Maîtrise des pathologies
Concilier démédication et performances économiques
Lors du Forum Alterbiotique, organisé par le réseau Cristal, les vétérinaires ont témoigné d’exemples réussis de gestion de problématiques de santé par des solutions alternatives aux antibiotiques. Focus sur trois d’entre eux.
Lors du Forum Alterbiotique, organisé par le réseau Cristal, les vétérinaires ont témoigné d’exemples réussis de gestion de problématiques de santé par des solutions alternatives aux antibiotiques. Focus sur trois d’entre eux.
Pour accompagner la réduction de l’utilisation d’antibiotiques, le réseau Cristal a mis en place la démarche Alterbiotique. « C’est une méthode rationnelle basée sur un diagnostic et une contractualisation avec l’éleveur », a présenté Dominique Marchand, du réseau Cristal, lors du forum Alterbiotique organisé en janvier dernier à Châteaugiron. " La première étape est de fixer des objectifs communs et de mettre en place une démarche de progrès, le but étant d’atteindre une solution 100 % alternative aux antibiotiques. » L’objectif est d’avancer dans la démédication tout en respectant le bien-être animal et la performance économique de l’élevage. « Ces deux aspects ne sont pas opposés. Au contraire, ils vont de pair, appuie le vétérinaire. Alterbiotique est une solution à la carte qui repose sur quatre piliers : prévention (biosécurité, vaccination), réduction de l’usage des antibiotiques, substitution par des solutions de phytothérapie ou de stimulation de l’immunité, et formation. » Cette démarche est portée par les 280 vétérinaires du groupe Cristal, dont 25 spécialisés en porc. Lors du forum, les vétérinaires ont présenté quelques exemples de démarches mises en place en élevages, notamment pour limiter le stress des porcelets, réduire la douleur à la mise bas ou réduire les infections urogénitales de la truie.
Prévenir les infections urogénitales par l’hygiène
L’infection urogénitale est la première cause de prescription d’antibiotiques chez la truie, administrés souvent collectivement. Les bactéries en cause sont E. coli et les staphylocoques, deux germes que l’on retrouve habituellement dans le tube digestif pour le premier et sur la peau pour l’autre. L’un des leviers est donc de renforcer l’hygiène autour de la mise bas ainsi qu’au moment de l’IA, pour limiter le risque d’infection lors de l’ouverture du col utérin. L’hygiène de la verraterie est un point clé (raclage régulier, assèchement via la ventilation….). La gestion de l’abreuvement est également importante. « Les truies doivent boire suffisamment, pour avoir un effet chasse d’eau des bactéries lors de la miction, mais pas trop, au risque de fatiguer le sphincter urinal ", a expliqué le vétérinaire Hugues Perrin.
Il a témoigné d’un cas concret dans un élevage, traitant chaque truie au moins une fois par an avec un antibiotique. « Le protocole de nettoyage des vulves avant IA a été revu, ainsi que les réglages de ventilation pour mieux assécher la verraterie. En parallèle, un dépistage systématique a été mis en place à l’entrée en maternité (bandelette urinaire sur chaque truie et antibiogramme en cas de positivité). » Le traitement antibiotique a été adapté et limité aux seules truies positives tandis qu’un produit de phytothérapie a été distribué à l’ensemble des truies (distribution par voie orale, durant sept jours avant la mise bas, d’extraits végétaux ayant des fonctions diurétiques et antiseptiques urinaires). « La proportion de truies positives au test de dépistage est passée de 25 % à 10-15 % en moyenne par bande. La fertilité moyenne s’est améliorée tandis que l’utilisation d’antibiotique a diminué. Le coût de la gestion des troubles urinaires est passé de douze à quatre euros par truie et par an. »
La sociabilisation avant sevrage limite les risques d’agressivité
Mathieu Couillard, éleveur dans la Manche, a testé une technique consistant à ouvrir des trappes entre les cases de maternité pour permettre aux porcelets de circuler d’une case à l’autre. Son objectif : sociabiliser les porcelets avant sevrage en favorisant les contacts précoces entre congénères, et réduire ainsi les comportements de peur, d’agressivité et les risques de blessures lors de la mise en groupe du sevrage. Ces dernières représentent en effet une porte d’entrée aux pathogènes, notamment responsables des problèmes d'arthrites que l'éleveur souhaitait résoudre.
L’essai a été réalisé dans une salle de maternité constituée de deux groupes de cinq cases dans lesquelles les porcelets pouvaient circuler via de petites trappes. « Par précaution, les porcelets ont été bouclés, mais dans les faits, ils reconnaissent sans problème leur mère », a observé l’éleveur. L’ouverture se fait cinq à sept jours après la mise bas, pour laisser le temps de la reconnaissance maternelle. Au sevrage, les porcelets ont été triés par sexe et par poids et répartis dans des cases de nurserie de 26 places. Alexis Nalovic, vétérinaire conseil, a fait part de résultats très positifs en fin de nurserie. « Les porcelets sociabilisés précocement ont beaucoup moins de griffures : 27 % de porcelets griffés trois jours après le sevrage contre 98 % pour le groupe témoin. D’autre part, les lésions de griffures sont beaucoup moins sévères. »
Le stress moindre au sevrage aurait aussi un bénéfice sur la croissance et la prise alimentaire. Pour un même poids au sevrage (7 kg), les porcelets sociabilisés pesaient 1 kg de plus après douze jours de nurserie que ceux du groupe témoin, soit 13,2 kg contre 12,2 kg. Cette meilleure croissance s’explique par l’augmentation de la quantité d'aliment 1er âge consommé (1,1 kg de plus par porcelet pour le groupe mélangé). Le traitement antibiotique contre les arthrites a par ailleurs été arrêté.
« Quelques précautions sont nécessaires pour tester cette technique, a précisé le vétérinaire. Comme attendre une semaine pour ouvrir la trappe pour permettre le lien entre la mère et ses petits, et garder les mêmes groupes jusqu’à la fin de l’élevage. » « Cela nécessite une attention particulière sur le poids et l’homogénéité des porcelets à la naissance », ajoute l’éleveur. Les séances de tétées doivent se dérouler au même moment pour toutes les truies, pour éviter des mouvements de porcelets trop importants d’une case à l’autre.
Soulager la douleur des truies à la mise bas
De récents travaux menés par l’Université de Barcelone ont montré que l’administration d’antalgiques ou d’analgésiques à la truie pour soulager la douleur lors de la mise bas avait un effet bénéfique sur la croissance et le développement des porcelets. « Le groupe de truies ayant reçu un anti-inflammatoire oral (meloxican) autour de la mise bas avait en moyenne des porcelets 400 g plus lourds au sevrage par rapport au groupe témoin », a présenté Déborah Temple, vétérinaire chercheuse, spécialisée en comportement et bien-être des animaux. « Lors d’une mise bas trop longue (plus de trois heures), la douleur pour la truie devient trop intense et provoque une réaction physiologique de stress qui inhibe la production d’ocytocine. » Avec pour conséquence une baisse des contractions utérines, un risque d’asphyxie et de manque de tonicité du porcelet et un mauvais démarrage de la lactation.
« Pour cibler l’administration de l’antalgique aux truies qui en ont besoin, il est important de reconnaître les indicateurs de douleur. » Il peut s’agir de changements d’activité : une truie trop souvent débout ou assise autour de la mise bas, une truie qui change tout le temps de position après la mise bas (risque d’écrasement des porcelets). D’autres indicateurs sont des comportements spécifiques de la douleur (oscillation de la queue, coups avec les pattes postérieures, dos courbé, tremblement) ou des expressions faciales (front, oreilles et paupières tendus vers l’arrière, yeux ouverts vers le bas). Pour aider l’éleveur à reconnaître ces signes, la chercheuse a participé à l’élaboration de grilles d’évaluation de la douleur(1).
(1) Disponibles sur www.fawec.org