Quelles sont les règles pour mesurer le persillé de la viande ?
Les familles interprofessionnelles d’Interbev ont signé un accord sur les règles applicables à la mesure du persillé dans les viandes issues de bovins de huit mois ou plus.
Les familles interprofessionnelles d’Interbev ont signé un accord sur les règles applicables à la mesure du persillé dans les viandes issues de bovins de huit mois ou plus.
C’est une nouvelle étape dans la mise en œuvre du plan de filière viande bovine adopté en 2017. Ce dernier prévoyait l’intégration dans le fonctionnement de la filière de nouveaux paramètres d’évaluation des viandes « en vue d’améliorer l’expérience gustative pour les consommateurs ». Le critère du persillé a été retenu en complément des outils actuels, un lien étant établi entre l’infiltration de gras dans la viande et la jutosité, le persillé étant également considéré comme un facteur favorable à la tendreté et à la flaveur.
Une grille de mesure « officielle »
Après une période de recherche et d’expérimentation menée par l’Institut de l’élevage (Idele) pour Interbev, la section bovine de l’interprofession vient de valider, par accord interprofessionnel, une grille de mesure « officielle » du persillé en six classes (notées de 1 à 6). « L’objectif est de garantir une harmonisation des notes entre les différents établissements d’abattage et de découpe », précise l’accord en préambule, avant de définir les modalités de mise en œuvre de l’évaluation du persillé.
Concrètement, les entreprises souhaitant procéder à une évaluation du persillé devront impérativement utiliser la grille interprofessionnelle. Celle-ci fera également foi pour toute communication du résultat de cette mesure « qu’elle soit uniquement contractuelle ou à des fins de communication vis-à-vis du consommateur final ». Un guide d’utilisation de cette grille a été mis au point pour permettre l’évaluation du persillé, « qu’elle soit manuelle ou automatisée ».
Une phase d’appropriation
« Cet accord constitue une première étape, analyse Emmanuel Bernard, le président de la section bovine d’Interbev. Nous entrons à présent dans une phase d’appropriation par les entreprises. » Celles souhaitant mettre en place l’évaluation de la grille de persillé devront en effet organiser au préalable une formation à l’utilisation de la grille. « Les transformateurs ont joué le jeu lors de la phase d’expérimentation. Ceux que ce créneau intéresse pourront naturellement avancer dans ce sens. Le marché fera son office, un peu comme pour la maturation », précise-t-il. La restauration commerciale ou la boucherie artisanale pourraient faire partie des débouchés potentiels.
La question est de savoir quelle utilisation sera faite de la grille par les opérateurs. Emmanuel Bernard précise qu’il s’agit d’une mesure volontaire, qui n’aura pas d’incidence, par exemple, sur la labellisation des carcasses, ce critère ne figurant pas dans le cahier des charges. « Au travers de cet accord, l’ambition est de progresser collectivement sur la question de la qualité et de parler positivement du produit », assure-t-il.
Pour faire de ce facteur un outil de progrès pour l’ensemble de la filière, « il est important qu’il y ait un retour d’information pour les éleveurs », insiste Emmanuel Bernard. La recherche a ainsi été mobilisée pour aider à déterminer les facteurs génétiques, d’alimentation et de conduite du troupeau intervenant positivement sur le persillé des viandes. « À terme, on pourrait faire évoluer certaines pratiques, mais aussi contribuer à rapprocher la filière des consommateurs », projette-t-il.
De fait, les travaux de recherche montrent qu’à l’aveugle les consommateurs préfèrent les viandes persillées aux viandes maigres, tant en France qu’à l’étranger. Cependant, il est démontré que l’excès de gras visible est préjudiciable lors de l’acte d’achat, les consommateurs ayant effectivement tendance à ne pas choisir les morceaux excessivement gras. Une contradiction à laquelle les distributeurs devront répondre.
Les facteurs d’élevage scrutés à la loupe
« Les facteurs susceptibles d’impacter le dépôt de persillé sont désormais bien identifiés, qu’ils relèvent de la conduite d’élevage ou du type d’animal, mais mériteraient d’être précisés dans un contexte "français"» : c’est la conclusion d’une synthèse bibliographique publiée dans la revue Viandes & produits carnés et réalisée dans le cadre de deux projets menés par l’Idele, « Stratégie de pilotage du persillé » financé par Interbev et « Precobeef » financé par APIS-GENE. Les experts citent notamment les effets du niveau énergétique et de la durée de finition sur la propension des bovins à déposer du gras intramusculaire et à obtenir in fine du persillé dans la viande, la complémentation entre 150 et 250 jours d’âge, la teneur en vitamine A ou encore la nature de la ration d’engraissement. Certains projets menés par l'Idele pour Interbev sur cette thématique sont déjà en cours et devraient approfondir l’étude de ces aspects, bien connus dans les pays anglo-saxons, dans le contexte français.
l’avis de Jean Denaux, affineur de viande à Sens (Yonne)
« Attention aux approches simplificatrices »
« Pour être bonne, une viande doit effectivement être grasse. Mais elle doit d’abord être "finie" avant d’être persillée, c’est-à-dire que l’animal soit cueilli au stade optimum du développement qui correspond à son profil génétique et à son terroir. Le persillé est à mon sens un critère ambigu. On peut obtenir du persillage en faisant pousser des animaux avec des aliments riches, y compris d’ailleurs ceux issus du troupeau laitier, ce qui ne donne pas un bon gras. En outre, c’est un schéma peu adapté aux races allaitantes françaises qui ne sont pas des races précoces comme l’angus ou la hereford. Je sélectionne des vaches de 6 à 8 ans qui n’ont pas forcément beaucoup de persillé, mais dont le développement fait qu’elles sont goûteuses et ont de la mâche. Le fait de les faire bien rassir, leur permettra de restituer de la tendreté et une bonne qualité de gras. Enfin, j’ajoute que le persillé n’est pas forcément visible et peut-être infiltré sans que cela se voie. C’est donc un aspect de la viande dont je sais qu’il est devenu un critère important, mais qui ne rend pas compte des facteurs d’élevage et de sélection les plus importants, selon moi. »