Comprendre l’origine des notes poivrées dans les vins rouges
Peu de connaissances scientifiques existent sur la rotundone, cette molécule qui confère aux vins rouges leurs arômes poivrés. Les travaux de thèse menés par Olivier Geffroy, enseignant-chercheur à l’école d’ingénieurs de Purpan, apportent de nouveaux éclairages.
Peu de connaissances scientifiques existent sur la rotundone, cette molécule qui confère aux vins rouges leurs arômes poivrés. Les travaux de thèse menés par Olivier Geffroy, enseignant-chercheur à l’école d’ingénieurs de Purpan, apportent de nouveaux éclairages.
Le poivre est l’un des principaux arômes qui caractérisent la syrah, ce cépage qui couvrait en 2015 près de 190 000 ha à travers le monde, selon l’OIV. « Malgré l’importance de la syrah en France, la recherche française ne s’est que très peu intéressée à l’étude aromatique de ce cépage et aux marqueurs moléculaires associés aux notes poivrées », constate Olivier Geffroy. Entre 2018 et 2020, il a réalisé une thèse qui permet de mieux comprendre comment favoriser la synthèse de rotundone dans les vins. Il a réalisé ses suivis à partir de vignes de syrah, duras et fer servadou cultivées dans le vignoble du sud-ouest de la France.
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Les climats chauds et secs sont défavorables à la synthèse de rotundone
La rotundone est un composé volatil d’origine variétale identifié par des chercheurs australiens comme responsable des notes poivrées dans les vins depuis 2008, nous apprend le chercheur. « La plante utilise habituellement ce type de composé pour interagir avec son environnement. Ils lui permettent par exemple d’attirer ou de repousser des insectes, ou de lutter contre un champignon. Mais la fonction biologique de la molécule reste aujourd’hui encore inconnue », expose Olivier Geffroy à l’occasion des rencontres Inno’Vinseo, en mars dernier. D’après ses travaux, les conditions climatiques jouent un rôle prépondérant dans la synthèse de rotundone. « Plus il fait chaud et sec, moins on a de rotundone », affirme-t-il. Une mauvaise nouvelle considérant l’impact du changement climatique sur les vignobles français. « L’apport d’eau avant la véraison via l’irrigation induit de manière systématique une augmentation de la concentration en rotundone dans les vins », observe Olivier Geffroy. Il relève par ailleurs que « la date de récolte est un levier important pour piloter la concentration des vins en rotundone ». Dans sa thèse, il note que « les concentrations atteignent un plateau à partir de 44 jours après mi-véraison ». Ses recherches pointent également l’influence du matériel végétal, certains clones ayant une capacité plus importante à synthétiser la rotundone. D’autres pratiques viticoles, comme l’effeuillage, ont montré une influence variable selon le cépage et les millésimes.
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Ni les macérations, ni les enzymes ne favorisent l’extraction de rotundone
Comme la rotundone est principalement localisée dans les pellicules du raisin, Olivier Geffroy a testé plusieurs protocoles de vinification dans l’objectif de maximiser son extraction. « Mais ni l’augmentation de la température, ni la durée de macération, ni l’utilisation d’enzymes pectolytiques n’ont montré d’impact significatif sur la concentration finale en rotundone », révèle le chercheur. Il a même constaté avec surprise que « les vins macérés pendant 14 jours possédaient une concentration en rotundone inférieure à ceux macérés pendant 8 jours ». Il soupçonne une forte affinité entre les lies et la rotundone, et pense que cette dernière pourrait être entrainée vers le fond de la cuve par sédimentation une fois le dégagement de CO2 achevé. Une hypothèse qui reste encore à prouver. En conclusion de ses travaux, Olivier Geffroy estime que c’est donc « au vignoble que les efforts doivent être faits » pour maximiser l’expression de notes poivrées dans les vins.
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De nombreux consommateurs anosmiques à la rotundone
Le seuil de perception de la rotundone est très faible, à 8 ng/l dans l’eau et 16 ng/L dans le vin rouge. Mais il existe en plus une anosmie spécifique à ce composé relativement répandue dans la population. C’est ce que révèle Olivier Geffroy dans sa thèse. « Lors des premiers tests sensoriels réalisés en 2008 en Australie, 20 à 25 % des membres du panel étaient incapables de détecter la rotundone dans l’eau, même à des concentrations supérieures à 4 000 ng/L », constate le chercheur. Parmi ceux qui parviennent à la détecter, une étude consommateurs a montré que ce sont les amateurs éclairés « possédant un budget par bouteille supérieur aux autres panélistes », qui semblent le plus affectionner les arômes poivrés.