Financer un projet viticole par financement participatif
Face à un besoin imprévu d'équipement en cuves pour réaliser ses troisièmes vendanges, la vigneronne Laure David a opté pour un financement participatif à l’été 2019. Elle est satisfaite de la formule avec contreparties qu'elle a expérimenté mais souligne le temps important que nécessite leur gestion et distribution.
Face à un besoin imprévu d'équipement en cuves pour réaliser ses troisièmes vendanges, la vigneronne Laure David a opté pour un financement participatif à l’été 2019. Elle est satisfaite de la formule avec contreparties qu'elle a expérimenté mais souligne le temps important que nécessite leur gestion et distribution.
Alors qu’elle s’engageait dans son troisième millésime, Laura David, vigneronne sur l’appellation montlouis-sur-loire, a dû trouver un nouvel endroit pour abriter son chai. Si elle a découvert la cave de ses rêves à Lussault-sur-Loire, il fallait que ce lieu creusé dans le tuffeau soit équipé de cuves pour devenir un espace de vinification. « Cela faisait un an et demi que je vendais mes premières bouteilles. Je n’avais donc pas de trésorerie. » Le financement participatif, aussi connu par son nom anglais de crowdfunding, s’est imposé comme une solution. Durant l’été 2019, elle a donc monté un projet de financement par dons avec contreparties, avec un objectif de 6 000 euros, soit la somme qui lui était demandée pour un lot de cuves d’occasion. À la clôture du projet, le 2 août 2019, l’objectif était atteint à 120 %.
Pour monter son projet, la première étape a été de choisir une plateforme (ou site) de financement participatif. Elle a écarté les sites généralistes. Elle a ensuite regardé les projets proposés par les plateformes et repéré ceux « en adéquation » avec le sien. « Le choix de la plateforme doit se faire en cohérence avec son identité et son projet », conseille la vigneronne. Après quelques contacts, son choix s’est porté sur la plateforme Miimosa, spécialiste du financement participatif de projets agricoles et agroalimentaires.
Prendre le temps de rédiger sa proposition
Une fois sa demande acceptée, Laura David s’est lancée à fond dans la rédaction pour la mise en ligne du projet. « Nous avons longuement échangé avec Miimosa. Ils m’ont expliqué qu’il fallait bien décrire le projet et le scinder en une présentation générale du domaine, une présentation du projet et une partie précise sur le financement ». Elle a aussi rassemblé quelques visuels. « Il faut avoir des jolies photos qui donnent envie », précise Laura David. Elle a pris le temps de rédiger pour trouver les mots qui lui correspondent et « pour toucher les gens mais en restant neutre ». Elle évalue à trois jours le temps qu’elle a consacré à cette phase.
Lire aussi : Un accompagnement pour les investissements au chai
Présenter avec précision la partie sur le financement
La partie sur le financement, doit être précise et se présenter par paliers. « Il ne faut pas que les gens aient peur de mettre de l’argent en plus si on est arrivé à l’objectif. » Laura David a ainsi proposé : un premier palier à 6 000 € pour acheter ses cuves d’occasion, un second palier de 8 000 € avec en plus 1 000 € pour une pompe à vin + 1 000 € d’accessoires (raccords, tuyaux, matériel d’hygiène, reposes barriques…) et un dernier palier à 10 000 € avec 2 000 € de travaux pour mettre aux normes le réseau d’électricité et de plomberie du chai. La somme de 7 230 € collectée lui a donc permis d’atteindre une partie du second pallier.
Les contreparties méritent une réflexion approfondie
La détermination des contreparties est un point crucial. Laura David invite à bien les penser. L’aide de la plateforme est particulièrement précieuse. Il faut doser entre leur caractère incitatif, les moyens disponibles, les délais de mise à disposition… et proposer une diversité de montants pour attirer des donateurs aux moyens variés.
Laura David a proposé des niveaux de dons allant de 10 € (simple remerciement sur la page Facebook du domaine) à 400 € et plus (immersion d’une journée au domaine avec repas et nuit sur place), en passant par des contreparties de 1 à 6 bouteilles. Mais elle a été surprise de devoir acquitter de la TVA sur les dons en bouteilles (voir encadré). Expédier les bouteilles peut aussi vite représenter un budget important. La vigneronne avait mis en avant la possibilité de venir chercher les contreparties au domaine. « Cela correspond aussi à mon envie de rencontres et de contacts pour expliquer ce que je fais. Si l’on automatise les contreparties, on perd son âme. » Elle a proposé une invitation à l’inauguration du chai à tous les contributeurs à partir de 20 €.
