L’Ifip engage le débat sur la transition des élevages de porcs
Toutes les enquêtes s’accordent à dire que les consommateurs aspirent à des produits répondant mieux à leurs attentes. Mais les avis divergent sur la manière d’en tenir compte.
Toutes les enquêtes s’accordent à dire que les consommateurs aspirent à des produits répondant mieux à leurs attentes. Mais les avis divergent sur la manière d’en tenir compte.
La forte affluence enregistrée à la journée d’échange, organisée le 3 décembre dernier par l’Ifip à Paris, sur le thème de l’évolution des marchés et des attentes sociétales démontre l’intérêt de la filière à engager le débat sur la transition des élevages vers des modèles qui répondent mieux aux aspirations des consommateurs. Car même si de multiples initiatives de filière ou privées existent déjà, elles occupent encore peu d’espace en termes de volume entre la production conventionnelle et les signes officiels de qualité que sont le bio et le label rouge (5 % de la production nationale à eux deux).
Pourtant, les habitudes des consommateurs évoluent de plus en plus rapidement. « Aujourd’hui, les principaux facteurs d’inquiétude des Français portent sur les antibiotiques et des conditions d’élevage », souligne Pascale Hébel, directrice du pôle consommation du Credoc (1). Agrosociologue à l’Ifip, Elsa Delanoue distingue quatre points de controverses : l’environnement, la condition animale, le sanitaire et le modèle de production. Ces quatre thématiques ont surgi dans cet ordre depuis les années 80. « La crise de la vache folle a été un point de rupture important, qui a entraîné une perte de confiance des consommateurs sur le mode d’élevage des animaux », souligne-t-elle. Ces inquiétudes se traduisent notamment par la montée en puissance du bio, qui a encore progressé de 40 % en 2018 ! Mais cette production ne représente que 0,7 % de la production nationale, et le label rouge 4 %. « Pourtant, deux tiers d’entre eux seraient prêts à payer plus cher un produit labellisé bien-être animal et santé », affirme Elsa Delanoue.
10 % de croissance par an pour les produits différenciés Fleury Michon
Cette affirmation est confirmée par le salaisonnier Fleury Michon, chez qui les démarches de différenciation concernent désormais 50 % des ventes de jambon. Son offre est variée : bio, label rouge, sans antibiotiques, sans nitrites, avec de la graine de lin, avec moins de sel ajouté… « Ces produits font 10 % de croissance par an depuis trois ans, dans un marché en régression de 2 à 4 % par an », souligne David Garbous, directeur marketing de Fleury Michon. Christophe Bonno, du groupe Agromousquetaires d’Intermarché, confirme cet intérêt des consommateurs pour plus de qualité. « Les premiers prix sont en régression de 10 à 20 % par an. C’est finalement une bonne chose car personne ne gagne d’argent sur ces produits à faible marge. » Mais il met aussi en avant les limites de la montée en gamme. « Les consommateurs ne sont pas toujours prêts à payer plus. »
Un risque de perte de compétitivité
Un argument repris par François Valy, le président de la fédération nationale porcine, qui souligne aussi que « un mode d’élevage n’a rien à voir avec la qualité de la viande. On peut faire une très bonne saucisse avec un cochon sur caillebotis. Et tout le monde est gagnant, l’éleveur qui produit au moindre coût et le consommateur qui paie moins cher. » Le président d’Inaporc, Guillaume Roué, met aussi en garde la profession sur le risque de perte de compétitivité que pourrait engendrer cette montée en gamme. « Nos clients ne sont pas seulement hexagonaux, ils sont aussi mondiaux. Pour pouvoir vendre des produits non consommés en France, les queues, les têtes, les oreilles ou le gras, il faut pouvoir être compétitif sur les marchés mondiaux. » Il se dit admiratif des éleveurs qui se lancent dans des projets d’élevages alternatifs. « Mais pour être certain du succès de cette démarche, ils ont su négocier avec les abatteurs ou les distributeurs pour que le prix de vente couvre l’intégralité des surcoûts. Quand on s’engage dans un autre segment de marché que le conventionnel, la production engagée doit être accompagnée de contractualisation. »
64 % des consommateurs prêts à payer pour des produits labellisés « BEA et santé »
« Si un label comportant le contenu et les garanties que vous jugez importants était mis en place, seriez-vous prêt(e) à payer plus cher les produits qui portent ce label ? »