Une fabrique d'aliment à la ferme pour "perdurer dans la production porcine"
Les éleveurs du Gaec de la Riale dans l’Aveyron ont investi dans une fabrique d’aliment à la ferme pour pérenniser leur élevage. Ils ont fait le choix d’un équipement entièrement automatisé pour pallier une future baisse de la main-d’œuvre.
Les éleveurs du Gaec de la Riale dans l’Aveyron ont investi dans une fabrique d’aliment à la ferme pour pérenniser leur élevage. Ils ont fait le choix d’un équipement entièrement automatisé pour pallier une future baisse de la main-d’œuvre.
« Le choix d’investir dans une fabrique d’aliment à la ferme (faf) est le fruit d’un cheminement qui s’est fait suite à la crise porcine et à l’évolution du prix des matières premières. Nous avons compris que pour perdurer dans la production porcine, il fallait investir dans une faf », expliquait Guillaume Segonds, l’un des quatre associés du Gaec de la Riale, dans l’Aveyron, au cours d’une journée technique organisée par Airfaf Sud-Ouest.
Producteur de lait et à la tête d’un élevage porcin de 120 truies naisseur-engraisseur, les éleveurs ont investi dans une faf en 2017. Au stade de la réflexion, la première décision a été de travailler avec des matières premières stockées à sec. « Je n’ai pas voulu utiliser du maïs humide car j’avais des craintes par rapport à l’approvisionnement. Nous ne produisons pas de maïs grain. Pour acheter, nous serions rapidement entrés en concurrence avec des voisins. De plus, nous fournissons des bouchers-charcutiers en direct. Par rapport à la qualité de la viande, ils nous demandaient d’éviter une trop grande quantité de maïs en engraissement », justifie-t-il.
Les éleveurs ont également choisi un convoyage des matières premières et des aliments par vis plutôt que par la voie pneumatique pour limiter les consommations électriques, bien que l’investissement soit « légèrement » plus onéreux. "L’exploitation et la maison d’habitation sont alimentées par un seul compteur électrique de 60 ampères", justifient-ils.
Quant à l’équipement de fabrication, l’éleveur s’est orienté vers du matériel Skiold, via l’installateur aveyronnais Agri Tech Élevage, et plus particulièrement sur le broyeur Disc Mill pour sa capacité à régler facilement la granulométrie de l’aliment. "Les finesses de broyage sont différentes selon que les matières premières sont destinées à l’élevage porcin ou les vaches laitières".
Enfin, dans les années qui viennent, avec la cessation des parents, le Gaec va perdre la moitié de sa main-d’œuvre. « J’ai donc voulu que la faf soit la plus automatisée possible, y compris pour le minéral. Elle travaille toutes les nuits en heures creuses, du lundi au vendredi », explique Guillaume Segonds.
L’investissement global s’élève à 165 000 euros dont 40 000 euros pour le bâtiment et 125 000 euros d’équipements. Il a bénéficié de 57 000 euros de subventions. Le coût d’amortissement est de 16 €/tonne d’aliment fabriqué (1 000 tonnes par an).
1 La faf dispose de 600 t de stockage en céréale 450 t de blé, 100 t d’orge et 50 t de maïs, de trois cellules de 40 t pour la protéine (tourteaux de colza et de soja tracés et tourteau de soja non tracé pour les vaches). Le remplissage des cellules est assuré par une seule vis. Les descentes, en acier galvanisé, sont de forme carrée. "L’écoulement est meilleur qu’avec des tuyaux PVC, ce qui a permis de limiter la pente à 30 % et de gagner de la hauteur". En sortie de fosse, un dépoussiéreur permet de nettoyer les matières premières. Toutes les cellules sont sur venticône posés sur la dalle, sauf pour les protéines pour lesquelles les cônes sont en partie enterrés (1 mètre) car la pente est plus prononcée (60 °). « Nous avons investi sur la hauteur du bâtiment et des venticônes pour être sûr de pouvoir bien ventiler », explique l’éleveur. Pour éviter le voûtage dans les cellules des protéines, il lance la fabrication dès qu’elles sont remplies.
2 Le broyage est assuré par un broyeur à disques en carbure (Disc Mill SK2500) mû par un moteur de 7,5 kW. « Au départ, j’étais sceptique sur la puissance du moteur. Mais il fait très bien le job », apprécie Guillaume Segonds. Il est alimenté en gravité par une trémie de réception des matières premières. L’ouverture de la trappe de sortie est régulée en fonction de l’intensité du broyeur. Une vis de 125 mm sous le broyeur vient gaver le pied du mélangeur incliné. Le mélange est assuré par une vis de 260 mm qui tourne à 50 tours/minute. Monté sur peson et ventilé, le mélangeur a une capacité de 2 800 litres, qui permet de préparer 1 tonne d’aliment à la fois. "Une capacité inférieure aurait été suffisante en multipliant les cycles. Mais, comme l’aliment des vaches doit être transporté avec une remorque, cela permet de préparer la quantité nécessaire pour 2 jours en une seule fois". Les minéraux et l’huile sont introduits directement dans le mélangeur. Une trappe permet d’incorporer divers additifs : argile, sel pour les vaches… La préparation d’une tonne dure une heure (chargement des matières premières, broyage et mélange).
Une faf avec du matériel d’occasion
Au Gaec des deux fermes, la faf permet de valoriser les céréales produites sur l’exploitation. Pour maîtriser l’investissement, grevé par un surcoût du terrassement, la faf a été équipée avec du matériel d’occasion.
« J’ai toujours pensé qu’il fallait fabriquer soi-même ses aliments », souligne Fabrice Souyri, éleveur dans l’Aveyron (Gaec des deux fermes). Mais, installé avec « quasiment rien » au début des années 1990 (12 ha) pour arriver aujourd’hui à 150 hectares, 100 truies naisseur-engraisseur et 500 000 litres de lait aujourd’hui, tout ne pouvait se faire d’un coup. La faf permet de valoriser la production de céréales (50 ha). La construction du bâtiment a demandé un terrassement important. Pour compenser ce surcoût, le Gaec a équipé la faf avec du matériel d’occasion (cellules, broyeur, mélangeur…). La capacité de stockage est de 550 tonnes. L’assemblage a été réalisé par les associés. Ce qui n’a pas été sans quelques petites erreurs et surtout une mise en route longue (un an) et difficile. Les fabrications ne sont pas automatisées. À cet investissement, il a fallu rajouter l’achat d’une remorque pour amener l’aliment aux bovins et sur un site de post-sevrage engraissement situé à 10 km.
Sur les 1 000 tonnes d’aliments fabriqués annuellement, le Gaec valorise 250 tonnes de céréales. Le reste est acheté localement. La fabrication est gérée par Romain Souyri, le fils de l’éleveur actuellement salarié du Gaec. Pour formuler, il s’appuie sur Karine Noutary, fondatrice d’Avena (Tarn-et-Garonne), société de négoce de matières premières agricoles et de conseil. « Quand on démarre dans la fabrication et qu’on découvre l’achat de matières premières, c’est toujours compliqué, dit-elle. Il faut s’implanter en tant que fafeur. Les producteurs ont leurs habitudes et le nouvel entrant doit se placer. La stratégie est simple : on privilégie l’approvisionnement local. Ensuite, on formule en fonction des stocks ».