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Des grands contenants pour le vin en vrac

Le conditionnement en fût n’est plus l’apanage des brasseurs. Inox ou plastique, voici les avantages et les inconvénients de ces contenants qui permettent aux restaurants et aux bars de servir le vin à la tireuse.

Les tireuses dans les restaurants sont équipées d’un système de réfrigération permettant de servir le vin à bonne température. Un point fort pour le conditionnement en fût qui permet ainsi d'optimiser le service au verre, en plein boom. © INTER-RHONE
Les tireuses dans les restaurants sont équipées d’un système de réfrigération permettant de servir le vin à bonne température. Un point fort pour le conditionnement en fût qui permet ainsi d'optimiser le service au verre, en plein boom.
© INTER-RHONE

C’est lors d’un stage dans une brasserie anglaise que Nathan Muller, vigneron au domaine Charles Muller & fils dans le Bas-Rhin, découvre tout l’intérêt du fût. Désormais installé au domaine familial, il a lancé en 2018 la cuvée Spretzi, un pétillant naturel composé d’un assemblage de riesling et de gewurztraminer. Il se tourne alors vers le fût en inox, dans l’objectif de tendre vers le zéro déchet. « Avec le plastique, il y a un nouveau scandale tous les quinze ans, je ne voulais pas prendre de risque. Et puis l’idée était de vendre cette cuvée en économie circulaire, chez des clients à Strasbourg. Donc le fait que ce soit consigné n’est pas un problème pour moi », rapporte-t-il.

Le fût inox davantage adapté aux effervescents

Le vigneron fait d’abord construire un fût de 300 l afin d’y réaliser la fin de sa fermentation alcoolique, selon le principe de la méthode ancestrale. « Plus le volume est grand, plus il y a de surpression, donc plus il faut d’épaisseur d’inox », prévient Nathan Muller. Il opte pour 5 mm d’épaisseur, ce qui permet de résister à 15 bars de pression. « C’est large, mais comme ça, je suis je suis tranquille. » Une fois la fermentation achevée, il transvase son vin dans des fûts de 20 l préalablement mis à la même pression que le « fût père » à l’aide de CO2. Puis, il transvase le vin en poussant au CO2 via la vanne d’entrée de gaz, ce qui fait sortir le vin directement dans la tige du fût de 20 l, selon le même principe que lors du service à la tireuse. Ce conditionnement en fût inox ne lui permet toutefois pas de vendre du vin tranquille. « On ne peut pas envoyer du CO2 dans le système pour amener le vin dans la tireuse, sinon ça le rendrait perlant. Il faudrait une pompe à piston, mais je n’ai pas trouvé de bistrots équipés », regrette-t-il.

Côté finance, le vigneron s’y retrouve largement puisque le fût de 20 l coûte 85 € HT, et peut être utilisé environ 30 fois. Cela équivaut à un coût d’emballage d’environ 0,14€/l, contre près d’1€/l lorsque le vin est embouteillé. « Je tourne avec une trentaine de fûts pour assurer le roulement chez mes clients. Et lorsque je les récupère, je les nettoie au karcher et vérifie que le joint n’est pas abîmé avant de pouvoir les réutiliser », témoigne Nathan Muller.

Des poches intérieures pour éviter les contacts entre le vin et le gaz

Les systèmes développés sur les fûts en plastique ont l’avantage de ne pas mettre en contact le gaz utilisé pour vider le fût avec le vin. Ce qui permet notamment d’utiliser de l’air comprimé et non du CO2, plus onéreux. Loïc Couailler est agent commercial pour la société Mat-in, qui revend les fûts en plastique Keykeg de la société hollandaise LightWeight Container, ainsi que les tireuses et remplisseuses associées. Il explique : « le Keg est une sorte de grosse bonbonne composée d’une double enveloppe de PET qui renferme une poche en aluminium ou en plastique totalement étanche ». Selon Philippe Cancel, directeur de la société de prestation d’enfûtage Rosé futé, la conservation des vins est de l’ordre de 6 mois avec les poches plastiques, contre un an pour les poches en aluminium. Au-delà, des défauts d’oxydation peuvent apparaître. « C’est toutefois nettement plus long qu’avec les BIB, qui ont rarement des poches d’aussi bonne qualité », estime-t-il. Lorsque le Keg est vide, de l’air entoure la poche mise sous deux bars de pression, afin de créer une contre-pression lors du remplissage. Celui-ci se fait tête vers le bas pour ne pas laisser pénétrer l’air dans la poche et éviter les microfissures. Au fur et à mesure du remplissage, la poche va se plaquer contre les parois en plastique, chassant l’air par une valve de dépression. Ainsi, il n’y a absolument aucun espace de tête. « Il n’y a pas une seconde de contact avec l’air à la fin du remplissage, comme c’est le cas avec le BIB le temps que l’on mette le robinet », explique Christian Tomasi, directeur de la société Comatech Diffusion, dans le Var, qui fabrique des remplisseuses de BIB et de Keg. Ceci explique pourquoi certains revendeurs jugent ces contenants plus sécurisés pour les vins naturels ou sans sulfites.

Fûts consignés ou jetables : tout dépend de la proximité avec le lieu de vente

« Pour tirer le vin, il suffit d’envoyer de l’air dans le fût via une valve. Il vient alors appuyer sur la poche qui se vide façon ballon de baudruche », détaille Loïc Couaillier. Un procédé qui, selon le distributeur « permet de vider entièrement le fût, ce qui n’est pas tout à fait le cas avec l’inox. » Les systèmes de réfrigération des tireuses permettent d’adapter la température de service. Une fois vide, la poche est découpée et jetée tandis que la bonbonne en plastique peut être recyclée (voir encadré). Côté budget, le prix du Keg à l’unité est nettement plus intéressant que celui du fût inox. Mais il est à usage unique. Disponibles en 3 formats (10, 20 et 30 l), les Keykegs sont vendus entre 9,90 € et 12,90 € par unité (prix départ usine hollandaise). À cela s’ajoute la tête de tirage vendue 39,50 € HT par la société Mat-in.

