un impact bénéfique sur l'environnement, et plus particulièrement sur les émissions de gaz à effet de serre, comme l'appel au lundi vert sans viande ni poisson. Mais il y a d'autres secteurs d'activité qui ont des impacts plus lourds sur l'environnement : les transports, l'habillement ou le secteur de l'énergie. Ces discours reposent sur des chiffres qui ne peuvent se comparer et sur des raisonnements trompeurs.

On peut comparer les émissions directes de l'élevage (7 à 9 % des émissions françaises, 7 à 8 % au niveau mondial) et les émissions directes des transports (14 % des émissions mondiales). Mais quand la FAO chiffre l'élevage à 14,5 % des émissions mondiales, il s'agit d'émissions qui tiennent compte des changements d'utilisation des terres. Par exemple, quand on utilise du tourteau de soja qui provoque de la déforestation au Brésil, cela impacte les émissions indirectes de l'élevage. Or, on ne connaît pas ce chiffre pour les transports. Il est faux de comparer le chiffre de la FAO aux émissions directes des transports. Il faudrait inclure les émissions liées à la production des carburants. Par contre, l’élevage doit faire des efforts pour réduire ses émissions, faute de quoi sa contribution aux émissions totales s’accroîtrait fortement, dans l’hypothèse où les autres secteurs économiques s’engageraient dans la transition énergétique. "

Est-ce que réduire notre consommation peut réduire les émissions de GES ?
J.-L. P. - " La baisse de consommation de viande s'accompagnera d'une baisse des émissions de GES. Elle peut avoir aussi un impact positif sur les ressources en eau, si elle se fait en faveur d'un modèle d'élevage plus durable.

Toutefois, il convient de rappeler que l'Union européenne pèse environ 15 % de la consommation mondiale de viande, alors que la Chine et l'Asie du Sud-Est représentent environ déjà 45 % et que leur consommation de viande par habitant augmente ; les enjeux sont là ! Notre mode de consommation riche en viandes ne doit pas se répandre chez eux, si on veut que les émissions mondiales de l'élevage n'explosent pas. L’Europe peut donner l’exemple en réduisant sa consommation de produits carnés.

Il y a des bénéfices à réduire notre consommation de viande. Les Européens y ont intérêt pour des raisons de santé, notamment les plus gros mangeurs de viande (20 % de la population), pour mieux équilibrer leur alimentation avec plus de produits végétaux ; mais pas des produits ultratransformés. "

En quoi le discours est-il simpliste ? Y a-t-il un risque à trop réduire l'élevage ?
J.-L. P. - " Il y a un risque. L'Inra, dans un article publié sur son site internet, rappelle les contributions positives de l'élevage, et sa place dans des écosystèmes équilibrés. Certains types d'élevages, conduits de façon agroécologique, apportent des services environnementaux : ils utilisent des surfaces en prairies impropres à la culture (environ deux tiers de la surface agricole mondiale ne sont pas exploitables pour des cultures) et favorables à la biodiversité, au stockage du carbone et à la filtration de l'eau. D'autres types d'élevages permettent de valoriser des coproduits et sous-produits des filières végétales. Enfin, les animaux fournissent des effluents pour la fertilisation des sols, et pour l'énergie renouvelable. L’utilisation de ces effluents doit néanmoins être améliorée pour réduire les émissions. "
Comment la filière peut-elle réagir sans se faire taxer de lobbyisme ?

J.-L. P. - " Elle peut quand même rappeler les arguments scientifiques et les efforts réalisés par les acteurs des filières d'élevage. Il faut aussi faire attention à ne pas dégrader ce qui fait la force de l'élevage français vis-à-vis de ces attaques, c'est-à-dire l'élevage familial à taille humaine, avec des vaches à l'herbe, qui consomment des fourrages locaux, dans un paysage bocager. Malheureusement, la tendance est plutôt à réduire la part du pâturage dans les troupeaux laitiers. Ce n’est souhaitable ni d’un point de vue écologique, ni du point de vue de la valeur nutritionnelle des produits laitiers. "

Les plus lus

<em class="placeholder">Nathalie et Michel Daguer, éleveurs en Mayenne avec leurs vaches</em>
Pâturage hivernal : « Nous ne voyons que des bénéfices dans notre élevage en bio et en monotraite en Mayenne »

Le Gaec du Ballon en Mayenne, en bio et en monotraite, profite de conditions pédoclimatiques privilégiées pour pâturer en…

<em class="placeholder">Daniel Rondeau (à gauche) est beaucoup plus serein depuis qu’il s’est réassocié avec Amaury Bourgeois et Raymond Papin (absent sur la photo). </em>
« Je me suis réassocié avec deux voisins, après avoir délégué l'alimentation et les cultures en Vendée »

Le Gaec Les 3 B, en Vendée, s’est constitué le 1er avril 2024. Daniel Rondeau s’est de nouveau associé, après…

<em class="placeholder">guillaume rivet, éleveur dans les deux-sèvres</em>
Organisation du travail : « Nous avons robotisé la traite pour anticiper le départ à la retraite de mon père dans les Deux-Sèvres »

Le Gaec Privalait, dans les Deux-Sèvres, tourne entre mère et fils depuis bientôt deux ans. La robotisation de la traite, en…

<em class="placeholder">« L’herbe pâturée est la plus économique car, plus il y a de stock, plus les charges de mécanisation augmentent », soulignent Sébastien Le Goff et Julie Sylvestre.</em>
Diagnostic de système fourrager : « Nous avons prouvé la résilience de notre élevage face aux aléas climatiques dans le sud du Morbihan »

Au Gaec de Coët Cado, dans le Morbihan, pour s’assurer de la résilience de leur système fourrager aux aléas, les associés ont…

Carte de la zone régulée FCO3, en date du 19 décembre 2024.
FCO 3 : fin décembre, la maladie continue de progresser

À date de jeudi 19 décembre 2024, le ministère de l'Agriculture annonce 8 846 cas de fièvre catarrhale ovine sérotype 3.…

<em class="placeholder">Brice Minot, Vincent Colas et Cyrille Minot, trois des quatre associés du Gaec des forges, en Côte-d&#039;Or</em>
Élevage laitier : « Nous cherchons de la productivité et de l’autonomie pour rentabiliser nos installations en Côte-d’Or »

Au Gaec des forges, en Côte-d’Or, les associés ont robotisé pour mieux organiser le travail. La recherche d’un bon prix du…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière