Toujours plus loin sur les arômes du vin
Le congrès « Wine aromatic compounds », organisé à Beaune, a réuni de nombreux chercheurs internationaux. L’occasion de présenter les dernières avancées sur la compréhension et la maîtrise des arômes du vin. En voici une sélection.
Le congrès « Wine aromatic compounds », organisé à Beaune, a réuni de nombreux chercheurs internationaux. L’occasion de présenter les dernières avancées sur la compréhension et la maîtrise des arômes du vin. En voici une sélection.
Et si, demain, une méthode simple permettait d’anticiper le potentiel de vieillissement des vins ? C’est ce qui vous attend grâce aux travaux réalisés par AgroSup Dijon et l’Institut de la vigne et du vin Jules Guyot. Pour arriver à un tel résultat, les chercheurs s’appuient sur la méthode DPPH (2,2-Diphenyl-1-Picrylhydrazyl). Autrement dit, ils étudient la capacité des composés du vin à piéger des radicaux DPPH, qui traduit leur pouvoir antioxydant. Cette méthodologie est souvent employée pour les polyphénols mais les chimistes l’ont transposée à d’autres éléments tels que la cystéine, le glutathion ou le methanethiol. Pour le moment, le travail se fait sur solutions modèles. « Mais nous allons démarrer les essais sur vins, précise Rémy Romaret, qui réalise une thèse sur le sujet. L’objectif est d’analyser toute une série de vins plus ou moins âgés et plus ou moins oxydés pour construire une base de données. » Ces références serviront ensuite de support pour estimer le potentiel de vieillissement d’un vin donné. Côté pratique, ce type d’analyse est court et devrait permettre d’obtenir des résultats dans la journée. En prime, il nécessite peu de matériel et devrait donc sortir à un tarif raisonnable pour les vinificateurs.
Outre la chauffe et la durée d’élevage, la durée de séchage des bois sur les parcs de tonnellerie influe sur la composition chimique des vins. Voici ce qui ressort de l’étude menée par l’Institut des sciences de la vigne et du vin de Bordeaux (ISVV) et la maison Radoux. Pour mener à bien leurs travaux, les chercheurs ont sélectionné différents types de bois en fonction de leur âge, de leur grain, et de leur indice polyphénolique (IP), mesuré à l’aide de la technologie Oakscan. Les lots ont ensuite séché pendant 0, 12, 18 ou 24 mois. Après quoi, les staves obtenues ont été chauffées avec une chauffe moyenne et mises en contact avec des vins de merlot pendant quatre mois. Au final, l’analyse chimique révèle peu d’impact sur les composés non volatils des vins. En revanche, des différences significatives apparaissent sur les teneurs en molécules volatiles. Ainsi, la présence d’aldéhydes furaniques (arômes grillés, torréfiés) est plus importante dans le cas d’un élevage avec des bois maturés pendant 24 mois. À l’inverse, les phénols volatils (odeurs animales, épicées) et les aldéhydes phénols (notes vanillées) ressortent davantage en présence de bois plus jeunes, avec une durée de séchage comprise en 12 et 18 mois. À l’analyse sensorielle, des écarts de perception se font sentir. Sur un bois à grain moyen et à IP moyen, la modalité 12 mois est jugée plus toastée et plus fumée. Alors que sur un bois à grain fin et à IP haut, ces notes sont plutôt associées à la modalité 24 mois. Pour aller plus loin, les scientifiques étudient actuellement l’impact d’une durée de séchage de 36 mois. Mais l’on peut d’ores et déjà affirmer que le temps de stockage sur parc est déterminant.
