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Un vin rouge fait (presque) comme un blanc

Un domaine alsacien propose une cuvée de pinot noir élaborée à partir d’un blanc de noir repassé sur des marcs de rouges concentrés. Cette technique de vinification confère au vin fruité et fraîcheur.

Le moût blanc de noir macère pendant une dizaine de jours sur des marcs rouges issus de vinifications classiques servant à élaborer des cuvées structurées.   © Domaine Zusslin
Le moût blanc de noir macère pendant une dizaine de jours sur des marcs rouges issus de vinifications classiques servant à élaborer des cuvées structurées.
© Domaine Zusslin

À Orschwihr, en Alsace, le domaine Valentin Zusslin élabore plusieurs cuvées de pinot noir de garde. Mais il souhaitait ajouter à sa gamme un rouge d’un style plus fruité. « L’objectif était d’élaborer un pinot noir sur le fruit, avec de la fraîcheur et sans trop d’extraction. J’ai eu l’idée de presser directement les baies », explique tout simplement Jean-Paul Zusslin, à la tête du domaine avec sa sœur Marie. Aussitôt réfléchi, aussitôt fait : l’idée s’est traduite depuis 2016 par une cuvée particulière de 60 hl baptisée Ophrys.

La vendange provient de parcelles de pinot noir dédiées à l’élaboration de ses cuvées de rouges plus structurés (Bollenberg). La totalité des parcelles de rouge est récoltée en même temps. La vendange subit alors un tri rigoureux sur table, avant et après éraflage. Cette étape est également l’occasion d’effectuer une sélection des baies primordiale dans le processus de vinification. « Les baies les plus mûres vont dans les cuvées plus structurées, les moins mûres, plus sur le fruit, vont dans la cuvée Ophrys ». Ces dernières se retrouvent de suite dans le pressoir du domaine pour un long pressurage à basse pression. On obtient alors un jus blanc de noir qui, après débourbage, entamera une fermentation lente en cuve inox, « à 18-20 °C pour garder la fraîcheur des arômes ».

Lire aussi " Les macérations longues gagnent les blancs"

Un degré et un pH plus bas

Voilà pour la partie blanc de noir. Parallèlement se déroule la vinification classique des autres cuvées rouges. Les baies parfaitement triées sont envoyées en cuves bois tronconiques pour une cuvaison à 20-25 °C. « L’extraction consiste en deux pigeages quotidiens au départ puis des remontages. On écoule après trois semaines environ. » Mais là où habituellement tout vinificateur décuve et presse les marcs, le vigneron alsacien les conserve en fond de cuve et ajoute le blanc de noir encore en fin de fermentation. « On compte environ un quart de marc pour trois quarts de moût. » L’extraction se poursuit « sur une dizaine de jours, à raison d’un pigeage par jour environ, selon le millésime ». Au décuvage, le vin de goutte arbore une couleur « un peu légère mais plus teintée que celle d’un rosé ». Les tanins sont jugés suffisamment « structurants ». Le vin va ensuite subir une malo et un élevage de 12 à 18 mois en cuve bois tronconique, « pour apporter un côté gras, généreux ». Le fruité domine, aidé par une vinification sans sulfites ajoutés. Au niveau analytique la cuvée Ophrys présente un degré inférieur de trois dixièmes par rapport à la cuvée traditionnelle et un pH inférieur d’un dixième.

Jean-Paul Zusslin estime son pari réussi et n’a pas de mal à commercialiser sa cuvée, même à 25 euros. « Il y a une forte demande pour ces vins gourmands et peu extraits », observe le vigneron.

Hyperoxygénation et pied de cuve maison

Le moût blanc de noir, comme tous les autres moûts blancs du domaine, subit un double débourbage. « Le premier élimine les plus grosses bourbes. Ensuite, pendant le transfert du moût, on procède à une hyperoxygénation », explique Jean-Paul Zusslin. L’oxygène est apporté grâce à une tige frittée sur la vanne de cuve, qui aspire de l’air. Le dosage se fait à l’expérience : « plus ou moins en fonction de la dureté des moûts. » Les polyphénols s’oxydent et restent en fond de cuve lors du deuxième débourbage. La méthode permet d’ajouter moins de soufre par la suite.

Autre astuce du domaine, les fermentations sont lancées par ajout d’un « pied de cuve maison », élaboré à partir de jus de l’année et de lies de vin du millésime précédent, un riesling sec de pH bas. « Les lies gardent les bonnes levures de la maison », justifie le vigneron.

 

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