Vinification : refroidir les moûts sans énergie avec l’échangeur Vinifresh
Cela paraît trop beau pour être vrai. L’échangeur Vinifresh, de Moebius Technologies, baisserait de quelques degrés la température des moûts sans utiliser d’énergie électrique ou fossile. Le CIVC l’a testé avec succès.
Cela paraît trop beau pour être vrai. L’échangeur Vinifresh, de Moebius Technologies, baisserait de quelques degrés la température des moûts sans utiliser d’énergie électrique ou fossile. Le CIVC l’a testé avec succès.
Pouvoir descendre la température d’un moût sans utiliser d’énergie électrique ou fossile paraît onirique. C’est pourtant bien ce que permet le nouvel échangeur Vinifresh de Moebius Technologies présenté lors du dernier salon Viteff. Pour obtenir ce résultat, la firme se base sur la capacité d’un matériau à changement de phase (MCP) à stocker ou libérer de la chaleur lors de son changement d’état. Le choix de Moebius Technologies s’est porté sur la glycérine, résidu d’une bioraffinerie de colza près de Reims. « Cela permet d’éliminer tout risque pour l’opérateur s’il se trouve en contact avec le produit, assure François Berthoumieux, chef de projet ingénierie au CIVC ayant testé la machine. Cela a par ailleurs l’avantage d’être biosourcé et produit localement. »
Une diminution de 2 à 5 °C selon le bouclage
Les résultats en termes d’abaissement de la température sont là, comme en témoigne François Berthoumieux. « Selon le bouclage, le Vinifresh permet de descendre la température du moût de 2 à 5 °C, rapporte-t-il. Sur les essais effectués en circuit non optimisé avec de l’eau, en passant une seule fois, on a abaissé 15 hl de 2,5 °C. » Le spécialiste souligne en outre que cela permet de diminuer la température très tôt dans le process. « Grâce à cela, on amorce la diminution de température sur les moûts le plus tôt possible, sans énergie électrique, témoigne-t-il. Le relais doit ensuite être pris en cuverie avec une thermorégulation classique. Mais ce sont ces premiers degrés qui coûtent le plus cher énergétiquement parlant. »
La glycérine se recharge en étant dans un environnement frais, à moins de 18 °C, et à 15 °C dans l’idéal. « Si la cuverie est à 15 °C, cela limite la perte de chaleur de la glycérine, indique François Berthoumieux. Mais sinon, il est possible d’utiliser l’eau employée pour le rinçage de la cuverie. Elle est généralement autour de 12-14 °C. Par un système de by-pass, on fait passer le circuit de nettoyage du chai par le Vinifresh, ce qui permet de faire descendre la glycérine en température. » Autre solution, sortir l’échangeur en fin de journée pour bénéficier du refroidissement nocturne.
Faibles nuisances sonores et garantie de cinquante ans
Le système étant passif, les nuisances sonores sont très faibles. « Selon les installations, il y a une boucle avec une petite pompe pour faire passer le moût dans l’échangeur, décrit le chef de projet. Mais elle fait très peu de bruit. » Autre atout, l’échangeur Vinifresh se nettoie comme un échangeur classique. Et aucune panne ne peut survenir, puisqu’il n’y a aucune partie mécanique ou électronique. Moebius met en outre en avant une absence d’entretien et de maintenance, ainsi qu’une garantie de cinquante ans.
En revanche, cet appareil est encombrant, surtout comparé à un drapeau ou à une ceinture de thermorégulation. À titre d’exemple, pour un pressoir de 4 000 kg, le Vinifresh doit faire 1 m de haut sur 1,50 m de long et 80 cm de large. « Il faut arriver à trouver de la place alors qu’elle est toujours comptée, concède François Berthoumieux. Et c’est un point de vigilance supplémentaire au chai. On rajoute un matériel et un process là où il n’y avait rien avant. L’organisation est différente. Mais il faut que cela soit logique pour les opérateurs que la contrepartie de cette efficacité énergétique est l’entretien d’un matériel en plus. »
Selon Moebius Technologies, cet équipement, commercialisé aux alentours de 50 000 euros, peut bénéficier d’une subvention de 35 % de FranceAgriMer. Il peut aussi être loué, au tarif de 750 à 1 000 euros par jour sur quinze jours. Cette année, deux ou trois gros centres de pressurage champenois devraient tester l’appareil en grandeur nature. Bilan à la fin des vendanges.
Les MCP, quèsaco ?
Un MCP, pour matériau à changement de phase, stocke ou libère de la chaleur lors de son changement d’état, à température constante.
Dans le cas de l’eau, le changement d’état de solide à liquide à 0 °C génère 333 kJ/kg eau. De son côté, la glycérine employée par Moebius Technologies a une température de fusion de 17,9 °C et une chaleur latente de 198,7 kJ/kg. Ce qui permet de travailler à des températures adaptées à la cave.