Reposant sur le même principe, les fûts français Ecofass (10, 20, 25 et 30 l) ont fait l’objet d’une étude par Inter-Rhône (voir encadré), attestant de leur très faible perméabilité. La poche intérieure se sépare du fût en plastique qui peut ainsi être réutilisé, théoriquement sans nettoyage, mais des gouttes peuvent s'échapper. Un léger rinçage peut donc être à prévoir. Ce contenant convient donc davantage pour une commercialisation dans les restaurants de proximité. Fourni avec des têtes de remplissage A ou S, il peut ainsi s’adapter aux modèles de tireuses couramment utilisés en restauration. Niveau budget, les fûts Ecofass se positionnent entre le fût inox et le Keg. Il faut compter une cinquantaine d’euros pour le fût plastique et entre 3,50 et 5,90 € pour la poche intérieure.

Un marché favorable au développement de ces contenants

Au cours des dernières années, de nombreux fabricants ont développé des enfuteuses permettant d’augmenter les cadences de remplissage. Il faut compter entre 7 000 € pour les enfuteuses manuelles (60 fûts à l’heure) et jusqu’à 50 000 € pour les enfuteuses automatiques à deux têtes de remplissage, destinées aux gros opérateurs.

« La vente de vin au verre est en plein boom, ce qui créé de nombreuses opportunités pour le vin en fût. Nous avons par ailleurs constaté une accélération des ventes dans les six mois précédant l’entrée en vigueur de la Taxe Trump, ce format n’y étant pas soumis », remarque Loïc Couaillier. Philippe Cancel constate de son côté « un grand succès lors des férias et festivals. Le fait de pouvoir proposer du blanc et du rosé frais est un vrai plus », témoigne-t-il. D’autant que la tendance du zéro déchet pousse de plus en plus de consommateurs à consommer en vrac. Pour les restaurateurs, c’est aussi la promesse d’une meilleure réactivité aux heures de pointe, et de gain de place en cuisine. « C’est dommage que les vignerons aient du mal à contourner les barrières psychologiques qu’ils se mettent concernant ce type de contenant, qu’ils ont tendance à juger bas de gamme », regrette Philippe Cancel.

 

voir plus loin

Le recyclage des fûts plastiques pas encore au point

Économiser les coûts de transport et les émissions de CO2 associées en utilisant des fûts plastiques non consignés et recyclables. C’est l’argument fort utilisé par les fabricants et les revendeurs de fûts en plastique. Mais dans les faits, la filière de recyclage de ces fûts est quasiment inexistante. Une hérésie, quand on sait que ces derniers peuvent potentiellement être réutilisés à hauteur de 80 % après avoir été incinérés et réduits en granulés, d’après des tests menés par la société LightWeight Container, qui fabrique les Keykegs.

Aux Pays-Bas et en Angleterre, des projets de collecte des Keykegs sont en cours dans les grandes villes. « L’aspect logistique représente un challenge. L’enjeu étant d’aménager le processus logistique de façon à minimiser les émissions de CO2 liées au transport, et de s’assurer que les matériaux recyclés couvrent les coûts de transformation », explique Anita Veenendaal, en charge du projet. En France, Philippe Cancel, dirigeant de la société de prestation d’enfûtage Rosé futé travaille sur un projet de collecte dans le sud de la France. Mais pour l’heure dans l’Hexagone, les fûts en plastique finissent la plupart du temps… à la déchetterie.

Comprendre

La fiabilité des fûts Ecofass validée par Inter-Rhône

La conservation des vins lors de leur stockage dans les fûts Ecofass commercialisés par la société CG Industry ont fait l’objet d’une étude par Inter-Rhône, en partenariat avec France Agrimer. Les essais ont été menés sur des fûts de 20L, contenant du côtes-du-rhône rosé 2013 et du côtes-du-rhône rouge 2012. Trois scenarios ont été testés. Dans le premier scenario, le vin est simplement stocké sans ouverture du fût durant 4 mois. Dans le deuxième, le fût est ouvert au bout de 3 mois et consommé pendant 1 mois à raison de 5 l /semaine. Enfin, dans le dernier scenario, le vin est conservé 0,5 mois et consommé sur 3,5 mois, à raison de 0,8 l /semaine dans un premier temps, et de 2 l /semaine au cours du dernier mois. Chaque scenario comprend deux modalités de gaz de contre-pression à 1 bar: CO2 ou air comprimé . Au cours des 10 premières semaines, la température de stockage était de 20°C. Puis, les chercheurs l’ont monté à 30°C.

Pas d’évolution des paramètres analytiques et sensoriels

Sur les 4 mois d’étude, trois sessions de dégustation ont été organisées par Inter-Rhône, dont le laboratoire s’est chargé des suivis analytiques. « On ne note pas d’accumulation d’oxygène dissout tout au long des 17 semaines » notent les chercheurs, précisant que ce constat se vérifie sur l’ensemble des scenarios et sans distinction selon le gaz de contre-pression. Il n’y a pas eu non plus de baisse de SO2 libre observé dans l’ensemble des modalités. Les traitements statistiques des résultats de dégustation n’ont pas non plus permis de mettre en évidence de différences significatives, validant l’intérêt de ces contenants pour la conservation des vins.

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