La syrah face à des vagues de chaleur extrêmes
Des chercheurs australiens ont étudié les conséquences des pics de chaleur sur les baies de raisin et sur le futur vin. L’impact varie selon le stade de la vigne mais peut engendrer des problèmes sur les vins.
Les effets d’une vague de chaleur sur les raisins diffèrent selon le stade phénologique de la vigne durant lequel elle survient. Ainsi, d’après les essais menés à Charles Strut University, à Waga-Waga en Australie, par Julia Gouot sur syrah lors de sa thèse, si une vague de chaleur arrive pendant 1 à 3 jours avant véraison, la température seuil létale à la surface de la baie est de 40-43 °C. « En dessous de 40-43 °C il n’y a pas de dégâts sur les baies et très peu d’effet sur leur composition et leur taille, a détaillé la chercheuse, à présent chargée de R & D pour Vitinnov, durant la vingt-et-unième matinée des œnologues à Bordeaux. Et s’il y en avait, ces dégâts auraient disparu à la vendange. En revanche, si cette température est supérieure à 40-43 °C, le développement des baies est impacté avec des gros dégâts et des nécroses conduisant à un dessèchement total des raisins, puis à une perte irréversible à la récolte. »
La température létale supérieure en post-véraison
Ces essais, menés sous serre en conditions contrôlées et sans limite d’alimentation en eau de la vigne, ont aussi permis de simuler une vague de chaleur en post-véraison. Dans ce cas, la température seuil létale augmente à plus de 50 °C. En dessous de cette température appliquée entre 1 et 3 jours, aucun effet n’a en effet été noté, que ce soit sur le développement des baies ou sur les composés phénoliques et leur facilité d’extraction. En revanche, au-delà de cette température, de nombreux impacts ont été observés, comme des nécroses et des baisses de teneur en tannins dans les peaux et pépins. Si la vague de chaleur arrive peu de temps avant les vendanges, il reste encore quelques baies très confiturées à récolter.
Pas d’effet sur le vin en deçà de 10 % d’incorporation
L’effet potentiel sur le vin d’une telle vague de chaleur, a aussi été étudié à partir de microvinifications menées sur des raisins ayant subi une vague de chaleur à plus de 54 °C pendant deux jours, juste avant vendange. Les baies obtenues étaient donc artificiellement nécrosées, très confiturées et de couleur marron. L’essai n’a montré aucune différence entre un vin de vendange « saine » et un vin avec 10 % de baies nécrosées incorporées. En revanche, à partir d’un taux d’incorporation dans une vendange saine de 20 % de baies nécrosées, des différences significatives ont été observées : augmentation du taux d’éthanol, baisse d’acidité, effet sur la couleur avec réduction des anthocyanes et vin plus oxydé dès la fin de la vinification.
Le feuillage est le meilleur ami du vigneron
Julia Gouot a dressé une liste de moyens de lutte assez complète, issue des travaux australiens. De manière globale, là où l’irrigation est possible et autorisée, l’enjeu est de garder un statut hydrique adéquat, avec par exemple, un apport d’eau juste avant les vagues de chaleur. Au niveau des grappes, la possibilité d’avoir de l’ombrage au-dessus des vignes ou d’utiliser des produits antitranspirants de type « crème solaire » ont été cités.
Traiter le précipité de quercétine par voie enzymatique
La matinée des œnologues a également été l’occasion de faire le point sur la précipitation de quercétine. Simone Vicenzi, professeur à l’université de Padoue, en Italie, a ainsi présenté ses essais de solutions préventives. Il en ressort que le traitement enzymatique donne de bons résultats.
En effet, la quercétine, qui est un composé phénolique dont la forme glycosilée est plutôt soluble dans le raisin et le vin, se dégrade durant la fermentation en quercetine aglycone, très peu soluble et qui précipite en dépôts gris. L’approche enzymatique qui serait sans effet significatif sur la couleur des vins ouvre ainsi une voie alternative au traitement à la PVPP et serait utilisable sur les vins bio.
Pour l’heure, les effets sensoriels de la précipitation de quercétine sont encore peu documentés. Le cépage italien sangiovese est connu pour sa sensibilité au phénomène dont la survenue augmente avec le changement climatique, si bien que d’autres cépages pourraient être concernés à l’avenir.