Grâce à des techniques d’imagerie de pointe, fonctionnant à 150 000 images par seconde, Gérard Liger-Belair a fait voyager l’auditoire au cœur d’une bulle de champagne. Ou plus précisément, au cœur de l’aérosol, ce jet formé par la projection de fines gouttes au-dessus du verre, au moment où les bulles viennent éclater en surface. « Cela fonctionne comme un brumisateur de parfum », explique-t-il. Au fur et à mesure de leur projection, ces gouttelettes s’évaporent, jouant ainsi un rôle clé dans la perception des arômes du vin par les dégustateurs. Car, comme le souligne l’œnologue, « les 200 premières bulles projetées représentent, à elles seules, une évaporation dix fois supérieure à celle qui s’opère à la surface du liquide. » Reste à comprendre quels sont les leviers qui permettent d’optimiser cet aérosol. Le chercheur en a identifié deux principaux : la taille initiale des bulles et la viscosité du vin. Sans surprise, plus les bulles présentes dans le verre sont fines, et plus le jet projeté sera rapide. Contre toute attente en revanche, le jet sera d’autant plus fin et rapide que la viscosité du liquide est importante. Or, comme Gérard Liger-Belair le souligne, « une gouttelette de 1,5 mm de diamètre s’évaporera de manière beaucoup plus efficace que celle présentant un diamètre de 0,5 mm. »
De son côté, l’équipe d’Alex Marchal, à l’ISVV de Bordeaux, s’est penchée sur la caractérisation des notes de noisette dans les vins de chardonnay. Au cours des travaux, cinq molécules de la famille des pyrroles ont été identifiées. Seul bémol, le seuil de détection de ces composés se révèle supérieur aux concentrations moyennes retrouvées dans les vins. Les scientifiques ont donc poussé les recherches plus loin. Il s’avère que la structure chimique des pyrroles n’est pas sans rappeler celle du furfural. Une molécule capable de produire des dérivés odorants au cours de l’élevage sur lies. Suivant cette piste, les œnologues ont mis en lumière la présence de composés thiolés, dérivant des pyrroles. Il s’agit du methylpyrrole-2-methanethiol et de l’ethylpyrrole-2-methanethiole. Ces molécules ont des seuils de détection respectifs de 0,7 et 1,4 ng/l. « Ce qui les classe parmi les composés les plus odorants que l’on retrouve aujourd’hui dans le vin », commente Marine Gammacurta, de l’ISVV. Des résultats plus qu’encourageants. Mais il reste encore du travail pour doser ces éléments dans le vin et identifier les facteurs œnologiques susceptibles de les favoriser.
L’impact du calendrier lunaire sur la dégustation des vins est au cœur de nombreux débats. En réalité, il n’y a tout simplement aucun lien selon Dominique Valentin, chercheuse à AgroSup Dijon. Pour aboutir à cette conclusion, la scientifique a travaillé avec des confrères néo-zélandais. Ensemble, ils ont soumis 19 professionnels à la dégustation de 12 pinots noirs venus de Nouvelle-Zélande et produits en bio, en biodynamie ou de manière conventionnelle. Les tests se sont déroulés en jour racine et en jour fruit. Pour ne pas biaiser les conclusions, ni le jury, ni l’analyste en charge de compiler les données n’étaient au courant du but de l’étude. En théorie, les vins sont censés être plus amers et plus astringents en jour racine. À l’inverse, ils devraient être beaucoup plus expressifs en jour fruit. « Mais en réalité, nous n’avons eu aucun effet », assure Dominique Valentin.
L’importance de l’étiquette
Les sensations perçues par les dégustateurs sont aussi dues à l’étiquette. C’est en tout cas ce qui ressort de l’étude menée par Ronan Symoneaux, de l’ESA d’Angers, sur la perception des vins sans sulfites. Celui-ci a soumis un panel de consommateurs à des dégustations de vins avec ou sans sulfites. Et le critère ne semble prendre de l’importance que dans le cas où l’absence de sulfites est clairement mentionnée sur l’étiquette. « Pour qu’il y ait un réel impact, il faut absolument accompagner le message », observe le chercheur. En ce sens, une information visible sur l’étiquette vaut davantage qu’une simple indication orale.