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Croiser les bras des vignes en cordon de Royat : avantages et inconvénients

Le cordon de Royat double avec les bras croisés est parfois mis en avant pour le respect des flux de sève. Il s’agit néanmoins d’un mode de conduite qui demande davantage de soin et de travail.

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Croiser les deux cordons demande de faire partir les baguettes un peu plus bas et de réaliser une belle arcure.
© F. Dal

Si le cordon de Royat est bien connu depuis la fin du XIXe siècle, l’une de ses variantes l’est beaucoup moins : celle avec les bras qui se croisent. Le principe est simple : lors de la formation du cep, au lieu de créer le cordon de droite avec le sarment qui a poussé à droite, on plie la baguette vers la gauche. Et inversement pour l’autre côté. Certains conseillers plébiscitent ce mode de conduite aujourd’hui dans le cadre d’une logique de respect des flux de sève. C’est notamment le cas de François Dal, conseiller viticole au Sicavac de Sancerre, qui a remis au goût du jour les principes de la taille Poussard il y a une quinzaine d’années. « J’apprécie cette technique, concède-t-il. Elle a quelques inconvénients mais surtout de beaux avantages. » L’atout majeur, selon lui, réside dans le fait que les flux de sève sont généralement disposés vers l’extérieur du cep, et qu’en croisant les bras, les coursons ont plus de chance d’être formés sur un bon flux (voir schéma ci-dessous).

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Graphique : Les flux de sèves sont généralement situés vers l'extérieur du cep. En croisant les bras, la partie extérieure se retrouve sur le dessus, là où prendront naissance les coursons. © Source : François Dal

Le second avantage est que, contrairement à un cordon bilatéral ordinaire, il n’y a pas de fenêtre sans végétation au centre de la souche. « Quand on croise les bras, on peut gérer l’écartement des coursons du milieu au centimètre près », indique François Dal. Et ainsi répartir la charge de la façon la plus uniforme possible.

Des coursons intermédiaires qui gagnent en longévité

Ce sont justement ces deux arguments qui ont convaincu Jacques Bilhac, vigneron à Peret, dans l’Hérault, il y a déjà presque trente ans. « J’ai suivi une formation avec la chambre d’agriculture en 1995, où ce mode de conduite a été abordé, se souvient-il. Il était question de l’exposition du feuillage, comme quoi cela évite d’avoir un creux causé par la forme en V des deux bras, mais aussi des flux de sève. » Justement, le tout jeune vigneron venait de délaisser, quelques années auparavant, le gobelet plébiscité par son père pour un traditionnel cordon de Royat. Et il observait des problèmes sur les bras, avec la sève qui allait tout au bout et des baisses de vigueur sur les premiers coursons.

Lorsqu’il a commencé à croiser les bras et à couper moins ras, les résultats ont été convaincants. « Déjà, le cordon était beaucoup plus plat, donc le travail à la prétailleuse était bien meilleur », relate le vigneron. Mais surtout, il gardait tous ses coursons. Au fil du temps, ses tout premiers cordons perdaient des coursons intermédiaires, là où les vignes aux bras croisés ne posaient aucun problème. « J’ai donc poursuivi toute ma carrière, et je ne reviendrai pas à un cordon classique », assure-t-il. Pour le reste, il ne constate pas de différence notable. Les rendements sont par exemple identiques. « De ce que j’observe, complète François Dal, la vitalité est similaire entre un cordon en V ou en Ω. Cela joue davantage sur la longévité de la vigne et le renouvellement des chandelles. Si un bourgeon est dans le bon flux, on a plus de chance d’en refaire un courson. »

En revanche, Jacques Bilhac prévient : l’établissement d’un cordon avec les bras croisés est long. C’est même là son principal inconvénient. « Pour chaque côté je prends le sarment, je le courbe délicatement sans le casser et je l’attache, décrit-il. Il faut une arcure bien arrondie ; si l’on plie en angle droit, on casse le courant de sève. » Cette configuration nécessite également de gérer la zone du croisement des bras pour éviter l’entassement de végétation l’année suivant l’attachage des baguettes. Certains passent au printemps pour ébourgeonner et d’autres éborgnent lors du pliage, mais cela représente irrémédiablement du temps en plus. « Je pense que de la sorte, l’établissement du cep est deux à trois fois plus long », estime Jacques Bilhac. Facteur qui en a découragé plus d’un. Comme Valentin Premmereur, vigneron à Rognes, dans les Bouches-du-Rhône. À la suite d’une formation sur la taille où la technique lui a été présentée, il s’est lancé sur plusieurs plantiers il y a une petite dizaine d’années.

Les bras mal formés peuvent perturber le travail du sol

« En théorie, c’est vraiment génial, témoigne-t-il. Mais dans la pratique c’est compliqué. C’est lent, les équipes ont du mal à le faire correctement et c’est pire encore avec les prestataires. Il faut un sarment ni trop haut ni trop bas, avec le bon angle, sans compter le temps qu’on passe à l’ébourgeonnage derrière. J’ai arrêté. » Souvent, il a dû repasser lui-même derrière les ouvriers. Car un bras qui part trop bas peut déclencher le tâteur des interceps et gêner le travail du sol. De même, il redoute que les bras qui grossissent côte à côte ne finissent par donner une épaisseur peu favorable à la mécanisation. Du côté des bénéfices, il a du mal à les constater encore, les vignes étant jeunes. « Aussi je préfère me concentrer sur la taille douce », conclut-il.

En Saône-et-Loire, Joseph Bouchard fait face aux mêmes pénibilités, mais reste convaincu du bien-fondé de la démarche. « Il faut dire que sur le terrain, on fait bien comme on peut. Tous les ceps ne s’y prêtent pas forcément, mais j’essaie dès que possible, rapporte-t-il. J’ai l’impression que les vignes conduites ainsi se comportent mieux. » Peut-être a-t-il trouvé la solution en allant dans le compromis : croiser les bras quand la configuration du cep s’y prête et prendre cela comme une cerise sur le gâteau. Quoi qu’il en soit, le geste va de pair avec une vision plutôt haute couture de la viticulture.

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