S’investir dans la communication du projet
Pour le temps de publication, Laura David a révisé son idée initiale. Elle pensait qu’il fallait laisser du temps, pour se donner plus de chance et envisageait une durée de 3 mois. Mais Miimosa lui a justement expliqué qu’un temps plus limité pousse les personnes intéressées à se décider plus vite. Le projet est donc resté ouvert 3 semaines.
Laura David a bien compris que la communication qu’elle allait faire autour du projet était primordiale pour en assurer le succès. Elle a donc communiqué sur ses réseaux sociaux, Facebook et Instagram. Elle a aussi réalisé des flyers mis en place chez des cavistes, dans des salles de dégustation… « ça ne coûte pas cher ». Elle a complété un e-mailing et un courrier à partir de son fichier client.
Au total, 82 contributeurs ont financé son projet. Le cercle des proches, famille et amis, a été au rendez-vous. Mais il y eu aussi des clients professionnels comme des restaurateurs, des cavistes. Elle a été surprise de voir d’anciens camarades d’école renouer à cette occasion. La démarche lui a permis aussi de se faire connaître auprès de nouveaux clients.
Un projet qui vit au-delà de son terme
Une fois l’objectif atteint, le projet n’est toutefois pas terminé puisqu’il faut gérer les contreparties. En cumulant les vendanges et le déménagement de sa cave, l’automne 2019 a été extrêmement dense pour Laura David. Elle n’a pu prendre le temps de remercier ses contributeurs que 6 mois plus tard. Elle y a consacré une journée complète (rédaction du message, saisie des adresses dans le fichier…).
La gestion des contreparties prend du temps. Un an et demi plus tard, elle estime n’avoir distribué qu’un quart des contreparties. Certains contributeurs ne se sont pas encore manifestés tandis que la crise sanitaire a limité les possibilités de contacts.
En attendant, les cuves ont bien trouvé leur place et le chai continue de s’aménager. Au final, Laura David est satisfaite de ce financement participatif. Le projet a pu être monté rapidement. Il lui a permis de renforcer des contacts ou d’en nouer de nouveaux, ce qui est précieux pour un jeune domaine comme le sien. Elle conseille ce type de démarche pour financer un projet spontané. Elle n’imagine toutefois pas la répéter fréquemment même si elle fourmille de projets. Cette année, elle espère trouver le temps d’aménager un meublé de tourisme dans un bâtiment attenant à sa cave, idéalement située sur l’itinéraire de La Loire à vélo.
Témoignage : Sophie Cucheval, directrice des opérations chez Miimosa
« Les projets viticoles sont ceux qui réussissent le mieux »
« Le financement participatif existe depuis dix ans mais ça reste assez nouveau pour les porteurs de projets agricoles. Il y a deux motivations : accéder à un financement ou se faire connaître, par exemple dans le cas de projet de type diversification, vente directe ou agritourisme. Les contreparties sont à définir en fonction des objectifs.
Pour les bouteilles données en contrepartie, il y a un débat d’expert sur la TVA. Certains comptables considèrent qu’il s’agit d’échantillonnage, d’autres que c’est soumis à la TVA. On voit les deux cas.
La première raison du succès d’un projet, c’est la communication que la personne va faire elle-même. Nous ne rédigeons jamais le premier jet de présentation du projet. Il faut que ça vienne de la personne qui le porte.
Les frais de service sont de 8 % pour les dons et de 4 % pour les prêts. Nous ne les percevons que si le projet réussi. Le taux de réussite est de 80 % pour les dons et de 100 % pour les prêts participatifs. Les projets viticoles sont ceux qui réussissent le mieux avec un taux de réussite de 90 %. Ils attirent par l’image de la filière et les contreparties qui plaisent énormément.
Les dons avec contreparties financent des projets en moyenne de 5 000 à 20 000 €. Pour les prêts participatifs, on est en moyenne sur des projets à 200 000 €. »
repères
Domaine Laura David
surface : 8,5 ha
cépages : chenin, pinot noir, côt, cabernet-sauvignon, chardonnay
appellations : montlouis-sur-loire, touraine, vin de France
prix : de 11 € à 25 € prix départ cave.
distribution : export : 25 % ; cavistes, CHR, ventes directes : 75 %
certification : Agriculture biologique